Résumé
Cette motion vise à dénoncer l’usage abusif des procédures de dissolution administrative telles que celles relatives à la Jeune Garde Antifasciste et Urgence Palestine, à rappeler notre attachement à l’État de droit et à apporter notre soutien à ces deux associations face aux dissolutions.
Exposé des motifs
Comme l’avait fait ses prédécesseurs en tentant de dissoudre les Soulèvements de la Terre, le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, a lancé une procédure de dissolution administrative à l’encontre de la Jeune Garde et d’Urgence Palestine.
Cette décision répond en fait à la volonté du Rassemblement National qui lui en a expressément fait la demande en séance des questions au gouvernement. En effet, celui- ci n’a de cesse de s’attaquer aux organisations dont l’objectif est de protéger les droits humains et de lutter contre le fascisme. Pour satisfaire le parti d’extrême droite, mais aussi pour affirmer son rôle au sein de la droite extrême, M. Retailleau est donc prêt à tout ; y compris enfreindre l’État de droit, dont on sait par ailleurs qu’il le juge “ni intangible ni sacré”. Cette dissolution s’intègre aussi dans une criminalisation du soutien aux Palestinien·ne·s, sous couvert d’une prétendue lutte contre l’antisémitisme.
La dissolution administrative prise par un simple décret en conseil des ministres est encadrée par l’article L212-1 du Code de la sécurité intérieure et concerne en principe « toutes les associations ou groupements de fait » qui « provoquent à des manifestations armées dans la rue », qui « présentent le caractère de groupes de combat ou de milices privées », qui « ont pour but de porter atteinte à l’intégrité du territoire national », qui « provoquent à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine » ou qui « se livrent à des agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme en France ou à l’étranger ».
Quels sont les troubles invoqués pour motiver ces dissolutions décidées par M. Retailleau ? Aucun de ces critères ne peut s’appliquer à la Jeune Garde ou à Urgence Palestine. Les notifications de dissolutions reprennent des accusations sans preuves et établissent des extrapolations comme à l’égard du Président de la Jeune Garde qui aurait “incité à la revanche” en publiant une vidéo de sa propre agression. La Jeune garde n’a fait l’objet d’aucune condamnation et les deux organisations ont au contraire su démontrer qu’elles ont toujours appelé à l’ordre et aux méthodes démocratiques, tout en se réclamant d’une forme de radicalité qui n’est pas répréhensible de par la loi. Les motifs de dissolution ne peuvent se fonder sur des propos tenus de manière individuelle par des membres, ne reflétant pas les l’objet de l’association.
L’objectif est clair : faire taire les opinions et les organisations qui ne correspondent pas à l’agenda gouvernemental. Les Écologistes s’opposent à cet usage abusif de la procédure de dissolution administrative qui devient un outil de répression politique, visant à museler les associations et les mouvements de gauche, écologistes, humanistes et antifascistes. Notre sénateur Thomas Dossus a d’ailleurs déposé en 2023 une proposition de loi visant à encadrer cette procédure en y retirant le motif de « provocation à des agissements violents à l’encontre des biens ». Cette expression introduite par la loi confortant le respect des principes de la République, ouvre un champ de possibles dissolutions trop large ; comme c’est le cas ici avec Urgence Palestine qui est ciblée pour avoir lancé des actions de boycott contre les supermarchés Carrefour. Comme il l’a fait en signant l’appel commun, notre mouvement doit rappeler que la norme en matière de dissolution d’association doit être une décision judiciaire et que cette procédure ne peut en aucun cas être une arme gouvernementale de bâillonnement des oppositions politiques. Il doit aussi continuer à combattre les effets produits par la loi du 21 août 2021 confortant le respect des principes de la République contre les libertés associatives.
En 2023, une dissolution avait été prononcée par M. Darmanin à l’endroit des Soulèvements de la Terre, décision finalement suspendue puis annulée par le Conseil d’État qui avait jugé que “la dissolution ne constituait pas une mesure adaptée, nécessaire et proportionnée”.
Les militant·e·s écologistes ont combattu avec force cette dissolution. Nous devons continuer à nous opposer à ce que l’usage abusif des dissolutions administratives devienne la norme.
La Jeune Garde et Urgence Palestine ont en commun la lutte contre la force de l’oppression et contre le fascisme, en Palestine comme en France. Urgence Palestine, se bat contre la colonisation israélienne, les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et le génocide en cours à Gaza et pour l’auto-détermination du peuple palestinien. La Jeune Garde se mobilise contre les groupuscules néofascistes et leurs violences envers les réunions de soutien du droit international et les manifestations sociales. La Jeune garde est née à Lyon en réponse à l’implantation de groupes fascistes.
La lutte antifasciste et la défense des peuples opprimés sont dans l’ADN des Écologistes. C’est pourquoi nous devons absolument soutenir toutes celles et ceux qui se mobilisent pour s’opposer aux systèmes d’oppressions politiques que les mouvements progressistes connaissent depuis des décennies.
Avec cette motion, nous souhaitons donc dénoncer cette nouvelle atteinte à l’État de droit et apporter notre soutien à la Jeune Garde et à Urgence Palestine, même si nous ne partageons pas certaines de leurs actions et prises de positions de certain·e·s de leurs membres.
Motion
Le Conseil Fédéral, réuni le 14 juin 2025 :
- dénonce l’usage abusif des procédures de dissolution administrative via un simple décret pris en Conseil des ministres qui menacent l’État de droit et les libertés associatives ;
- rappelle que celles-ci doivent se faire uniquement en vertu de règles juridiques précises qui garantissent les libertés associatives ;
- défend une modification de l’article L212-1 du code de la sécurité intérieure pour retirer le motif de « provocation à des agissements violents à l’encontre des biens » utilisé pour faire usage de la procédure de dissolution administratives. Cette expression introduite par la loi « confortant le respect des principes de la République » laisse une trop grande part à l’arbitraire pour réprimer les actions associatives ;
- dénonce en conséquence les procédures de dissolution à l’encontre des associations “La Jeune Garde” et “Urgence Palestine” ;
- rappelle son soutien à ces associations – sans partager certaines de leurs actions ou prises de positions de leurs membres-, à la lutte antifasciste et à la défense du droit international en Palestine ;
- soutiendra un recours au Conseil d’État à l’encontre de toute décision abusive de ce type ;
- s’engage à mener la bataille médiatique et politique sur ce sujet ;
- affirme son attachement à l’État de droit et l’importance de le défendre, dénonce la dérive autoritaire et la remise en cause de celui-ci par la droite macroniste et l’extrême droite.
Résultat du vote sur la motion
Retour sur les motions adoptées par le Conseil fédéral
des Écologistes – EÉLV des 14 et 15 juin 2025
Annexes :
Proposition de loi de Thomas Dossus visant à Garantir les libertés associatives : https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl22-814.html
Chapitre deux du code de la sécurité intérieure : suspension ou dissolution de certains groupements et associations (Articles L212-1 à L212-2) : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000025503132/LEGISCTA000025505187/#LEGISCTA000025508342
Décision du Conseil d’État sur la dissolution des Soulèvement de la Terre : https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2023-11-09/476384
Article de Blast précisant les motifs de dissolutions : https://www.blast-info.fr/articles/2025/dissolution-de-la-jeune-garde-et-durgence-palestine-retailleau-au-rapport-le-rn-en-embuscade-eyKZlpFhQGutK6jOpwolcw