Résumé

L’Europe redéfinit sa politique spatiale avec le Space Act et une Vision pour l’économie spatiale, mais les enjeux écologiques et démocratiques restent trop faibles. Face aux méga-constellations, à la militarisation et aux impacts climatiques des lancements, il est urgent d’affirmer une approche alternative. Les Écologistes rappellent que l’espace est un bien commun mondial, dénoncent sa privatisation et exigent que toute politique spatiale intègre sobriété, durabilité et justice sociale. Ils appellent à conditionner les financements publics à des engagements écologiques (ergols propres, allongement de la durée de vie des satellites, évaluation climat), à renforcer le droit international et à soutenir la recherche pour un spatial plus sobre, pacifique et démocratique.

Exposé des motifs

La scène européenne du spatial connaît une transformation stratégique majeure. En juin 2025, la Commission européenne a présenté le Space Act, un projet de règlement ambitieux destiné à harmoniser et renforcer le marché spatial européen. Débattu article par article à partir de fin septembre, ce cadre vise à établir une législation unique en matière de sécurité, de résilience et de durabilité, applicable à tous les opérateurs, y compris extra-européens.

Parallèlement, la Commission a dévoilé une Vision pour l’économie spatiale européenne, avec plus de 40 mesures concrètes destinées à renforcer l’autonomie technologique, la cohésion des acteurs (via le “Space Team Europe”) et la compétitivité globale de l’UE. La France y joue un rôle central : 40 % des emplois du spatial en Europe, le centre spatial de Guyane, une industrie compétitive. Pourtant, la gouvernance nationale reste floue, les financements inadaptés par rapport aux enjeux internationaux, et le paysage juridique fragmenté.

Cette dynamique s’inscrit dans un contexte international marqué par l’accélération de la compétition. Les méga-constellations, comme celles de Starlink, bouleversent l’équilibre orbital et multiplient les risques de collisions, de pollution lumineuse et d’appropriation privative d’un bien commun mondial. Aux États-Unis, l’alliance politique entre Trump et Musk, même ébranlée, alimente une vision utilitariste et prédatrice du spatial, ignorant les impératifs de durabilité et de coopération internationale.

Les enjeux militaires sont tout aussi cruciaux : selon les juristes du droit spatial, l’espace est déjà militarisé. Les satellites de reconnaissance, les capacités anti-satellites, les doctrines de “warfighting domain” de l’US Space Force ou de la Chine témoignent de cette réalité. La montée en puissance de systèmes comme le “bouclier spatial” américain ou les satellites-inspecteurs russes accroît le risque d’escalade, tandis que le droit international peine à suivre. L’Europe doit porter une voix forte pour la transparence, la prévention des conflits et la protection des orbites comme bien commun.

Il faut également rappeler que le lanceur Ariane demeure le seul accès européen autonome à l’espace. Or, la défense européenne moderne, qu’il s’agisse de la détection de missiles, du guidage des drones ou du maintien des communications en cas de coupure des câbles sous-marins, ne saurait dépendre de lanceurs américains, russes ou chinois, dont la fiabilité est en outre moindre que la nôtre.

En juin dernier, au Salon du Bourget, le CNES et Bercy ont dévoilé une feuille de route de la filière spatiale centrée sur la compétitivité industrielle, mais où les impératifs écologiques restent trop en retrait (absence d’objectif de neutralité carbone, pas de notion de sobriété, manque de transparence…). Or, les émissions liées aux lancements sont préoccupantes : les carburants utilisés (ergols solides et liquides) produisent des suies et des particules d’alumine à fort forçage radiatif, qui altèrent le climat et la couche d’ozone.

L’espace demeure un levier majeur de recherche et d’innovation, mais il appelle à une approche plus responsable et durable. Cela implique de concevoir dès l’amont des satellites plus sobres et durables (en réduisant l’usage de matériaux rares, en optimisant leur efficacité énergétique et en limitant la production de débris). Il s’agit aussi de développer des solutions de réutilisation et de recyclage, par exemple grâce à la réintégration de matériaux après une désorbitation maîtrisée, même si ces démarches restent aujourd’hui coûteuses. Enfin, à plus long terme, il convient d’explorer les technologies de maintenance et de prolongation de vie en orbite, tout en rappelant qu’elles relèvent encore de la recherche prospective et non de solutions immédiatement déployables.

Soutenir la recherche publique et citoyenne dans ce domaine constitue un enjeu stratégique de souveraineté écologique.

Dans ce contexte, il est essentiel d’inscrire le spatial dans une perspective écologique, en complément de cette dynamique institutionnelle et économique. Un positionnement clair sur la durabilité orbitale, la sobriété technologique et la coopération démocratique renforcera la cohérence de notre parti et lui donnera une voix forte dans les débats à venir. Les politiques spatiales ne relèvent pas uniquement d’une logique technico-stratégique mais elles engagent aussi des choix de société (financement public, priorités de recherche, usages civils ou militaires, coopération internationale…). Des débats publics sur les usages du spatial (sécurité, observation de la Terre, télécommunications, exploration…) sont importants à mettre en œuvre, mais aussi par l’inclusion des territoires et des acteurs socio-économiques, afin que les retombées ne soient pas captées uniquement par quelques grandes entreprises.

Ensemble, développons une vision stratégique ambitieuse pour notre parti.

Motion

Le Conseil fédéral des Écologistes, réuni les 4 et 5 octobre 2025 :

  1. Rappelle que l’Europe est en train de structurer son avenir spatial avec le Space Act, et qu’il est impératif d’y intégrer les critères de durabilité écologique, de transparence démocratique et de justice sociale.
  2. Affirme que la préservation des orbites est un impératif écologique et un bien commun mondial, face aux menaces posées par les méga-constellations et la privatisation du ciel.
  3. Dénonce la militarisation croissante de l’espace et appelle à renforcer le droit international afin de prévenir les conflits, réduire les risques de débris et garantir l’usage pacifique de l’espace.
  4. Revendique l’intégration systématique de critères écologiques, citoyens et démocratiques dans toute politique spatiale, notamment :
  5. Revendique l’intégration systématique de critères écologiques, citoyens et démocratiques dans toute politique spatiale, notamment :
    1. inclusion explicite dans les négociations et l’application du Space Act ;
  6.  Exige que les financements publics consacrés à l’espace soient conditionnés à des engagements concrets de réduction de l’empreinte environnementale, en particulier via :
    1. l’allongement de la durée de vie des satellites la conception d’engins spatiaux (satellites, stations, etc.) plus sobres et durables dès l’amont (réduction des matériaux rares, optimisation énergétique, limitation des débris)
    1. utilisation d’ergols alternatifs (avec faible impact sur le climat)
    1. l’évaluation systématique des impacts climatiques énergétiques dès la conception (CO₂ et hors CO₂).
    1. l’interdiction pure et simple du tourisme spatial
  7. Appelle à soutenir la recherche et l’innovation pour un spatial écologique et démocratique : propulsion bas-carbone, recyclage des matériaux, observation de la Terre au service de la transition.
  8. Sollicite l’aide de l’Académie Verte pour sensibiliser les militant·e·s à cette thématique. Ce positionnement pourrait être intégré au projet présidentiel.

Pour : beaucoup ; blancs : 17 ; contre : 8


Retour sur les motions adoptées par le Conseil fédéral
des Écologistes – EÉLV des 4 et 5 octobre 2025

Aucune motion n’a été votée à ce sujet. Une note programmatique est parue en hiver 2024 sur le sujet spécifique des méga constellations. Note Les Écologistes : l’écologie spatiale, le cas des méga constellations