Résumé
Cette motion vise à faire de la construction d’une véritable Europe de la défense un point incontournable de toute alliance entre les forces écologistes et de gauche au plan national, en vue d’élections législatives ou présidentielle.
Exposé des motifs
Le 24 février 2022 et le début de la guerre d’invasion de l’Ukraine par la Russie, en violation flagrante du droit international et de tous ses engagements, a marqué le retour de la guerre de haute intensité sur le sol européen. Cette guerre est d’ailleurs hybride, puisqu’elle se traduit par tout un continuum d’agressions visant à déstabiliser les pays soutiens de l’Ukraine (survol de drones sur des sites stratégiques, cyber-attaques, manipulations médiatiques etc.).
Cette irruption de la guerre en Europe, illustrant le retour des impérialismes et de l’usage de la force, confirme le besoin d’aller vers une véritable défense européenne, un projet que les écologistes français·e·s défendent depuis des années. Cette protection que l’Europe doit se construire, elle doit le faire pour protéger tout un modèle de société fondé sur le respect de la démocratie et de l’Etat de droit, des libertés publiques et du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
L’Europe de la défense, dont les contours vont d’ailleurs certainement au-delà de nos alliés de l’Union européenne, s’inscrit à la fois dans le temps court, avec l’impératif de venir en aide à l’Ukraine et la soutenir y compris sur le plan militaire, mais poursuit également un objectif de plus long terme : celui d’atteindre l’autonomie stratégique. Cette nécessité s’impose désormais à un nombre croissant de Françaises et Français, dans un monde marqué par le retour des logiques belliqueuses à de grandes échelles et le désengagement militaire des Etats-Unis sur le sol européen, voire leur velléité de déstabilisation.
Face à la menace existentielle que fait peser la Russie de Poutine sur la sécurité européenne, l’Europe a avancé depuis le début de l’année sur un certain nombre de sujets concrets. La Commission Européenne a décidé de faciliter les investissements nationaux dans le domaine de la Défense pour les Etats qui le souhaitent. Un programme de travail pour le Fonds Européen de la Défense, allouant plus d’un milliard d’euros à la recherche et au développement de technologies de défense de nouvelle génération, a été adopté. Enfin, le groupe E5 des ministres de la défense allemand, britannique, français, italien et polonais, a déjà permis de donner une impulsion politique majeure aux initiatives en matière de coopération industrielle et capacitaire, de nature à renforcer significativement la souveraineté européenne en matière de défense.
Cette stratégie de réarmement n’est cependant pas encore à la hauteur du défi que représente la construction d’une véritable Europe de la Défense, qui implique de franchir un seuil en termes d’intégration politique. Avoir une stratégie commune en matière de défense suppose en effet un saut fédéral, pour décider efficacement et collectivement de notre sécurité. Il reste donc encore beaucoup de chemin à parcourir.
Par ailleurs, nous revendiquons que la construction d’une Europe de la Défense ne se fasse pas au détriment des nécessaires investissements dans la transition écologique, l’éducation, la santé et les services publics dont les pays de l’Union Européenne ont absolument besoin. Nous militons pour des budgets européens plus importants sur tous ces sujets cruciaux, en refusant toute logique malthusienne qui consisterait à sabrer dans les budgets écologiques et sociaux, ou dans des fonds européens existants, tels le FEDER ou le FSE, pour financer les dépenses de Défense.
Nous considérons également que la mise en place d’une véritable défense européenne doit évidemment avoir une forte dimension écologique. L’innovation doit être mise au service de matériels et d’organisations très performants au plan environnemental. Et parmi les objectifs de cette défense européenne, en plus de la protection des droits humains et de la souveraineté des Etats, doit se trouver le droit à vivre dans un environnement sain, en référence à l’article premier de la Charte européenne de l’environnement et de la santé.
Nous appelons aussi à articuler l’ambition militaire d’une Europe de la Défense avec des initiatives de mobilisation de la société civile, par exemple en formant les peuples à la résistance civile ou à la lutte contre la désinformation véhiculée par des gouvernements étrangers hostiles.
L’Europe de la défense est un projet ambitieux qui doit nous pousser à améliorer la solidarité et la complémentarité entre les Etats membres, et à poursuivre l’approfondissement du fédéralisme européen. À terme, elle doit nous permettre de renforcer la souveraineté européenne, pour que les états européens ne dépendent un jour plus que d’eux-mêmes pour assurer leur propre sécurité. La construction de l’Europe de la défense est certes un vieux projet, mais elle se trouve aujourd’hui à un point de bascule historique où il est impératif d’amplifier le mouvement.
Motion
Le Conseil Fédéral des écologistes acte que la construction d’une véritable Europe de la défense doit apparaître comme un élément fort de la doctrine écologiste en ce qui concerne les relations internationales, la diplomatie et la sécurité globale. Ce travail doctrinal et programmatique se poursuit dans différents espaces du mouvement ; au sein du Pôle projet, via la délégation française au Parti Vert Européen, en lien avec les groupes parlementaires. Sur cette base, la position des Écologistes sur l’Europe de la défense doit faire l’objet de discussions et de formations accessibles à l’ensemble des membres.
Par ailleurs, l’Europe de la défense devra faire l’objet d’une recherche approfondie de consensus au sein de tout processus d’alliance électorale entre les forces écologistes et de gauche pour les prochaines échéances nationales : législatives et présidentielle.
Par Europe de la défense, est entendue, sur la base des pays européens volontaires :
- La convergence des évaluations et des objectifs stratégiques, pour se préparer face aux menaces, réduire durablement les dépendances vis-à-vis des pays hostiles, en particulier la Russie, et dissuader ceux qui souhaiteraient s’en prendre à nos intérêts ;
- Le développement d’une base industrielle et technologique de défense européenne, qui rende les pays européens plus souverains en matière de production d’armements et d’infrastructures, notamment grâce à la standardisation des équipements et matériels, en reconnaissant le besoin d’interopérabilité, de complémentarité et de coopération à travers de nouveaux « champions européens ».
- La montée des partenariats entre les pays européens sur le renseignement, le spatial, le cyberespace et les nouvelles technologies, ou encore les enjeux de mobilité militaire et de défense civile, de préparation aux crises
- La poursuite de la réflexion sur la dimension européenne de la dissuasion nucléaire de la France, en rappelant très clairement que les intérêts supérieurs de la France concernent également l’Union Européenne. Si les écologistes demeurent attaché·e·s à long terme à l’abandon de tout armement nucléaire sur notre planète, qui passe par une trajectoire de désarmement progressif de tous les pays dotés, négociée dans un cadre multilatéral, la France ne doit pas faire de choix unilatéral en ce sens dans le contexte actuel.
- La constitution d’un noyau de pays volontaires pour mettre en commun des capacités militaires, destinées à constituer, à terme, un véritable corps d’armée européen.
- La mise en place de processus de décisions collectifs transparents au plan démocratique, avec un véritable contrôle parlementaire.
Face aux menaces multiples, les pays européens doivent bâtir cette Europe de la Défense pour garantir durablement leur sécurité, se préparer aux menaces de demain, et porter une diplomatie cohérente avec leurs valeurs : le respect des droits et des libertés, du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, et la promotion du multilatéralisme et des efforts en faveur de la paix dans le monde.
Pour : 54 ; contre : 24 ; blancs : 4
Motion adoptée avec 69,23 % des exprimés et 65,85% des votant·e·s
Retour sur les motions adoptées par le Conseil fédéral
des Écologistes – EÉLV des 4 et 5 octobre 2025