Adoptée par le Conseil fédéral d’Europe Écologie Les Verts des 27 et 28 mars 2021
Exposé des motifs
Référendum sur l’indépendance de la Catalogne
Les Catalans sont une minorité nationale qui se bat depuis le milieu du XIXe siècle au moins pour la reconnaissance de son identité et de son autonomie au sein de l’Espagne. La Catalogne a subi au XXe siècle plusieurs phases de répression organisée par l’État (dictatures de Primo de Rivera de 1923 à 1931, puis dictature franquiste de 1936 à 1975). Celles-ci ont particulièrement visée les traits culturels distinctifs du peuple catalan, et sa langue en premier lieu, qui a été interdite dans l’espace public à ces deux occasions. Son personnel politique en a souffert au premier chef. Il suffit, pour s’en convaincre, de rappeler l’exil, l’emprisonnement et finalement l’exécution du président de la Generalitat Lluís Companys (1933-1940). La mort en exil de son successeur Josep Irla (1940-1954). L’exil du président Josep Tarradellas (1954-1980) et l’emprisonnement du futur président Jordi Pujol (1980-2003) sous le franquisme.
En 1982, après la fin du franquisme, la Catalogne a obtenu un statut d’autonomie de compromis. En 2006, un statut d’autonomie renforcé a été adopté par le parlement catalan, puis par le parlement espagnol et enfin entériné par référendum par les citoyens catalans. Mais en 2010, dans un contexte de regain du nationalisme espagnol et suite à la saisine du Parti Populaire, parti espagnol conservateur et nationaliste, le Tribunal constitutionnel espagnol en a rejeté ses principaux articles. Depuis lors, des millions de Catalan·e·s se sont mobilisés tous les ans, le 11 septembre, par des manifestations qui ont frappé l’Europe entière par leur caractère pacifique et leur dignité, en demandant désormais un référendum d’autodétermination pour la Catalogne. Le 9 novembre 2014, pour la première fois, un référendum consultatif a été organisé par la Generalitat de Catalogne, à laquelle ont participé 2,3 millions de personnes. Les autorités catalanes n’ont eu de cesse depuis lors de demander au pouvoir de Madrid l’organisation d’un référendum négocié, comme cela a été le cas avec le référendum pour l’indépendance de l’Écosse qui s’est tenu le 18 septembre 2014 et qui avait fait l’objet en 2012 d’un accord avec le gouvernement du Royaume-Uni. Pour la Catalogne, le gouvernement espagnol a systématiquement refusé un tel accord.
Lors des élections au parlement de Catalogne du 27 septembre 2015, les deux listes Junts pel Sí et CUP, qui s’étaient engagées explicitement à organiser un référendum d’autodétermination, sont devenues majoritaires au parlement. C’est doncconformément à leur engagement que les autorités catalanes ont organisé le 1er octobre 2017 un référendum décisionnaire dont la question était : « Voulez-vous que la Catalogne devienne un État indépendant sous la forme d’une république ? » Ce référendum a été considéré comme illégal par le gouvernement central de Madrid et par la justice espagnole. Des milliers d’agents de la Police nationale et de la Garde civile de toutes les régions d’Espagne ont été mobilisés et envoyés en Catalogne pour en empêcher l’organisation et la tenue. Les images des forces de l’ordre brutalisant avec une violence inouïe des citoyens pacifiques allant voter ont fait le tour du monde.
Les résultats de ce référendum, qui ont été validés par une délégation d’observateurs internationaux (dans laquelle notre mouvement était représenté en la personne de Gérard Onesta), ont été les suivants : Inscrit·e·s : 5 313 564, votants : 2 286 217, votes exprimés : 2 266 498 (43 % de participation) ; 2 044 038 Catalan·e·s (90,18 % des votes exprimés) ont voté OUI, 177 547 (7,83 %) ont voté NON et 44 913 Catalan·e·s (1,98 %) ont voté BLANC. Le gouvernement catalan affirme qu’environ 770 000 votes n’ont pu être comptabilisés, ayant été confisqués ou détruits par la police espagnole.
La majorité favorable à l’indépendance a été reconduite lors des élections du 21 décembre 2017, convoquées par le gouvernement de Madrid après la destitution du gouvernement catalan de Carles Puigdemont. Lors des élections au Parlement de Catalogne du 14 février 2021, les partis indépendantistes ont pour la première fois obtenu une majorité des voix (50,7% des votes exprimés).
Dérive autoritaire de l’État espagnol
À la suite du référendum, le gouvernement et le parlement de Catalogne ont été suspendus par les autorités de Madrid. Cinq membres du gouvernement (dont Carles Puigdemont, président du gouvernement de Catalogne) et deux députées du parlement de Catalogne ont été contraints à l’exil en Belgique, en Écosse et en Suisse. Tandis que six autres membres du gouvernement (dont Oriol Junqueras, vice-président du gouvernement, et Raül Romeva, membre du gouvernement, qui fut député européen de 2004 à 2014 pour le groupe Verts-ALE) et Carme Forcadell, présidente du parlement de Catalogne, ont été mis en prison préventive et ont été condamnés en octobre 2019 à des peines allant jusqu’à 13 ans de réclusion pour « sédition ». Les présidents des deux principales associations impliquées dans le processus d’indépendance de la Catalogne – Jordi Cuixart, président d’Omnium Cultural et Jordi Sànchez, président de l’Assemblée nationale catalane – ont été également condamnés à des peines très lourdes (9 ans de prison). On peut également citer la privation des droits politiques et les poursuites contre le président Artur Mas (2010-2016) et l’inhabilitation du président Quim Torra (2018-2020).
Les autorités politiques espagnoles, qu’elles soient de droite comme de gauche, ont préféré jusqu’à présent laisser à une justice revancharde le soin de régler le conflit politique entre l’Espagne et la Catalogne, sans tenir compte des prises de position de nombreuses ONG impliquées dans la défense des Droits humains et d’institutions internationales de référence.
Ainsi, Amnesty international, la Ligue des droits de l’homme, le groupe de travail sur la détention arbitraire des Nations unies, la Fédération internationale pour les Droits humains, Euromed droits, la Commission des questions juridiques et des droits de l’homme de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, l’Organisation mondiale contre la torture, Human Rights Watch…, ont condamné sévèrement les décisions des juges espagnols.
Malgré ces alertes et les interventions de nombreux députés européens, notamment du groupe Verts-ALE, les autorités européennes sont restées silencieuses sur la question des prisonniers et des exilés politiques et de la répression du mouvement indépendantiste. Comme elles se montrent malheureusement silencieuses sur de nombreuses atteintes aux droit humains en Europe et ailleurs et sur les revendications d’autonomie ou d’indépendance de nombreux peuples.
Valeurs et principes communs du mouvement écologiste et du mouvement indépendantiste
Le mouvement indépendantiste catalan défend le droit à l’accession à l’indépendance par la voie démocratique et pacifique, il n’a cessé de réclamer l’organisation d’un référendum négocié avec l’État espagnol que celui-ci a toujours refusé. Par ailleurs, les Catalans dans leur grande majorité défendent le droit à l’autodétermination dans le cadre de la construction d’une Union européenne fédérale, et ceci malgré une attitude peu favorable des instances européennes envers leurs revendications.
Rappelons que la Charte des Nations unies prévoit dans son article 1 de « Développer entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe d’égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes ».
En ce qui concerne EELV, la Charte des valeurs et des principes fondamentaux qui est en quelque sorte notre ADN (Europe Écologie Les Verts / Assises Territoriales / 9 octobre 2010), prévoit et réaffirme dans ses principes :
– « La défense du pluralisme et le plein respect des minorités et de leurs droits » ;
– « Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et à se gouverner démocratiquement » ;
– « L’engagement dans la construction d’une Europe Fédérale, sociale, écologique et démocratique ».
Les partis écologistes membres du Parti vert européen « Equo » en Espagne et « Iniciativa per Catalunya Verds / Esquerra verda » en Catalogne ont par ailleurs dénoncé la répression policière et judiciaire contre les responsables politiques catalan·e·s, promu le dialogue et défendu le droit à l’autodétermination des catalan·e·s, sans prendre parti pour ou contre l’indépendance.
Motion
Le conflit entre l’Espagne et la Catalogne étant politique, la résolution de celui-ci doit passer par une solution politique en dehors de toute judiciarisation. EELV demande l’amnistie des prisonniers politiques et des exilés catalans, ainsi que l’arrêt des poursuites contre les militants indépendantistes catalans. EELV invite les gouvernements espagnols et catalans au dialogue et à la négociation.
Les Catalan·e·s étant des citoyens européen·ne·s, EELV demande aux instances européennes de se saisir de cette question afin de faciliter la médiation entre les autorités espagnoles et les autorités catalanes. Il n’est plus acceptable que l’Union Européenne ferme les yeux sur un soi-disant « problème interne à l’Espagne ».
Notre mouvement Europe Écologie Les Verts défend une solution politique et pacifique dans le conflit opposant l’Espagne à la Catalogne. Elle passe nécessairement par le dialogue et l’acceptation par le gouvernement espagnol d’un référendum du peuple catalan sur son avenir politique. EELV accepte l’éventualité que se crée une Catalogne indépendante et républicaine dans l’Union Européenne, si telle est la volonté de la majorité des Catalans à l’issue de ce vote.
Les élu·e·s écologistes sont encouragé·e·s à prendre toute initiative pour faire voter des vœux par leurs conseils municipaux et autres assemblées délibérantes.
Pour : 65 ; contre : 9; blancs : 25 ; nppv 7
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