Résumé

Actuellement, le CERN étudie la faisabilité d’un nouveau collisionneur circulaire de 92 km de circonférence (le FCC ou Future Circular Collider) à cheval sur la France et la Suisse qui constituerait le plus grand chantier d’Europe des prochaines décennies. Si d’un point de vue scientifique, ce projet a un incontestable intérêt, d’un point de vue éthique, démocratique et environnemental, le FCC ne peut que nous interpeller de par son gigantisme et ses impacts néfastes prévisibles.

A l’heure de l’accélération du chaos climatique, se demander où va la science et surtout permettre le débat le plus large possible autour d’un tel projet, tant à l’échelle locale que nationale, est une question fondamentale pour les écologistes.

Exposé des motifs

Le CERN, situé à la frontière franco-suisse, est une organisation scientifique internationale créée en 1954, forte de 20 000 personnes utilisatrices provenant de plus 70 pays partenaires. Visant à mieux comprendre l’infiniment petit, il est à l’origine de nombreuses découvertes, dont celle du boson de Higgs grâce au Large Hadron Collider (LHC), actuel accélérateur de particules le plus puissant au monde.

Au-delà des découvertes fondamentales, les technologies qui y ont été développées trouvent aussi de très nombreuses applications sociétales. Pour construire ses équipements scientifiques, le CERN s’appuie en effet sur des chercheur·e·s, ingénieur·e·s et technicien·ne·s à la pointe de nombreux domaines (informatique, électronique, mécanique…). L’exemple le plus célèbre en est l’invention du Web dans ses locaux, en 1989. Ce creuset unique est un des atouts du CERN qu’il convient de préserver.

L’histoire du CERN est également remarquable à plus d’un titre : 

Créé afin de prôner la coopération scientifique et pacifique dans le domaine de la physique nucléaire, il a toujours défendu des valeurs de paix, notamment durant la Guerre Froide et encore récemment en initiant le projet Sésame, synchrotron installé en Jordanie où coopèrent des scientifiques de tout le Moyen Orient.

Son mode de financement, majoritairement public, est remarquable car international et pensé pour mener des politiques de long terme. Il présente donc un vrai contre-exemple, face à l’abandon graduel des financements récurrents en recherche publique.

Le CERN a été et est moteur et précurseur dans la diffusion publique et gratuite des résultats, et à terme de l’intégralité des données.

Le CERN propose aujourd’hui la construction du Future Circular Collider (FCC), collisionneur qui viendra remplacer le LHC d’ici 2040. Ce projet semble aujourd’hui en contradiction flagrante avec les défis posés par le réchauffement climatique, la perte de biodiversité et un développement juste et durable des territoires Genevois, de la Haute Savoie et de l’Ain :

le creusement d’un immense tunnel de 6.6 mètres de diamètre et de 92 kilomètres de circonférence, passant sous Genève et les départements de l’Ain et de la Haute-Savoie, nécessitera une dizaine d’années de travaux avec des déplacements quotidiens de centaines de poids lourds pour évacuer des déblais équivalents à deux années des déchets de BTP de la Haute-Savoie.

Les huit sites de surface entraîneront à minima l’artificialisation de 5 hectares de terres. Pire, c’est toute l’urbanisation de ces bassins de vie, bassins frontaliers déjà en surtension, qui sera bouleversée par le besoin de logements des personnes travaillant sur le projet : le foncier deviendra encore plus inabordable, renforçant la pression sur les terres agricoles et/ou préservées.

Au vu de l’ampleur des percements (à 240 mètres sous terre), l’impact sur la ressource en eau et géologique est également un sujet d’inquiétude.

Durant son fonctionnement, le FCC consommera environ 4 térawattheures par an d’électricité, trois fois plus que le LHC actuellement. Pour comparaison la consommation du canton de Genève a été de 2,7 térawattheures en 2022, le surcroit d’énergie consommé par le FCC justifiant davantage de nucléaire.

L’empreinte carbone totale est estimée à 85,5 millions de tonnes de CO2 sur 70 ans, soit l’équivalent d’une ville de plus de 100 000 personnes sur la même période.

Le projet du FCC reste à ce jour encore largement méconnu et le CERN ne peut faire l’économie d’un débat transparent. Se déconnecter de la société, approuvant en catimini un tel projet, serait faire offense à ses valeurs. Or, d’autres voies existent pour que le CERN demeure un modèle d’excellence au service de la société et de la recherche fondamentale :

durant les dernières années, de nouvelles voies de recherche plus modestes ont été ouvertes au CERN, comme dans l’étude des propriétés de l’antimatière;

de nombreux projets ont déjà été lancés par des utilisateurs et utilisatrices du CERN afin de trouver des applications en matière de compréhension des systèmes terrestres complexes ou de lutte contre le réchauffement climatique ;

à l’heure où la souveraineté numérique de l’Europe est menacée, l’excellence des équipes du CERN est un atout majeur ;

l’organisation unique du CERN en matière de financement ou de collaboration scientifique publique devrait être un modèle pour d’autres organisations supranationales appelées à lutter contre le réchauffement climatique et l’effondrement de la biodiversité.

Motion

C’est pourquoi le Conseil fédéral des Écologistes, réuni à Bobigny les 5 et 6 octobre 2024, déclare :

C’est pourquoi le Conseil fédéral des Écologistes, réuni à Bobigny les 5 et 6 octobre 2024, déclare :

– demander au Gouvernement français, partie prenante au CERN, d’organiser au plus tôt en toute transparence un grand débat démocratique sur le FCC, à l’échelle nationale, sous forme de convention citoyenne, étant donnée l’ampleur et le coût du projet (au moins 15 milliards d’euros) avec l’aide de la Commission nationale du débat public (CNDP). Le parlement doit notamment être saisi via l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. 

– demander au Président de la République et au ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche la transparence sur les discussions avec les autres partenaires du CERN sur les contributions matérielles apportées par la France dans ce projet. 

– demander au Président de la République français la transparence totale sur ses échanges avec Berne et le CERN concernant l’alimentation électrique du FCC, via notamment les EPR 2 d’ores et déjà prévus au Bugey (Ain) (Emmanuel Macron s’est rendu en Suisse et a visité les locaux du CERN les 15 et 16 novembre 2023 sans que l’on en sache davantage sur les modalités du soutien français au FCC).

– mettre en place dès aujourd’hui un groupe de travail national au sein des Écologistes, avec notamment la commission Recherche et enseignement supérieur et les élu·e·s et groupes locaux écologistes des territoires concernés (Ain et Haute-Savoie), en lien constant avec les Verts suisses et genevois.

Unanimité pour


Retour sur les motions adoptées par le Conseil fédéral des Écologistes – EÉLV
des 5 et 6 octobre 2024