Résumé

Les animaux liminaires (du latin limen : le seuil) sont ces « milliards d’animaux qui profitent du développement humain et prospèrent en symbiose avec celui-ci »1. Autrement dit ceux qui vivent en liberté dans l’espace urbain (chouettes, martinets, rats, pigeons…).La classification actuelle est binaire « animaux domestiques » versus «animaux sauvages » : ceux possédés (chiens, vaches…) et ceux « loin » de nous dans la « nature » (cerfs, grues cendrées…) Pourtant, certains ne sont ni domestiqués, ni éloignés de nos habitats. S. Donaldson et W. Kymlicka les nomment « liminaires ».

Cette présente motion vise à ce que Les Écologistes adoptent cette définition et mettent en œuvre des politiques municipales visant à rendre les villes plus accueillantes et bienveillantes pour les animaux.

Exposé des motifs

Les animaux liminaires désignent les animaux sentients vivant en liberté à proximité des humains, mais sans être domestiqués. Ils se caractérisent par leur capacité à s’adapter aux habitats humains de façon autonome et à entretenir une interaction durable avec ces milieux.

L’imaginaire qui s’est construit autour de ces habitants de nos villes et nos villages peuvent être bienveillant s’il s’agit de mésanges, d’hirondelles ou de l’effraie des clochers mais le plus souvent ils appartiennent à une catégorie du monde animal qui semble ne mériter ni l’affection apportée aux animaux domestiques, ni le respect dû aux animaux sauvages.

Trop souvent des discours généralement non étayés scientifiquement alimentent des peurs irrationnelles autour des animaux liminaires. Accusés notamment d’être vecteurs ou porteurs de maladies transmissibles aux humains (ce qui a pu être vrai à certaines époques historiques, mais n’est plus le cas), considérés trop souvent comme des « nuisibles » ils sont fréquemment l’objet de campagnes d’éradication.

L’état des connaissances scientifiques sur la sentience2 de l’ensemble des animaux nous rappelle avec force qu’une cohabitation pacifique, donc sans méthode létale, est un impératif moral et éthique. Les animaux (domestiques, sauvages et liminaires) sont des êtres sensibles/sentients dotés d’une conscience, en capacité à éprouver des émotions et avoir des expériences vécues. En d’autres termes, comme le montrent des philosophes telle que Florence Burgat en s’appuyant sur la phénoménologie dans ses travaux : « les animaux vivent leur vie à la première personne. »3

La présence des animaux liminaires dans les villes et villages contribue à la biodiversité en offrant des opportunités de survie à certaines espèces qui seraient autrement menacées dans leur environnement naturel.

Les animaux liminaires apportent des services écosystémiques et les hirondelles, martinets, mésanges et autres insectivores peuvent par exemple contribuer au contrôle des populations d’insectes.

Les oiseaux aident à la dispersion des graines en transportant celles-ci sur de courtes distances, contribuant ainsi à la régénération des habitats végétaux. Les animaux liminaires participent au cycle des éléments nutritifs en recyclant la matière organique à travers leurs déjections, contribuant ainsi à la fertilité des sols urbains. Ces services écosystémiques évitent des coûts aux municipalités à l’image du rat par sa consommation des déchets et par l’évitement de l’engorgement des égouts et des canalisations.

Enfin la présence des animaux liminaires peut attirer les visiteurs dans les espaces urbains, favorisant un tourisme écologique et offrant des opportunités d’éducation et de sensibilisation pour les jeunes habitant·e·s des villes.

La place occupée dans l’environnement urbain par les animaux liminaire doit être intégrée sous toutes ces dimensions lors d’actions de gestion de leurs populations.

Cependant, il est important de noter que les services écosystémiques fournis par les animaux liminaires peuvent être compromis par l’activité humaine telle que la pollution, la destruction de leur habitat et des politiques publiques d’éradication qui entraînent violence et souffrance animale.

Ainsi, la gestion et la conservation de ces animaux dans les environnements urbains doivent être réalisées de manière à promouvoir le partage de l’espace public et le vivre-ensemble entre tous les habitant·e·s de la cité, quelle que soit leur espèce.

Une gestion durable permet d’éviter des situations de surpopulation pouvant entraîner des conflits sanitaires ou environnementaux. Cette gestion doit être basée sur des méthodes transparentes et éthiques afin de respecter les principes d’une cohabitation pacifique et responsable.

Nous écologistes comprenons qu’il faut aussi agir entre la niche écologique et le bol alimentaire disponible afin de comprendre les dynamiques de population, avant d’avoir à tuer. Les méthodes létales peuvent favoriser la reproduction des animaux que l’on souhaite limiter. Une approche non létale, et un suivi méthodique des populations permettent de désamorcer les nuisances générées. A l’instar des villes4 où des élu·e·s écologistes ont pu expérimenter des méthodes de gestion non létales n’entraînant pas une augmentation des populations.

Motion

Le Conseil fédéral du 30 novembre 2024 engage le mouvement Les Écologistes à :

  • faire sienne la définition des animaux liminaires comme exposé dans les motifs,
  • considérer qu’il n’existe pas d’animal nuisible, en soi, mais des situations de nuisances, que l’on peut gérer de manière éthique et faire ainsi avancer la prise de conscience générale sur la condition animale,
  • demander aux élu·e·s écologistes :
  • de mettre en œuvre des politique publiques communales permettant une cohabitation avec les animaux liminaires, ou s’ielles sont dans l’opposition d’en demander l’application,
  • de ne plus appliquer de méthodes létales quand une alternative existe, d’encourager la recherche et le développement d’alternatives quand celle-ci n’existe pas,
  • d’acter dans le cas spécifique des pigeons bisets qu’il existe des méthodes éthiques et efficaces de limitation des populations (pigeonniers et graines contraceptives) et de refuser les méthodes cruelles de destruction (gazage, tir au fusil ou à la carabine à air comprimé, effarouchement avec des rapaces captifs, stérilisation chirurgicale…),
  • que la commission condition animale propose des temps de sensibilisation et de formation sur le sujet.

Ainsi Les Écologistes considèrent qu’il est normal et légitime de partager l’espace urbain avec des animaux qui ne nous appartiennent pas et qu’il convient, en tant qu’individus sentients, d’en prendre soin et de les inclure pleinement dans la politique de la ville.

Pour : beaucoup ; contre : 3 ; blancs : 5


Retour sur les motions adoptées par le Conseil fédéral des Écologistes – EÉLV
des 30 novembre et 1er décembre 2024 octobre 2024

Synthèse des positions antérieures du parti

Motion «Reconnaître la sentience animale : un cran plus haut dans l’engagement écologiste aux côtés des animaux »

Programme des élections municipales de 2020, proposition 10 « Privilégier la gestion douce et écologique de la population des animaux dits ”indésirables” »

Annexes

1 S. Donaldson et W. Kymlicka, Zoopolis, Une théorie politique des droits des animaux.

2 Florence Burgat, Une autre existence. La condition animale, Paris, Albin Michel, « Bibliothèque Idées ».

3 Sentience (du lat. sentiens, ressentant) : pour un être vivant, capacité à ressentir les émotions, la douleur, le bien-être, etc. et à percevoir de façon subjective son environnement et ses expériences de vie. – Larousse 2020

4 Sources villes :

https://www.sudouest.fr/gironde/bordeaux/bordeaux-veut-reguler-ses-pigeons-sans-les- tuer-7305033.php

https://mairie4.lyon.fr/actualite/cadre-de-vie/la-ville-lance-un-plan-daction-pour-la- condition-animale

https://actu.fr/nouvelle-aquitaine/bordeaux_33063/a-bordeaux-un-dispositif-innovant·e·st- installe-au-grand-theatre-pour-reguler-les-pigeons_60355487.html

https://www.bordeaux.fr/p155037/echafaudage-au-grand-theatre

https://actu.fr/grand·e·st/strasbourg_67482/strasbourg-voici-comment-la-ville-compte- lutter-contre-la-proliferation-des-pigeons_43493528.html

Dossier de la Fondation droit animal : « Faire entrer dans tous les dictionnaires “animal liminaire“ et “liminairé animalière“ »

Rapport Millennium Ecosystem Assessment (MEA), Nations Unies de 2005

Rapport de l’évaluation mondiale de la BIODIVERSITÉ ET DES SERVICES ÉCOSYSTÉMIQUE, IPBES, 2019

https://sentience.pm