Résumé

La vidéosurveillance est devenue omniprésente dans nos sociétés, avec une augmentation significative du nombre de caméras de surveillance dans le monde. En France, on estime qu’il y a environ 1,5 million de caméras de vidéosurveillance en fonctionnement, et ce nombre continue d’augmenter chaque année.

Exposé des motifs

Pour nous, écologistes, toute caméra installée sur la voie publique contribue à la vidéosurveillance, cela concerne autant les caméras installées sur la voie publique pour des entreprises et des utilisateurs privés, que les caméras du domaine public. C’est une divergence pratique comme philosophique avec les doctrines gouvernementales successives et de leurs partis depuis 1993 . Nous n’utiliserons donc pas dans ce texte le terme de vidéoprotection. Notons que cette distinction n’existe pas pour le règlement général de protection des données (RGPD), le texte réglementaire européen qui encadre le traitement des données de manière égalitaire sur tout le territoire de l’Union européenne (UE), entré en application le 25 mai 2018.

Cette distinction française a donné lieu à des législations différentes : dans les grandes lignes, la “vidéosurveillance” (domaine public) est soumise aux articles L223, L251 et L252 du Code de la Sécurité intérieure, qui exigent un objectif de sécurité des biens et des personnes dans des lieux particulièrement exposés aux risques et cadrent précisément le respect de la vie privée.

Seules les autorités publiques (les mairies notamment) peuvent installer des dispositifs de vidéosurveillance pour filmer la voie publique. Ni les entreprises, ni les établissements publics ne peuvent légalement installer des caméras qui filment en continu la voie publique. Ils peuvent seulement filmer les abords immédiats de leurs bâtiments et installations (la façade extérieure par exemple mais pas la rue en tant que telle) dans les lieux susceptibles d’être exposés à des actes de terrorisme.

Dans le domaine privé, en particulier dans une situation avec des personnes employées, l’installation d’un tel système de vidéosurveillance, parce qu’il porte atteinte à la vie privée des personnes filmées, doit être justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché (article L.1121-1 du Code du travail).

Outre les enjeux de protection de la vie privée et des libertés individuelles, la vidéosurveillance soulève également des préoccupations en matière de sécurité et d’efficacité, notamment du fait de l’effet “plumeau”. Si certains défendent son utilisation comme un outil efficace de prévention et de résolution des crimes, d’autres remettent en question son efficacité réelle, soulignant le faible taux de résolution des affaires grâce aux caméras de surveillance. De plus, les coûts associés à l’installation et à la maintenance des systèmes de vidéosurveillance sont souvent élevés, à cela s’ajoutent les coûts de l’analyse et de l’utilisation des images dans un cadre judiciaire, soulevant des questions sur le rapport entre l’efficacité perçue et les investissements financiers nécessaires.

En outre, l’évolution rapide de la technologie soulève des préoccupations croissantes en matière de protection des données et de vie privée, notamment avec le développement de la vidéosurveillance biométrique, qui utilise des technologies telles que la reconnaissance faciale. Ces technologies posent des défis particuliers en termes de protection des droits individuels et de garantie de l’équité et de la transparence dans leur utilisation. Le droit européen a progressé avec l’entrée en application du « Paquet européen de protection des données personnelles » – constitué du règlement général sur la protection des données (RGPD) et de la directive « Police-Justice » – qui a modifié le cadre juridique que doivent respecter les responsables de traitement qui envisagent d’installer des systèmes de vidéosurveillance soumis aux dispositions du code de la sécurité intérieure.

Enfin, si de nouvelles exceptions s’ajoutent à un cadre réglementaire déjà en millefeuilles car plus ancien, la question n’en reste pas moins complexe :

  • Enregistré le 12 avril 2023 à l’Assemblée nationale, le rapport sur l’utilisation d’images de sécurité dans le domaine public établit 41 recommandations à même d’anticiper les évolutions technologiques et d’améliorer la gouvernance relative à la vidéosurveillance des espaces publics.
  • Les caméras augmentées repèrent des événements ou des moments précis susceptibles de caractériser un danger. Selon la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), leur utilisation pose le risque d’une « analyse généralisée des personnes ».
  • Les caméras augmentées ont été autorisées à l’occasion des jeux Olympiques organisés en France en 2024. Ces dispositifs comportent de nouvelles fonctionnalités telle que la possibilité de détecter des éléments occultant le visage d’une personne au sein d’une foule. L’article 7 du projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques fixe pour la première fois au niveau législatif le cadre expérimental de l’usage des caméras « augmentées » jusqu’au 31 mars 2025.
  • Le recours à la reconnaissance faciale est actuellement relativement limité en France. Le Conseil d’État a validé le recours à l’outil de reconnaissance faciale dans une décision du 26 avril 2022. Deux traitements automatisés sont créés : le traitement des antécédents judiciaires (TAJ) et le système de passage rapide aux frontières extérieures (Parafe).

L’ensemble de ces considérations sont minorées dans le débat public au profit d’une posture sécuritaire devenue prégnante à tel point qu’il peut être risqué politiquement de la remettre en cause.

Motion

Dans cette perspective, le Conseil fédéral des Écologistes / EÉLV  décide :

  • La création d’un groupe de travail intitulé « Vidéosurveillance », copiloté par les commissions Numérique et Prévention, Sécurité & Tranquillité publique.
  • Les commissions thématiques concernées seront chargées de définir les modalités de mise en place du groupe, y compris sa composition et sa durée, avec un rapport d’étape prévu dans les 6 mois, puis 1 an.
  • Ce groupe de travail aura pour mission d’analyser les enjeux liés à la vidéosurveillance, en tenant compte des données chiffrées sur son expansion en France et dans le monde, ainsi que sur les coûts associés à son utilisation et son efficacité perçue (notamment le bien-fondé de l’installation et de la maintenance des caméras), dans le respect de la tradition écologiste sur les libertés numériques et nos valeurs démocratiques.
  • Il étudiera en outre les aspects sociétaux, acceptabilité, risques politiques et éléments de cadrage des débats dans une perspective de combat culturel. L’objectif prioritaire de ce GT restera d’avoir des propositions concrètes pour les élections, assurant la cohérence avec nos valeurs et compréhensibles par l’opinion.
  • Il étudiera également les enjeux spécifiques liés à la vidéosurveillance biométrique et formulera des recommandations pour encadrer son utilisation dans le respect des droits individuels et collectifs.
  • Il associera toutes les autres commissions thématiques et élu·e·s concerné·e·s, ainsi que le Parti Vert Européen, afin de garantir une approche transversale et complète des enjeux liés à la vidéosurveillance.
  • Il travaillera en collaboration avec tous les organes des Écologistes, en faisant appel à l’expertise interne et externe, y compris des groupes locaux, dans un esprit de co-élaboration.

Unanimité pour


Retour sur les motions adoptées par le Conseil fédéral des Écologistes – EÉLV
des 30 novembre et 1er décembre 2024 octobre 2024