Résumé
La prise en compte des pollutions et de leurs impacts sur la santé humaine, le plus souvent constatés dans des environnements socio-économiques défavorables, ne parvient à progresser – difficilement – qu’au fil des recours juridiques. Pourtant, les positions et jurisprudences du Conseil d’Etat ou du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies convergent souvent avec les analyses scientifiques. Malgré la révision de la Directive européenne sur les émissions industrielles, l’Etat français semble peu disposé à mieux encadrer les pollutions ou à indemniser les victimes. L’objectif est d’ouvrir le droit à une indemnisation par la voie d’un fonds de compensation en cas de responsable défaillant, non identifié ou n’ayant pas commis de faute. En cas de faute, le droit s’applique.
Exposé des motifs
Considérant :
- La décision du Conseil d’État du 20 septembre 2022 considérant que « Le droit de chacun de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, tel que proclamé par l’article premier de la Charte de l’environnement, présente le caractère d’une liberté fondamentale. »
- La résolution 48/13 du 8 octobre 2021 du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, qui stipule que disposer d’un environnement propre, sain et durable est un droit humain et appelle les États du monde entier à travailler ensemble, et avec d’autres partenaires, pour mettre en œuvre ce droit nouvellement reconnu, sous la réserve que l’atteinte effective à ce droit nécessite d’être démontrée.
- Les travaux du Ministère de l’Environnement wallon en vue de la mise en place d’un fonds spécifique (indépendant du Fonds de protection de l’environnement) de soutien aux victimes de pollutions environnementales et du remboursement des dommages causés par des perturbations environnementales non climatiques, notamment en vue d’établir un mécanisme équitable pour financer les coûts résultants de la contamination généralisée par les PFAS,
- Les reculs du Parlement européen au cours du processus de révision de la Directive sur les émissions industrielles et le plan Zéro Pollution. Ceci avant même la nouvelle mandature qui annonce elle aussi de nouveaux reculs en faveur des lobbys industriels. Directive qui a circonscrit les violations à « quand une décision, un acte ou une omission des autorités a provoqué des dommages ou y a contribué », et qui ne permet pas aux personnes vulnérables souffrant de cancers ou de maladies cardiaques d’être représentées par des organisations de la société civile dans les procédures civiles.
Par ailleurs, le gouvernement français se doit d’être un acteur de la prévention et de l’application du principe « pollueur-payeur », ou de son corollaire, le droit à vivre dans un environnement sain et le cas échéant, le droit à une indemnisation des victimes de pollution pour l’intégralité des dommages causés.
Si ces principes appellent à la redéfinition des moyens de contrôles, de déclaration, des substances concernées, nombre de ces substances sont concernées par un véritable consensus scientifique : exemple en est du plomb, des polluants de l’air, des PFAS, ou encore de nombreux produits phytosanitaires tels que le glyphosate ou le prosulfocarbe (2ème substance herbicide la plus vendue en France en 2023, dont la ré-autorisation a été décidée par l’Union Européenne jusqu’en 2027).
Dans le cas du plomb, malgré la confirmation de cas de saturnisme, de taux de plomb dans les sols dépassant les recommandations sanitaires autour de l’ancien site de Métaleurop dans le Pas de Calais ou de l’usine Exide à Lille, le gouvernement s’est pourvu en cassation dans l’affaire l’opposant aux habitant·e·s. A Lille, malgré la saisine du Premier Ministre, le Préfet ne démontre pas de volonté de redéfinir la Servitude d’Utilité Publique de 2023, bien qu’il ait été démontré que ni son périmètre, ni son seuil de référence ne correspondaient à une réalité scientifique de l’exposition de la population.
Parmi les partis politiques, les Écologistes sont les premiers alliés des luttes des victimes de pollution : glyphosate, PFAS, chlordécone, plomb. La protection des habitant·e·s des facteurs d’exposition en agissant à la source est au cœur du projet écologiste. Les Écologistes considèrent également que de nombreux paysans sont plus victimes que responsables de la pollution, ils doivent ainsi avoir la possibilité de se retourner vers leurs fournisseurs de produits phytosanitaires et leurs fournisseurs de conseil agronomique.
Il convient de compléter ce travail législatif par un outil supplémentaire de reconnaissance des nuisances et atteintes à la santé subies, par la création d’un Fonds de Garantie pour les victimes d’atteintes à l’environnement, dont les fonds seront indépendants de ceux consacrés à la prévention et la réparation des pollutions.
Sont caractérisées d’atteintes à l’environnement les faits suivants :
Constituent des dommages causés à l’environnement, dits « pollutions », les détériorations directes ou indirectes mesurables de l’environnement créatrices d’atteinte grave à la santé humaine du fait :
- De la contamination des sols, de l’air ou de l’eau résultant de l’introduction directe ou indirecte, dans l’air (par pulvérisation ou en projection), en surface ou dans le sol, de substances, préparations, organismes ou micro-organismes ;
- D’atteintes graves portées au bon état écologique, chimique ou quantitatif des eaux ;
- De dégradation de la qualité de l’air, par une ou plusieurs substances ou particules présentes à des concentrations et durant des temps suffisants pour créer un effet toxique ou écotoxique.
Motion
L’objectif de lutter contre toutes les formes de pollutions par le déploiement de mesures préventives et/ou alternatives à la source des émissions doit être complété de solutions réparatrices pour toutes les victimes.
Les coûts de l’indemnisation doivent être supportés par les acteurs de la chaîne d’approvisionnement des substances polluantes (PFAS, glyphosate, chlordécone, plomb…), soit les personnes physiques ou morales lorsque leur responsabilité civile peut être engagée.
La réparation des préjudices subis inclura les atteintes durables à la santé des individus, les dépenses à la charge des victimes pour leurs soins ou en cas d’incapacité, voire celles liées à un changement de lieu de vie visant à réduire l’exposition des personnes.
Un Fonds d’Indemnisation et de Garantie pour les victimes d’atteintes à l’Environnement sera créé afin de définir un parcours commun d’indemnisation des victimes de pollution, incluant les fonds existants ; ce fonds :
Pourra être calqué sur les fonds d’indemnisation existants, tels que le fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante ou de pesticides, dont les recettes sont issues des utilisations des substances polluantes : s’appuyant sur un établissement public national à caractère administratif, doté d’une personnalité juridique et d’une autonomie financière, missionné pour commissionner les organes ou groupements scientifiques ad hoc pour établir la toxicité des polluants, les seuils de prise en charge, la reconnaissance des affections et les montants d’indemnisation en fonction de leur gravité.
Concernera les victimes de pollutions en cas de responsable défaillant, non identifiés, lien direct entre l’exposition et la maladie, d’absence de fautes de la personne morale ou physique (absence de responsabilité pénale).
Le Conseil Fédéral des Écologistes :
- Appelle l’État français à garantir l’indépendance des missions ou agences d’évaluation scientifiques des substances polluantes,
- Appelle le Parti Vert Européen à définir une position partagée en faveur de l’indemnisation des victimes,
- Appelle les parlementaires à se saisir de l’enjeu de l’indemnisation des victimes, par exemple à travers la mise en place d’une mission d’information sur la réparation des préjudices subis par les victimes de pollutions, afin de définir les modalités de mise en œuvre du Fonds d’Indemnisation et de Garantie et de compléter, le cas échéant, par des propositions additionnelles pour garantir l’universalité du droit à un environnement sain,
- Décide d’établir une coordination de ses représentant·e·s député·e·s nationaux et européen·ne·s sur le sujet de l’indemnisation des victimes et de l’application effective du droit à un environnement sain,
- Appelle les Écologistes à soutenir les associations locales et les victimes dans leur combat politique et juridique, pour leurs besoins de concertation, de médiation, d’alerte, moyens financiers, voire mobiliser les expertises nécessaires pour la reconnaissance de l’exposition des victimes.
Unanimité pour
Retour sur les motions adoptées par le Conseil fédéral
des Écologistes – EÉLV des 14 et 15 juin 2025
Synthèse des positions antérieures du parti
-> 2 & 3 décembre 2023 : Mettre un terme à la fabrique des maladies chroniques dans les territoires : les écologistes, premiers défenseurs du droit à un environnement sain
-> 4 & 5 février 2023 : Nous ne pouvons pas attendre plus longtemps un plan d’interdiction des substances toxiques pour la santé et l’environnement