Exposé des motifs
Le Service National Universel est présenté depuis son lancement en 2019 comme une des politiques jeunesse centrale et prioritaire, amenant une solution face à la fracture sociale que la France traverse. Ce service national, porté par le ministère des Armées autant que par celui de l’Éducation Nationale, répondrait à un manque de cohésion sociale, un manque d’engagement des jeunes, et place un supposé déficit de reconnaissance dans les valeurs de la République, comme difficulté principale de la jeunesse.
Lors de ses vœux pour l’année 2023, Emmanuel Macron a annoncé vouloir rendre obligatoire le Service National Universel pour l’ensemble des jeunes entre 15 et 17 ans. Des récentes fuites dans la presse du projet confirment ce vœu et dressent un SNU progressivement obligatoire pour tou.te.s les élèves de seconde, envoyé·e·s 12 jours en séjour de cohésion avec uniforme, levée du drapeau et chant de l’hymne national. Le projet qui se profile est celui d’un encadrement militaire strict, sans possibilité d’objection de conscience.
Si le projet de généralisation semble avoir été abandonné par le gouvernement, le SNU, de par sa construction, même sur base du volontariat, ne peut être considéré comme une politique de jeunesse efficace et cohérente.
Les retours d’expériences dénoncent un dispositif qui ne fonctionne pas avec de nombreux abus comme la désorganisation des journées, rythme de vie effréné pour les jeunes et les adultes, intervenants non formés sur les questions de genre et les questions LGBTQIA+, faible mixité sociale. Autre scandale dans le déploiement de cette réforme, les jeunes qui s’engagent dans les phases optionnelles du SNU pourraient bénéficier d’un meilleur traitement sur Parcoursup.
Le SNU est pourtant présenté comme la seule réponse du gouvernement aux difficultés que connaissent la jeunesse. Aucune mesure n’a été prise pour répondre aux difficultés des jeunes de s’alimenter, de se loger, de se soigner. Pire, après avoir réduit les APL et rejeté les repas à 1€ pour tous les étudiant.es, le gouvernement prépare une réforme des bourses qui va encore affaiblir les étudiant.es.
Motion
Réuni en Conseil Fédéral les samedi 1er et dimanche 2 avril 2023, EELV considère que :
Le Service national universel (SNU) est un gaspillage énorme d’argent public
Le SNU impose une militarisation de toute une génération
Derrière un SNU qui serait vecteur d’engagement, il y a une volonté, à peine cachée, de constituer une armée de réserve. Qu’elle soit pour faire les “casques verts” pour compenser les manquements de l’Etat dans la gestion des catastrophes climatiques comme le propose Christophe Béchu, ou pour “se préparer à une potentielle guerre, comme en Ukraine”, selon Sébastien Lecornu, les jeunes ne sont pas une armée de réserve, une variable d’ajustement. Même les militaires ne souhaitent pas revenir à une armée civile, alors pourquoi revenir sur un fonctionnement qui fait l’unanimité ?
Le SNU est un engagement forcé
On ne pousse pas à l’engagement en le rendant obligatoire. La mise en place à marche forcée du SNU ne garantit pas l’épanouissement de ses participant·e·s et c’est pour cela qu’il peine à séduire sur la base du volontariat.
En poussant l’engagement obligatoire, le gouvernement veut en fait séduire une partie de la population nostalgique et réactionnaire, qui pense que la jeunesse serait en perte de valeurs morales. Pourtant cette idée est fausse : les jeunes s’engagent dans tous les domaines où l’État ne remplit pas son rôle (climat, précarité, lutte contre les discriminations…) et sont même la classe d’âge la plus engagée dans le monde associatif bénévole. Notre parti est fermement opposé à toute forme d’engagement obligatoire, qui plus est si la non-participation à celui-ci amène des sanctions, comme l’envisage le gouvernement.
Le SNU est une fausse éducation populaire
Le gouvernement assure qu’ un tiers de l’animation du SNU est gérée par des structures d’éducation populaire. En réalité, ce tiers correspond à des animateurs titulaires du BAFA qui encadrent les moments de vie commune (repas, dortoirs). Le SNU est donc bien encadré par des militaires.
Alors que l’ensemble des associations et structures d’éducation populaire souffre d’un sous-financement chronique, le gouvernement souhaiterait faire porter sur ces acteurs le poids d’un séjour de cohésion généralisé.
Aujourd’hui, alors que le SNU ne compte que 35 000 volontaires, l’Etat peine à trouver des encadrants pour le tenir. Ce sont des jeunes tout juste titulaires du BAFA, voire pas encore titulaires, qui se retrouvent à encadrer des groupes trop remplis, faisant parfois fi de la loi qui demande d’avoir au moins 50% d’adultes formés dans les équipes..
L’éducation populaire n’est pas un concept et une pédagogie maîtrisée par l’ensemble de la société. Des corps en uniforme ne peuvent pas apprendre à émanciper les jeunes par l’éducation populaire.
Le SNU est le mauvais élève de la mixité sociale
On ne force pas la mixité sociale en envoyant des jeunes d’un même département dans un autre département. L’émancipation de la jeunesse et sa capacité à rencontrer des jeunes hors de son milieu social d’origine est grandement influencée par les moyens financiers. Garantir la mixité et la cohésion sociale passe d’abord par la possibilité de vivre et d’étudier dans de bonnes conditions. L’école doit être ce lieu d’éducation et de mixité sociale. Deux semaines de SNU n’effaceront pas l’absence de politiques ambitieuses par le gouvernement pour améliorer la mixité sociale et territoriale.
Le SNU est un gaspillage énorme d’argent public
Avec le projet qui se profile, celui-ci devrait coûter 2 milliards d’euros supplémentaires par an. Les milliards du SNU pourraient financer presque la moitié du coût de l’ouverture du RSA aux moins de 25 ans (5 milliards), la création d’une allocation d’autonomie pour tous les jeunes ou encore un investissement dans les associations d’éducation populaire.
Autre élément, le coût du SNU pour un jeune équivaut à 2500€ les 12 jours. A titre de comparaison, un an d’école coûte environ 9000€/jeune. 12 jours de SNU correspondent environ à 3 mois d’école, alors que l’éducation nationale manque cruellement d’investissements pour garantir l’égalité des chances entre tou.te.s.
Europe Écologie Les Verts :
–> réaffirme son opposition au Service National Universel, qu’il soit sur base du volontariat ou obligatoire.
–> propose :
• d’allouer un budget pour mener des politiques jeunesse ambitieuses ( comme la généralisation du RSA aux moins de 25 ans, l’allocation d’autonomie, le développement de séjours éducatifs et de loisirs en mixité sociale et territoriale).
• d’accompagner les associations d’éducation populaire en augmentant notamment les montants qui leur sont alloués, pour qu’elles puissent avoir les moyens de construire une véritable politique de mixité, en développant notamment les colonies de vacances, les centres de loisirs ou des classes de découverte qui permettent la rencontre et le faire ensemble de groupes et de différentes classes sociales.
• d’augmenter les moyens financiers alloués aux associations et organisations où les jeunes s’engagent déjà : lycéennes, étudiantes, culturelles, sportives, etc.
• de valoriser les engagements politiques et citoyens de la jeunesse : un planning scolaire allégé, des moyens humains et financiers débloqués pour l’accompagnement d’enfants et de jeunes, une valorisation forte de l’engagement des jeunes dans le sport, la culture, l’environnement et l’animation locale.
• d’investir dans l’école et l’enseignement supérieur avec le recrutement de plus de personnel et la création de nouvelles places pour en finir avec la sélection à l’université. De développer les espaces permettant aux jeunes d’accéder et de connaître leurs droits (droits sociaux, droit du travail, droit individuel et collectif).
Unanimité pour
Retour sur les motions adoptées par le Conseil fédéral d’Europe Écologie Les Verts des 1er et 2 avril 2023