Exposé des motifs
Mourir fait partie de la vie et chacun.e doit pouvoir choisir comment vivre ces derniers moments.
Nous constatons aujourd’hui qu’il existe encore une certaine culture de l’obstination déraisonnable qui n’offre aucune alternative au maintien artificiel de la vie. La loi doit permettre aux personnes de s’éteindre lorsqu’elles le souhaitent ou lorsque cela s’avère nécessaire.
Si la société française est dans son ensemble favorable à la dépénalisation de l’aide active à mourir, une telle demande est une démarche personnelle. Les demandes d’aide active à mourir ne sont pas majoritaires par rapport à l’ensemble des personnes malades. La certitude d’avoir accès à une aide active à mourir si cela devait être nécessaire peut dans tous les cas être vécue comme sécurisante pour les personnes concernées.
Un cadre doit exister en allant au-delà de la législation actuelle pour garantir à celle ou celui, qui décide de manière indépendante et éclairée, qu’il ou elle a le droit de demander à mourir si les conditions de sa santé (physique et/ou psychique) ne lui permettent plus de vivre convenablement.
L’enjeu est donc double : faire appliquer la loi actuelle et créer une nouvelle loi pour la dépénalisation de l’aide active à mourir. Donc défendre la liberté d’accès de l’aide active à mourir pour les personnes qui en font la demande, tout en défendant une qualité de soins pour tout le monde, pour que le choix de chacun·e, quelle que soit la forme que prend sa fin de vie, soit librement posée et que les soins reçus soient dignes.
La fin de vie n’est pas qu’une affaire médicale. Les proches, les aidants, les professionnels de santé interviennent bien trop souvent pour combler les manques d’un État qui ne garantit pas la fin de vie paisible, digne et choisie à laquelle chacun.e devrait avoir le droit.
Europe-Ecologie Les Verts et l’écologie politique ont toujours été à l’avant-garde de la bataille pour la fin de vie choisie.
En 2002 déjà, le programme présidentiel de Noël Mamère faisait figurer dans un titre « Pour le choix de son mode de vie en toute liberté » une mesure n°5 intitulée « l’adoption d’une loi pour le droit de mourir dans la dignité ».
En 2012, EELV adoptait en Conseil Fédéral la motion “Pour une légalisation de l’euthanasie” et se prononçait « pour la légalisation de l’euthanasie, celle-ci étant définie comme un acte, pratiquée par un tiers, qui met délibérément fin à la vie d’une personne, à la demande de celle-ci. Les conditions d’application d’une telle loi sont :
- la présence d’une affection grave considérée comme incurable au moment de l’acte, maladie ou accident ;
- la présence de souffrances physiques et parfois psychiques surajoutées inapaisables, constantes et insupportables ;
- une demande volontaire et répétée sans pression extérieure ».
En 2013, le groupe écologiste à l’Assemblée nationale a défendu une proposition portée en première ligne par Véronique Massonneau pour « le droit aux pratiques d’aide active à mourir, à savoir l’euthanasie ou le suicide médicalement assisté ».
En 2015, dans la motion « Donner le choix de leur fin de vie aux patients », EELV se prononçait « pour donner le choix de leur fin de vie aux patients et donc pour la dépénalisation de l’aide active à mourir ».
Cet engagement écologiste a toujours été clair. Si bien qu’en 2022, enfin, à l’occasion de l’élection présidentielle, le programme écologiste du candidat Yannick Jadot proposait d’une part de changer la loi pour « permettre aux personnes qui le souhaitent d’avoir le choix d’une fin de vie digne et apaisé » et d’autre part de « doubler le nombre de lits spécialisés en soins palliatifs et créer des maisons de soins palliatifs en France ».
Aujourd’hui, une majorité de citoyen.nes souhaite que la loi évolue et veulent décider eux-mêmes en leur pleine conscience, des conditions dans lesquelles ils mourront.
La plupart accèdent à leurs derniers instants, accompagnés par des soins médicaux adaptés, sans avoir recours à une aide à mourir. Pour d’autres, dans des états de santé devant lesquels les soins médicaux se trouvent impuissants à soulager ni les douleurs ni les défaillances, le recours à une aide à mourir peut être un soulagement. La mise en place des directives anticipées, encore peu utilisées, est un premier pas vers son choix de fin de vie. Le cadre juridique reste toutefois insuffisant et c’est pourquoi une majorité de la population souhaite son évolution. À titre d’exemple, un sondage IFOP à l’initiative de l’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité de février 2022 explique que 94% des Français·e·es approuvent le recours à l’euthanasie et 89% sont favorables à l’autorisation du suicide assisté.
Motion
Parce que c’est un engagement historique de l’écologie politique,
Parce que cela devrait être un droit inhérent à l’individu, découlant du principe de dignité humaine,
Europe Ecologie les Verts affirme que :
- Les patient.e.s en fin de vie doivent bénéficier des meilleures conditions de prise en charge et d’accompagnements et d’un droit à mourir dans la dignité
- Il est important de distinguer et de définir les modalités de l’aide active à mourir que le mouvement écologiste entend autoriser : »
- L’euthanasie passive qui consiste à mettre un terme aux traitements curatifs et à soulager la douleur de la ou du patient·e par une sédation profonde et continue jusqu’à l’arrêt cardiaque. Elle intervient dans le cas d’une maladie (physique et/ou psychique) incurable,
- soit à la demande de la ou du patient·e si elle ou il est capable d’affirmer un choix libre et éclairé ou parce qu’elle ou il a rempli des directives anticipées,
- soit à la demande de ses proches ainsi que des médecins qui l’accompagnent, charge est laissée au législateur de déterminer qui prend la décision dans l’intérêt du malade.
- L’euthanasie active lorsqu’il s’agit d’aider un.e patient·e, atteint·e d’une maladie incurable, à mourir par un geste actif qui se traduit par l’injection ou l’ingestion d’un produit létal et qui lui permet de s’éteindre rapidement, sans douleur et en pleine conscience.
- Le suicide assisté qui consiste à autoriser la prescription d’un produit létal pour qu’une personne qui le souhaite puisse mettre fin à ses jours.
- L’acceptation et la délivrance du produit létal ne doivent pas reposer sur une seule personne. Des « conseils de fin de vie », regroupant personnels soignants et famille de la personne sollicitant une aide à mourir, devront s’accomplir pour chaque demande d’euthanasie ou de suicide assisté. Ils devront statuer sur la mise en application des directives anticipées de la personne souhaitant mettre fin à sa vie.
- La délivrance du produit létal, une fois validée par le conseil de fin de vie, devra obligatoirement être effectuée par un.e pharmacien.ne du territoire où vit la personne qui a décidé de mettre fin à sa vie. Chaque pharmacie de l’hôpital public, à minima, devra pouvoir délivrer le produit létal sur prescription médicale. Les préfectures pourront, en plus, désigner des pharmacies devant obligatoirement posséder et délivrer ces produits sur prescription médicale.
Dans le cas de l’euthanasie (passive ou active), tout professionnel de santé impliqués à un moment ou un autre dans son application, pour des raisons personnelles et/ou philosophiques pourra faire valoir sa clause de conscience et ne pas participer à cet acte. Afin que l’application de cette clause de conscience ne puisse empêcher l’effectivité du droit à mourir dans la dignité, des référent.e.s « accompagnant·e·s de fin de vie » qui auront été identifiés (sur candidature) dans chaque établissement de santé remplaceront et réaliseront l’acte.
Parce qu’il s’agit en réalité de repenser plus globalement notre système de santé et d’appréhender différemment la maladie avec une nouvelle approche anthropologique de la mort, Europe-Ecologie Les Verts propose de :
- Soutenir une réforme profonde du système de santé qui permet de garantir, par l’Etat, l’accès à tou.te.s a des soins de qualité, une meilleure prise en charge des patient.e.s et le choix pour chacun.e de déterminer sa fin de vie.
- Donner les moyens pour que chaque soignant.e puisse accomplir sa fonction dans le respect des préconisations établies (ouvertures de lits, créations de postes, adaptations des postes et des missions).
- Étendre les soins palliatifs afin de permettre à tous.te.s celles et ceux dont l’état de santé l’exige, et qui le souhaitent, d’accéder à ces prises en charge dans leur parcours de vie/parcours de santé, jusqu’aux derniers instants si nécessaire.
- Favoriser l’application de la loi actuelle en formant davantage les soignant.e.s, et en apportant une information plus indépendante et globale aux patient·e·s concerné·e·s.
- Défendre la généralisation des réseaux d’astreinte téléphonique de soins palliatifs pour guider vers les bonnes pratiques en fin de vie, notamment pour la gestion de la douleur.
- Initier un débat public de citoyen.ne.s fort autour de la mort, de la place de la médecine et de l’existence des directives anticipées pour faire connaître le sujet et favoriser l’implication active des citoyens dans leur propre parcours de santé.
Europe-Ecologie Les Verts demande l’inscription dans le dossier médical ET sur la carte vitale la mention « Directives anticipées existantes”.
En sus des moyens supplémentaires, des formations complémentaires et des campagnes d’information nécessaires, Europe-Ecologie Les Verts réaffirme :
- Son souhait de poursuivre les travaux entamés par la Convention citoyenne sur la fin de vie.
- Son engagement fort pour une loi qui prenne en compte la capacité des patient·e·s à choisir les conditions de leur fin de vie, en toute conscience, et à partager cette décision avec une personne de confiance.
- Que le droit de mourir dans la dignité par l’euthanasie ou le suicide assisté soit permis pour les malades dont le pronostic vital est engagé ou qui vivent de douleurs ou de souffrances insoutenables malgré les soins apportés.
Pour : beaucoup ; contre : 2 ; Blancs : 8
Retour sur les motions adoptées par le Conseil fédéral d’Europe Écologie Les Verts des 1er et 2 avril 2023