Exposé des motifs
Depuis plus de deux mois, des millions de Françaises et de Français, à l’appel de l’intersyndicale réunissant l’ensemble des organisations de jeunesse et de salarié·e·s, défilent partout en France, pacifiquement, contre la contre-réforme des retraites du gouvernement Macron.
Alors que 2/3 des Français·e·s continuent à être opposé·e·sau recul de l’âge légal de la retraite, alors que le mouvement social inédit depuis 50 ans a montré sa détermination, le gouvernement a fait le choix de passer sa contre-réforme en force, en utilisant tous les artifices institutionnels à sa disposition (PLFSS permettant de réduire les temps de débat parlementaire, utilisation du 47.1, vote bloqué pour empêcher l’examen d’amendements…).
Le choix final du gouvernement de ne pas faire voter le projet de loi par les député·e·s en utilisant le 49.3 a constitué un véritable point de bascule entraînant le pays dans une situation politique et sociale, dont il est difficile de prévoir le dénouement. En ne répondant pas à la demande de retrait de la réforme, en rejetant toutes les demandes de rencontres des organisations syndicales, le gouvernement a fait le choix de la tension en amplifiant, par son arrogance et son mépris, la colère dans notre pays. Depuis, les manifestations et rassemblements qui se déroulaient jusque-là dans un climat serein ont changé de nature et la violence s’est invitée dans les cortèges.
Dans ce contexte, le ministre de l’Intérieur et la préfète des Deux-Sèvres ont décidé de mobiliser et d’utiliser des moyens démesurés pour réprimer la manifestation de Sainte-Soline le samedi 25 mars.
Coma, œil arraché, main déchiquetée, fractures, hématomes, violences sexuelles, la liste des blessures, des traumatismes et des mutilations commises par les forces de l’ordre à l’occasion des diverses manifestations s’allonge. Des armes “relevant de matériels de guerre” sont utilisées, grenades de désencerclement ou explosives de type GM2L, LBD, ajoutées aux stratégies de gazage et de nasse, le tout s’accompagnant d’arrestations préventives ou de gardes à vue injustifiées. De la loi ASAP (Accélération et Simplification de l’Action Publique) qui a supprimé les consultations publiques, au traitement policier du mouvement des Gilets jaunes, en passant par le refus du dialogue social pour la réforme des retraites et la loi de “sécurité globale” pour éviter de documenter les violences policières, tout a été fait pour réduire les espaces de démocratie dans notre pays.
Quand le gouvernement (ou) les représentant·e·s de l’Etat transgressent les lois, contournent les décisions de tribunaux, ignorent les alertes des scientifiques, imposent par la force des projets sans l’aval des citoyen·ne·s, brusquent voire blessent des manifestant·e·s, l’Etat de droit est bafoué et les conditions ne sont plus réunies pour assurer la paix à laquelle notre société aspire.
La France connaît depuis longtemps de graves problèmes avec sa politique de maintien de l’ordre. A telle enseigne que, ces derniers jours, la Défenseure des droits, le rapporteur spécial des Nations Unies pour la liberté de réunion, ou encore le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, se sont émus de l’usage excessif de la force par les agents de l’État privant les citoyen·ne·s de leur droit de manifester. Sa gestion des rassemblements et manifestations est une anomalie dans nos démocraties européennes, une exception répressive qui n’a cessé de se tendre depuis l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron, en particulier lors de la gestion des mouvement des Gilets jaunes. Cette dérive autoritaire est inquiétante et inacceptable.
En refusant d’écouter les millions de personnes mobilisées, les salarié·e·s en grève dans de nombreux secteurs, en criminalisant les militant·e·s écologistes, en faisant l’usage d’une violence policière disproportionnée contre les manifestant·e·s, le gouvernement ajoute à la crise sociale, une crise de régime.
Au surplus, le temps passé à lutter contre une réforme injuste et massivement rejetée ne l’est pas à lutter contre le réchauffement climatique et l’effondrement de la biodiversité. Toute l’énergie collective devrait être mise à profit pour initier sans délai la transition écologique nécessaire à la sauvegarde de l’humanité, du vivant. A cet égard, l’expérience de la Convention citoyenne pour le climat est symptomatique du mépris par le gouvernement et par le chef de l’Etat tant de l’urgence écologique que de la démocratie.
Motion
La responsabilité du chef de l’État est pleinement engagée dans la dégradation de la situation politique, sociale, écologique et démocratique. Il lui revient de trouver rapidement les conditions de l’apaisement :
• en retirant sa contre-réforme des retraites
• en retirant la procédure engagée pour dissoudre le collectif « Les Soulèvements de la Terre » » Raphael
• en revoyant totalement la politique de maintien de l’ordre de notre pays, au service de la garantie des libertés fondamentales et dans le cadre légal des interventions des services de police et de gendarmerie
• en respectant l’interdiction de la nasse confirmée par le Conseil d’Etat, ainsi que des techniques d’immobilisation mortelles et des armes de guerre (lanceurs de balles de défense (LBD), grenades à double effet lacrymogène (GM2L) et grenades de désencerclement (GENL))
• en respectant la suppression de l’article 222-14-2 du Code pénal qui sert de base légale à de nombreuses interpellations préventives en faisant respecter l’obligation de rendre visible le Référentiel des Identités et des Organisations (RIO) sur L’ensemble des uniformes des forces de l’ordre.
• en supprimant les Brigades de répression des actions violentes motorisées (Brav-M)
La concentration des pouvoirs et l’arrogance de ce gouvernement permettent à un ministre de la Justice de faire des gestes insultants devant la représentation nationale et à un ministre de l’Intérieur de mentir éhontément pour ne pas assumer ses responsabilités. Ces ministres doivent démissionner.
Au moment où les Français·e·s souffrent de l’inflation, de la dégradation de leurs conditions de travail, de la crise de l’énergie, nous vivons un moment social et politique qui exige la nécessité d’une profonde transformation de nos institutions. La V° République, verticale, centralisée, n’est plus adaptée à la réalité de notre pays pour faire face aux enjeux démocratiques, sociaux et environnementaux. Au contraire, le régime présidentiel permet à un Président élu par défaut face à l’extrême droite, sans majorité parlementaire, d’imposer une réforme profondément injuste contre l’avis d’une large majorité des Français·e·s. La priorité de ce gouvernement minoritaire doit être de rétablir l’apaisement, d’accepter un dialogue sincère avec les syndicats, avec les partis politiques, avec les associations et les collectifs pour engager une réforme profonde de nos institutions fondée sur la séparation réelle des pouvoirs, la confiance et la démocratie réelle.
Unanimité moins 2 blancs
Retour sur les motions adoptées par le Conseil fédéral d’Europe Écologie Les Verts des 1er et 2 avril 2023