Exposé des motifs

Le 1er janvier 1804, huit mois après la mort de Toussaint LOUVERTURE au fort de Joux, le général Jean-Jacques DESSALINE proclame l’indépendance de Saint-Domingue qui sous le nom HAÏTI devient la 1ère république noire.

Depuis le destin du peuple d’HAÏTI prend les aspects d’une lente agonie orchestrée tant par les puissances extérieures au 1er rang desquelles la France, puissance colonisatrice, et les Etats-Unis, puissances occupantes au début du 20ème siècle, que par ses dirigeants successifs, dictateurs ou hommes politiques corrompus.

Une dette exorbitante et injuste

Arrachée de haute lutte, l’indépendance n’a jamais été admise par les dirigeants français qui entreprirent de faire payer aux haïtiens le prix fort. Charles X, en 1825 , les soumettra à un puissant blocus qui contraindra le Président Haïtien à accepter de verser à la France (et aux colons) la somme colossale de 150 millions de francs Or, soit l’équivalent de plus de 15 % du budget annuel de la France de l’époque en contrepartie de l’acceptation de son indépendance.

Le remboursement de cette dette par une jeune république, déjà exsangue du fait de l’effort de guerre pour arracher cette indépendance, prendra 125 ans, coûtera au pays plus de 1OO milliards d’euros de croissance et le plongera dans une crise économique faisant de lui l’un des pays les plus pauvres de la planète. Crise dont il ne se relève toujours pas. Un Haïtien dispose d’à peine 3 euros par jour pour vivre ; 5,2 millions d’Haïtien·e·s sont en insécurité alimentaire aiguë dont 2 millions en extrême urgence.

Un hold-up des occidentaux sur les finances du pays

En 1880, après avoir apuré une partie de cette dette, la Banque Nationale d’Haïti est créée mais dépend du Crédit Industriel et Commercial (CIC) . En conséquence, les actionnaires sont français, le siège de son Conseil d’Administration est à Paris. Un réel pillage est organisé, le CIC contrôle le Trésor Public Haïtien qui ne peut réaliser aucune transaction sans lui verser une commission ; Il se gave de prêts successifs accordés aux gouvernements haïtiens et distribue des millions de francs à ses actionnaires.

Haïti est vécu comme un pays de cocagne. Les Américains et les Allemands s’invitent à la fête en entrant dans le capital de la BNH en 1910 . Ils imposent un nouveau prêt au gouvernement à des conditions drastiques qu’il mettra près d’ un demi-siècle à rembourser.

Interrogé, le Crédit Mutuel, dont le CIC est aujourd’hui une filiale, parle de situation « gênante » et promet d’embaucher une équipe de chercheurs pour évaluer le rôle du CIC dans le pillage d’Haïti …

Des gouvernements corrompus

Surfant sur la misère humaine, soutenu par les gouvernements occidentaux, captant à leur profit l’aide internationale, les dirigeants successifs ont, pour la plupart, construit un régime corrompu favorisant leur enrichissement. On pense, bien entendu aux dictatures des DUVALIER père et fils, mais HAÏTI présente en plus le triste spectacle d’ex-présidents de la République, 1ers Ministres, Ministres, Sénateurs et Députés soupçonnés de détournement de fond, corruption, abus de biens sociaux , … nombre d’entre eux étant, d’ ores et déjà, sanctionnés par le CANADA et les EU. 

Même les espoirs mis dans « Titite », le prêtre-président Aristide, ont finalement sombré dans la débâcle, entraînant une nouvelle intervention franco-américaines.

En 2004, une opération sous l’égide de l’ONU avait été mise en place à la suite du départ du Président ARISTIDE. Celle-ci avait essentiellement pour mission le rétablissement d’un État de droit après une succession de coups d’État. Cette intervention internationale qui a duré près de 15 ans, avait été fortement critiquée par la population locale.

Catastrophes naturelles, crises politiques et défis sécuritaire

Le pays cumule en outre, aujourd’hui, toutes les tares possibles : une crise institutionnelle, le Président JOVENEL Moïse a été assassiné dans la nuit du 6 au 7 juillet 2021, avec la complicité présumée de sa garde présidentielle, n’est pas remplacé, le 1er ministre Ariel Henry n’a pas de légitimité, les chambres n’ont été renouvelées. L’enquête sur l’assassinat du président, dans laquelle le premier ministre Henry est lui-même soupçonné, n’a pas progressé ;

une crise sanitaire avec des structures sanitaires quasi inexistantes dans un pays où l’on meurt encore du choléra. Et une énorme crise environnementale puisque dans ce pays originellement boisé à 80%, les pratiques agricoles, telles que la culture intensive du café puis de l’Hévéa , conjuguée à la déforestation due à la misère , ont conduit à une quasi-désertification. S’y ajoutent aujourd’hui, les effets du changement climatique, la multiplication des ouragans, inondations et les tremblements de terre qui ont occasionné des destructions massives et plus de 200 000 morts. Entre 2004 et 2022, le pays a vécu 4 cyclones majeurs, 2 épisodes de sécheresse importants et deux séismes de grande amplitude.

Haïti est classé 170 sur 185 dans l’indice de développement humain (IDH) et reste le pays le plus pauvre des Amériques et le 15e pays le plus pauvre du monde; Selon le Global Climate Risk Index 2021, Haïti fait partie des pays les plus touchés au cours des 20 dernières années par les risques climatiques.

Depuis l’assassinat de l’ancien président Moïse, la situation déjà terrible du pays s’est encore détériorée sur le plan de la sécurité, de l’accès à la justice et des droits humains.

Dans ce contexte, la déliquescence et la corruption des institutions ont provoqué une crise sécuritaire sans équivalent dans le monde. Aujourd’hule peuple haïtien vit dans le terreur, les assassinats et enlèvements sont quotidiens ; personne, même les plus pauvres, ne peut se déplacer sans courir le risque de se faire enlever, puis tué s’il ne peut pas payer la rançon réclamée par des gangs qui contrôlent la quasi-totalité du pays.

Les gangs utilisent systématiquement la violence sexuelle et sexiste, y compris les viols collectifs, contre les femmes et les filles, comme une menace pour terroriser la population. 

Au moins 1634 personnes ont été tuées, blessées ou enlevées au cours du premier trimestre 2023.

Motion

• Le conseil fédéral d’Europe Écologie Les Verts réuni les 1er et 2 juillet 2023,

Considérant :

  • L’urgence à apporter sans délai une assistance alimentaire à la population haïtienne alors que près de la moitié souffre d’une faim aiguë et que 1,8 million de personnes sont en situation d’insécurité alimentaire d’urgence, et que plus de 115 600 enfants souffrent de malnutrition aiguë ;
  • L’insécurité consécutive à la mainmise des gangs sur le pays qui a entraîné la fermeture d’hôpitaux, de la plupart des écoles depuis octobre 2022,et le retrait des organisations humanitaires des zones les plus démunies ;
  • Les violations continues des droits humains en Haïti, le contrôle de régions entières par des bandes armées et les accusations répétées de complicité des autorités publiques dans ces violences ;
  • Que la PNH (police militaire haïtienne) sous-équipée, mal formée, gangrénée par la corruption, n’est pas en capacité d’éradiquer les gangs qui agissent en toute impunité ;
  • Qu’aucune sortie de crise politique, économique ou humanitaire ne peut être raisonnablement envisagée s’il n’est mis un terme au chaos dans lequel se trouve l’État haïtien ;
  • Que la situation s’est tellement détériorée que le gouvernement haïtien a demandé au Conseil de Sécurité de l’ONU l’envoi d’une force armée internationale…
  • Que la représentante spéciale de l’ONU en Haïti a demandé au Conseil de Sécurité l’envoi de cette force, demande réitérée par sa successeure le 26 avril dernier ;
  • Que la majorité des organisations de la société civile haïtienne s’opposent à une intervention militaire et que des manifestations ont eu lieu pour s’opposer à une telle intervention, notamment en raison des dérives de la MINUSMAH ;
  • Qu’au moins 36 000 migrant.es ont été rapatrié.es en Haïti au premier trimestre 2023;
  • Que les exilés haïtiens sont victimes de nombreuses violations des droits humains dans certains pays d’accueil ou à leur retour.

• Appelle le gouvernement français, en sa qualité de membre permanent du Conseil de Sécurité de l’ONU et vue sa responsabilité historique :

  •  À apporter une aide réelle au peuple haïtien en soutenant et protégeant les organisations humanitaires encore présentes dans le pays ;
  •  À demander, compte tenu de la grave crise alimentaire, qu’une attention particulière soit accordée à l’aide alimentaire d’urgence ;
  • À apporter son soutien aux organisations de la société civile et à tous les secteurs de la société haïtienne qui luttent pour les droits sociaux et fondamentaux et la démocratie dans le pays ;
  • À privilégier une solution pacifique à la situation en Haïti, en soutenant le processus de transition mis en œuvre par les organisations de la société civile haïtienne ; 
  • A conditionner tout déploiement d’une force internationale à l’établissement d’objectifs clairs pour éviter de reproduire les échecs de la MINUSMAH: créer un corridor humanitaire pour protéger la population des attaques des gangs, permettre l’arrivée de l’aide alimentaire, veiller à ce qu’elle soit de courte durée et concertée avec la société civile ;
  • À encourager les pays de destination des demandeurs d’asile en provenance d’Haïti à cesser toute expulsion compte tenu de la situation en Haïti et à garantir l’accueil de réfugiés haïtiens dans de bonnes conditions et dans le respect du droit international ; 
  • À soutenir de manière cohérente le régime de sanctions voté par le Conseil de sécurité des Nations unies en octobre 2022 à l’encontre des membres de l’élite politique et économique haïtienne qui soutiennent les gangs armés ;
  • À soutenir la demande formulée par le Parlement européen dans sa Résolution de mai 2021 d’un audit et d’un rapport de la Cour des comptes européenne sur l’utilisation de la transparence des fonds de l’UE en Haïti ;
  • À maintenir le dialogue nécessaire avec le gouvernement haïtien pour la mise en place de l’aide humanitaire, tout en adoptant une attitude réservée à son égard ;
  • À instaurer un dialogue avec la société civile haïtienne pour permettre aux Haïtien·ne·s eux-mêmes de mettre en œuvre une solution pour rétablir les institutions démocratiques et traiter les questions sociales et économiques ;
  • À soutenir les revendications de l’Accord de Montana du 30 août 2021, qui réunit les principaux acteurs de la société civile et appelle le pays à rompre avec un « système de gouvernance sous tutelle » pour restaurer le pouvoir et la légitimité des institutions publiques, regagner la confiance de la population, mettre fin à l’impunité et organiser des élections libres et transparentes à l’issue d’une période de deux ans ; 
  • À diligenter une commission d’enquête sur la spoliation financière dont a été victime Haïti par la banque française, le CIC ;
  • À reconnaître sa responsabilité dans la situation désastreuse actuelle et à s’engager à fournir des aides correspondantes à d’indispensables réparations ;
  • À demander l’annulation immédiate et définitive de toutes les dettes internationales d’Haïti et de ses mécanismes d’endettement auprès des institutions financières internationales et de ses principaux partenaires commerciaux, y compris l’UE.

Unanimité pour


Retour sur les motions adoptées par le Conseil fédéral d’Europe Écologie Les Verts des 1er et 2 juillet 2023