Portée par la commission énergie et climat
Texte non soumis au vote n’engageant pas le mouvement
Résumé exécutif
Les Écologistes soutiennent résolument la bonne adaptation et la prévention, complémentaires à la réduction des émissions. Nous mettons toutefois en garde contre la mal-adaptation. Nous demandons à inscrire la Trajectoire de Référence d’Adaptation au Changement Climatique (TRACC) à +4 °C en 2100 à l’échelle de la France Hexagonale dans la loi début 2025, de la compléter par une trajectoire annexe à +6 °C pour les infrastructures critiques et de prévoir une clause d’actualisation de la TRACC dès 2030. Nous constatons avec regret que les presque 2 ans de retard du PNACC n’ont permis ni d’aboutir à des mesures ambitieuses, ni de lui conférer un pouvoir d’action, alors même que l’adaptation est 10 fois plus rentable que la non-adaptation. Les Écologistes appellent d’urgence à faire changer d’échelle le PNACC, en le dotant de 5 Mds€ dès 2025, financés en faisant contribuer prioritairement les activités les plus polluantes, non-adaptées et dont les bénéfices sont captés par les plus riches. Enfin, nous demandons à auditer 50 Mds€ de financements publics pour vérifier leur compatibilité à l’adaptation au changement climatique. |
1. Un soutien ferme à la bonne adaptation et la prévention, un appel urgent à plus d’ambition et une mise en garde contre la mal-adaptation
1.a. Les Écologistes réclament un PNACC plus ambitieux et plus solidaire
Les Écologistes souhaitent voir lancé urgemment un plan d’adaptation plus ambitieux, plus protecteur et plus responsable. En l’état du PNACC, la France ne pourra pas s’adapter aux climats actuels et futurs selon les principes de justice et d’équité. Le climat s’est déjà réchauffé, sans que les impacts de ce réchauffement ne soient suffisamment anticipés par nos gouvernements successifs. 2024 pourra être la 1re année référencée où le réchauffement dépassera +1,5 °C par rapport au niveau préindustriel. En 2022, 8000 communes ont demandé la reconnaissance de catastrophe naturelle du fait du retrait-gonflement des argiles, avec un coût de 2,9 Mds€ pour les assurances. 2800 personnes sont mortes dans le silence, du fait des vagues de chaleur. Des pans entiers de villes comme La Rochelle ou Calais seront submergés d’ici 2050[1]. Le climat continuera de se réchauffer et seule la neutralité carbone permettra de stabiliser ce réchauffement climatique.
Nous défendons la nécessité de se préparer à un monde dans lequel l’Accord de Paris n’est pas respecté, c’est-à-dire dans lequel le réchauffement planétaire dépasse +2 °C en 2100. Le réchauffement mondial est en effet estimé entre +2,7 °C (si les États respectent les engagements déjà formulés dans l’Accord de Paris) et +3,1 °C d’ici 2100 (au regard des politiques effectivement mises en œuvre)[2]. Ces niveaux sont loin d’être des “plafonds de risque”. Nous devons être conscients que de grandes puissances économiques peuvent nuire à la lutte climatique, en premier lieu les États-Unis, qui viennent de réélire un président ouvertement climatosceptique et pro-énergies fossiles, donc pro-réchauffement climatique. La trajectoire d’émissions de puissances émergentes comme l’Inde ou l’Indonésie[3] invite également à la prudence. Pour protéger notre pays et notre population, pour ne jamais avoir à regretter nos choix, nous avons la responsabilité de nous préparer à un emballement climatique lié à l’atteinte de points de bascule, par exemple les relâchements de méthane dus à la fonte du pergélisol.
La France se réchauffe plus vite que la moyenne mondiale (en particulier plus vite que les océans) : la Trajectoire de Référence pour l’Adaptation au Changement Climatique (TRACC)[4] correspond à un scénario +4 °C en 2100 pour la France hexagonale, qui serait plausible. Ce scénario n’est pas une fatalité et certainement pas un objectif à atteindre. Il ne s’agit pas non plus d’un plafond de réchauffement : la France n’est pas à l’abri d’un réchauffement encore plus élevé. Il est donc indispensable d’être plus prévoyant que ce que propose le PNACC et de préparer nos infrastructures critiques à un niveau de risque supérieur de +6 °C.
Anticiper 2100 ne signifie pas attendre passivement, mais agir maintenant. Si la France n’est pas préparée dès 2030[5], il est illusoire d’espérer être suffisamment prêt en 2050 et en 2100 : nous demandons donc une clause d’actualisation de la TRACC en 2030. En 2030, si le monde n’a pas assez réduit ses émissions et que la France n’est pas préparée à un possible réchauffement incontrôlé, notre pays aura non seulement contribué à l’emballement du changement climatique, mais aussi à sa propre vulnérabilité et aux impacts dévastateurs que cela entraînera pour l’ensemble de nos concitoyen·ne·s.
Les Écologistes rappellent que s’adapter et réduire les émissions sont deux actions complémentaires : l’une ne saurait substituer l’autre. Réduire les émissions demeure moins coûteux que s’adapter au niveau mondial. Nous réduisons aussi notre dépendance aux énergies fossiles et le déficit commercial abyssal qu’elles engendrent envers des puissances étrangères. Atténuation et adaptation vont de pair : la création croisée d’un réseau de froid et de chaleur en est un bon exemple. Ces nouveaux réseaux permettront de remplacer des équipements de régulation thermique fonctionnant aux énergies fossiles. Le résultat sera un moindre recours de l’utilisation du réseau gazier, voire un abandon dans certaines zones.
La bonne adaptation et la prévention sont beaucoup plus rentables que la non-adaptation et la mal-adaptation : 1 € investi dans l’adaptation permet d’éviter 10 € de dégâts[6]. Tout budget pour l’adaptation s’appelle “reviens” :nous y trouvons un retour sur investissement et une protection qui peut durer de 50 à 100 ans (pour les investissements dans les infrastructures). L’adaptation est donc comme une sorte de “retraite climatique” : nous cotisons maintenant pour avoir des conditions de vie décentes plus tard.
Les territoires ultramarins sont particulièrement vulnérables au changement climatique et ces spécificités mériteraient une contribution dédiée : du fait de la concision que la consultation nous impose, nous choisissons toutefois de traiter le sujet de l’adaptation à l’échelle de la France entière, sans mentionner ces spécificités.
La mise en œuvre de l’adaptation est aussi valable dans le cadre de nos relations diplomatiques[7] : c’est une occasion d’assumer notre responsabilité historique en finançant la réduction des émissions et l’adaptation de ces pays, qui subissent déjà les impacts les plus invivables, par exemple lors des COP.
1.b. Le gouvernement doit associer des moyens ambitieux aux bonnes actions d’adaptation, mais aussi cesser immédiatement tout financement à la mal-adaptation
Le choix du gouvernement de n’affecter aucun budget d’investissement au PNACC est une décision financièrement irresponsable. Le calcul de rentabilité est pourtant simple : le coût des conséquences climatiques sans adaptation continuera à monter jusqu’à 20 Mds€/an en 2030[8], soit l’équivalent de 1,3 % du PIB. Le coût des actions sans regret et prêtes à l’emploi est estimé à 2,3 Mds€/an[9].
Toutefois, tous les types d’adaptations ne se valent pas : les Écologistes mettent en garde contre la mal-adaptation qui peut se révéler autant (si ce n’est plus) dommageable pour la population que la non-adaptation. La non-adaptation est en réalité peu probable, le risque est bien la mal-adaptation : une adaptation mécanique, sans concertation, sans préparation, parfois dans l’urgence et au détriment de l’environnement. Ces adaptations sont contre-productives. A titre d’exemple en montagne, la course à la production de neige oblige les stations de sports d’hiver à s’endetter pour attirer les touristes, plutôt que de préparer leur conversion vers un tourisme de montagne durable et “4-saisons”[10]. La production de neige peut même aller jusqu’à concurrencer la consommation humaine, par exemple dans les Pyrénées-Orientales qui sont en situation de crise sécheresse depuis 2 ans[11].
Au contraire, nous soutenons des solutions d’adaptation éprouvées, décidées dès maintenant, dans la concertation plutôt que dans l’urgence. Il est éloquent que la 1ère mesure du PNACC, choisie comme vitrine par le gouvernement Barnier, concerne le remboursement des dégâts plutôt que leur prévention. Les solutions sont connues. La végétalisation doit être généralisée pour recréer de la fraîcheur en ville : parcs, arbres, parcours à l’ombre, murs et toitures végétalisés. Les zones inondables les plus exposées devraient d’ores et déjà faire l’objet d’un discours de vérité de la part des autorités. Dans les zones les plus en péril, évacuer est la seule option viable : ces évacuations ciblées, de dernier recours, doivent être discutées dès maintenant au niveau le plus local possible, en prévoyant des compensations financières justes. Il s’agit d’éviter les drames silencieux aux 4 coins de la France, comme ceux provoqués par la Tempête Kirk dans les villes de Seine-et-Marne[12], du Nord Pas-de-Calais ou l’Hérault[13]. Nous pensons également aux victimes de Valence en Espagne.
La première des adaptations est la prévention. La première des préventions est la connaissance de l’évolution du climat et de ses impacts. L’étude des impacts du changement climatique et de nos vulnérabilités doit être réalisée au plus près du terrain, en mobilisant des équipes territoriales dédiées. La prévention signifie également une meilleure connaissance par les citoyen·ne·s des gestes à adopter en cas d’événements extrêmes.
Les coupes d’effectifs dans les opérateurs qui contribuent à l’adaptation doivent cesser (Météo France, Office National des Forêts, Agences de l’Eau). Ces opérateurs ont perdu plus de 3400 personnes en 10 ans. Pire : nous constatons une situation paradoxale dans laquelle les partis du “socle commun” de droite sont les premiers à critiquer le manque d’efficacité des opérateurs pour se dédouaner[14], mais aussi les premiers à couper dans leurs effectifs[15]. Les emplois supprimés doivent être restitués et permettre l’embauche de spécialistes de l’adaptation.
1.c. Choisir l’indispensable signifie renoncer au superflu : les Écologistes assument que nous devrons renoncer à certaines activités, qu’il faut urgemment définir par un débat de société.
Faire des choix d’adaptation signifie aussi renoncer : les Écologistes assument que certaines activités ne seront plus envisageables dans une France à +4 °C. Les secteurs concernés doivent être informés et aidés dans leur reconversion. Ces aides à la reconversion sont immédiatement rentables. Elles nous évitent de tomber dans un piège abscons : elles nous préservent d’un gaspillage de temps, d’argent et de moyens humains dans des activités vouées à disparaître. Nous devons immédiatement informer les stations de lavage qu’elles connaîtront des périodes de sécheresse (donc de fermeture) toujours plus longues, avant de laisser des entrepreneurs s’endetter dans de nouvelles stations. Nous demandons également un moratoire sur la coûteuse construction de méga-bassines, pour éviter d’être contraint de les mettre plus tard hors d’usage afin de préserver le peu d’eau restant. Nous refusons d’ignorer ces communs négatifs[16] et de les abandonner à leur sort : nous demandons que leur futur soit décidé au niveau local le plus pertinent, tout en prévoyant des aides nationales. Nous nous alertons d’ailleurs de la mention de “l’écologie des solutions“[17], qui suggère qu’aucun de ces renoncements ne sera nécessaire, voire que des solutions “de bon sens” ou entièrement technologiques seront suffisantes pour s’adapter.
Un autre commun négatif qu’il faudra collectivement apprendre à gérer est le secteur nucléaire ainsi que l’ensemble des sites industriels Seveso et de production d’hydroélectricité. Nous appelons à la réalisation d’une étude concernant les EPR2 : pourront-ils résister à un monde à +6 °C ? Si les EPR2 venaient à être construits, ils seraient démantelés entre 2100 et 2120, selon les retards liés à leur construction. Il semble donc nécessaire de s’assurer que de tels objets technologiques ne deviennent pas des actifs échoués, ayant un fonctionnement incompatible avec le climat futur. De façon plus générale, les infrastructures industrielles de la vallée du Rhône, de la Hague, de Cigéo ainsi que la filière amont et aval sont-elles adaptées à ces changements climatiques, de même que l’outil industriel nécessaire à la filière nucléaire et l’ensemble des sites industriels Seveso ? Il semble urgent de mobiliser les filières concernées et de revoir leurs normes de sécurité, afin de prévenir les événements climatiques à venir.
2. Nos constats sur le PNACC : un plan dépriorisé, dépolitisé, dévitalisé – en un mot, impuissant
2.a. L’adaptation, sujet dépriorisé par le gouvernement
Les Écologistes déplorent la gestion catastrophique du calendrier d’élaboration du PNACC par les Gouvernements successifs Borne, Attal et Barnier : le PNACC aura 2 ans de retard à sa publication. Le Haut Conseil pour le Climat a même été contraint de s’autosaisir pour rappeler à l’ordre le nouveau gouvernement en septembre 2024 et demander la publication du plan[18].
Après un an de report électoraliste, alors que le PNACC était l’occasion d’organiser un débat politique d’envergure nationale, le choix a été fait de le dépolitiser en le vidant de toute substance et de pouvoir d’action. Nous découvrons un document technocratique, technique, illisible pour des non-initiés, alors que la première adaptation est la connaissance des conséquences et impacts du changement climatique. Nous saluons toutefois la mention de la TRACC dans le document grand public. Le PNACC ne prévoit en revanche aucune sanction en cas de non-réalisation de plan d’adaptation par les grandes entreprises ou de plan de sobriété hydrique par les filières économiques. Enfin, si nous partageons l’intérêt d’une annonce du PNACC par le Premier Ministre pour lui donner de la visibilité, nous constatons que le format de consultation est lourd[19]. Nous espérons que l’objectif n’est pas d’éviter la participation citoyenne à la consultation ou de masquer l’absence de pouvoir d’action du PNACC.
2.b. Un PNACC dépolitisé, sans pouvoir d’action
La conséquence de cette dépolitisation est que le PNACC manque cruellement de vision systémique. Il consiste davantage à réaliser une liste à la Prévert, plutôt qu’à fixer un cap. Le PNACC ne prévoit aucun financement, ce qui permet de s’affranchir de tout débat sur les choix d’allocation de nos ressources entre les secteurs du bâtiment, des transports ou de l’agriculture. Le terme de résilience est utilisé 47 fois dans le PNACC et souvent mal à propos : il suggère que nous pourrons revenir en arrière, alors que le climat change durablement. Le mot “progressivement” est utilisé 14 fois, souvent pour remplacer une date butoir. Ces formulations suggèrent au mieux une mauvaise compétence en gestion de projet, au pire une volonté du Gouvernement de procrastiner.
En termes de conduite de projet, le PNACC reflète un manque d’engagement cruel : si même l’État refuse de se donner des indicateurs, des dates butoirs et des objectifs, comment pourra-t-il convaincre les entreprises, les collectivités, les opérateurs, les établissements publics et la population de s’engager à leur tour ? La consultation n’a pas non plus publié de tableau de bord[20] et les différentes informations sont éparpillées dans les 51 mesures. Un tableau de bord est cependant la base de tout projet de cette envergure. Ce choix est soit un oubli, soit un manque de professionnalisme, soit une volonté gouvernementale de masquer une grave absence de stratégie, de moyens et d’ambition.
2.c. Un manque cruel de financement, à rebours du besoin de financements ambitieux et cohérents avec les autres politiques environnementales
Il est illusoire de penser que l’adaptation se fera spontanément sans y allouer des financements. Au moins 2,3 Mds€ par an sont nécessaires pour le seul périmètre des actions “sans regrets”, c’est-à-dire indispensables et immédiatement rentables[21]. A l’inverse, le PNACC a successivement été dévitalisé par le gouvernement, qui a par exemple supprimé dans les dernières versions le fonds d’adaptation de 150 M€ qui était initialement prévu[22].
Les financements déjà prévus dans d’autres politiques environnementales doivent également être cohérents avec l’adaptation : cela suppose de ne pas les supprimer, comme le souhaite le gouvernement. Nous regrettons ainsi la réduction des aides MaPrimeRénov’ d’un milliard en 2024, le rabot drastique des Certificats d’Économies d’Énergie (CEE) pour la rénovation globale et la réduction du Fonds Vert. La rénovation thermique est un exemple de politique environnementale devant s’adapter : le souhait exprimé par le Premier Ministre lors de sa déclaration politique générale de supprimer les normes DPE est donc un très mauvais signal. Comment peut-on abandonner à leur sort les habitants des bouilloires thermiques en 2024 ?
2.d. Des thèmes oubliés
Le PNACC se démarque aussi par l’absence du thème des inégalités sociales. Aucune mesure n’est prévue pour les résorber, alors que le changement climatique touche en premier lieu les populations les plus vulnérables[23] : les personnes aisées ont déjà la possibilité de s’adapter à l’échelle individuelle, par exemple pour lutter contre la chaleur[24]. A l’inverse, les personnes vulnérables cumulent souvent des situations d’exposition : sur le lieu d’habitation et de vie, au travail. Un travailleur sur 4 est ainsi exposé à des fortes chaleurs[25]. Nous demandons que le PNACC prévoit une adaptation du code du travail pour les personnes exposées à des températures de plus de 33 °C[26] et pour l’ensemble des travailleurs et travailleuses soumis.es aux canicules nocturnes extrêmes dans leur zone d’habitation,en particulier une modification des horaires de travail. Une large négociation interprofessionnelle sur l’adaptation des conditions de travail est indispensable, en prenant en compte les conditions actuelles mais également à venir (sur la base de la TRACC).
Nous constatons enfin d’autres thèmes manquants, pourtant incontournables dans un plan aussi structurant. Nous n’observons pas de mesures sur les sols ni sur le respect de l’objectif Zéro Artificialisation Nette. Quant à la souveraineté, c’est un non-sujet du PNACC : ni souveraineté énergétique, ni alimentaire locale ne sont mentionnées comme actions d’adaptation. Nous nous alarmons aussi de la politique d’incarcération massive menée par l’Etat : la construction permanente de places de prisons est l’opposé d’une politique d’adaptation. Elle augmente l’exposition des personnes concernées aux conséquences du changement climatique. Nous appelons le gouvernement à intégrer des mesures sur ces sujets.
3. Nos propositions : engager l’État, engager des moyens – être courageux
3.a. Créer les conditions pour un débat démocratique de société sur l’adaptation
La première des mesures est d’inscrire dans la loi le principe d’adaptation afin qu’elle s’impose à l’ensemble des législations. Nousproposons d’inscrire la TRACC dans la loi, via un projet de loi “Adaptation”. Celui-ci pourrait consacrer l’ajout d’un volet “adaptation” dans toutes les études d’impact des lois.D’un point de vue plus technique, nous soutenons également la proposition du Conseil Économique, Social et Environnemental (CESE)[27] d’ajouter dans le code de l’urbanisme et de l’environnement un volet obligatoire de prise en compte du changement climatique dans les processus d’évaluation des projets (PLU des communes et projets d’entreprises). Nous proposons de passer par la loi plutôt que par décret (mesure 40). Ces actions législatives nous mettraient à l’abri des errements politiques et de l’instabilité gouvernementale.
Pour lancer ce débat démocratique, nous demandons la tenue d’une Convention Citoyenne pour l’Adaptation. Cette Convention Citoyenne aura vocation à rassembler des personnes de tous les territoires et de tous âges. Elle proposera un chemin d’adaptation pour d’une part, les activités que nous souhaitons préserver et développer et d’autre part, celles auxquelles nous décidons de renoncer et que nous souhaitons reconvertir. Les Écologistes estiment que les mesures de la précédente Convention Citoyenne sur le Climat ont été abandonnées par le précédent gouvernement, faute de courage politique : le peuple français pourra compter sur nous pour porter cette Convention Citoyenne.
3.b. Doter le PNACC de financements à la hauteur des enjeux
Le PNACC doit être doté de 5 Mds€ de financements dès 2024[28]. Les financements de ce plan (et de tous les textes environnementaux[29]) doivent disposer de visibilité : ils doivent être adossés à une programmation pluriannuelle des finances publiques pour la transition énergétique. Les activités polluantes et responsables du changement climatique, non-adaptées et ne bénéficiant qu’à la minorité des plus riches, doivent contribuer en priorité à ce budget de 5 Mds€ par an. Toute dépense budgétaire et fiscale défavorable à la réduction des émissions et à la biodiversité doit être réaffectée à la transition écologique, par exemple les exemptions fiscales pour l’aviation, pour l’achat de combustibles fossiles et pour les voitures professionnelles thermiques. Nous rappelons qu’une contribution est aussi une subvention : réduire les financements aux énergies fossiles financera la protection des citoyen.nes les plus vulnérables.
Les financements de toutes les autres politiques publiques doivent être compatibles avec l’adaptation : cela implique de passer 50 Mds€ d’investissements au crible[30].
- Pour le bâtiment, MaPrimeRénov’ et les CEE doivent être conditionnés à la mise en œuvre de rénovations globales qui prennent en compte l’adaptation. Une personne qui a investi pour rénover son logement ne doit pas avoir à se soucier des prochains travaux à effectuer. Par ailleurs, lutte contre la précarité énergétique, adaptation au changement climatique et préservation du patrimoine doivent aller de pair. Il n’est plus tolérable que la rénovation d’une bouilloire thermique pour des personnes précaires soit bloquée par la présence d’un bâtiment historique. A Paris, 1 opération de rénovation sur 3 est pourtant encore bloquée ou annulée par décision des Architectes des Bâtiments de France[31].
- Pour l’agriculture, les financements publics, dont ceux de la Politique Agricole Commune (PAC) et du Plan Stratégique National (PSN) ainsi que des Agences de l’Eau doivent être dirigés en priorité vers les exploitations et les activités alignées avec la TRACC : agriculture biologique, agriculture paysanne, pratiques agroécologiques, nouvelles filières. Les financements à la mal-adaptation doivent être systématiquement redirigés vers la transition des exploitations, en particulier de l’élevage.
- Pour le transport, le train, les transports en commun et les ponts doivent rester fonctionnels en cas d’événement climatique : les crédits d’adaptation doivent être priorisés vers ces infrastructures communes et véhicules plutôt que vers la route. La prise en compte de la TRACC doit devenir obligatoire dans les évaluations environnementales des nouveaux projets d’infrastructure[32]. Nous demandons par ailleurs la mise en œuvre d’un plan “Gares à l’adaptation”[33] : ce plan permettra de généraliser la ventilation et l’installation de brumisateurs dans les gares, les arrêts de bus et les pôles d’échange et d’ombrager les pistes cyclables, ainsi que certaines zones piétonnes très fréquentées. Pour le fluvial, nous alertons enfin sur l’invraisemblable non-prise en compte de la TRACC par un projet aussi gigantesque que le Canal Seine-Nord Europe (scénario +1,4 °C uniquement) et redisons notre opposition à ce projet pharaonique inadapté[34].
3.c. Communiquer sur l’adaptation de façon impartiale
L’adaptation doit être discutée massivement et traitée de façon impartiale : il est impensable de laisser des médias financés par les intérêts d’acteurs privés propager de la désinformation sur le changement climatique. Le débat doit être celui du XXIe siècle (actions à mettre en œuvre) et non du XXe siècle (réalité et caractère anthropique du changement climatique). Afin de mieux réguler les médias, nous soutenons la recommandation du CESE[35] de donner à l’ARCOM le pouvoir de sanctionner les dérives et la propagation de fausses informations, y compris sur les réseaux sociaux, tout en respectant la liberté d’expression et le droit au débat.
Il n’est pas non plus envisageable de matraquer les citoyens de publicités pour des activités collectivement admises comme non soutenables. Dans le cadre de la réduction globale du nombre de publicités prôné par les Écologistes, nous recommandons de définir dans une loi “Adaptation” une liste d’activités mal adaptées pour lesquelles la publicité serait proscrite car entretenant des imaginaires insoutenables.
Conclusion[36]
Les Écologistes regrettent que ce PNACC soit si poussif, malgré ses 2 ans de retard et de supposée maturation. Cette impréparation n’est cependant pas une fatalité : nous enjoignons le gouvernement à adosser au PNACC un financement de 5 Mds€, que nous pouvons qualifier d’épargne climatique. Ces financements permettront de financer de nouvelles pratiques d’adaptation et de prendre en compte l’adaptation aux conséquences du changement climatique dans l’ensemble des politiques existantes.
Il est possible de s’adapter tout en améliorant notre quotidien à toutes et tous, en particulier des plus vulnérables. Nous exigeons plus de fraîcheur en été, des logements robustes face à la sécheresse et aux fissures, des transports fonctionnels et une agriculture durable. Nous voulons des médias d’information qui louent avec fierté la bonne gestion de crise des élus locaux, plutôt que de chroniquer les renvois de responsabilité de ceux qui n’ont rien préparé. Nous devons valoriser les histoires de scientifiques, d’industriels, d’entrepreneur.es, de paysan.nes à qui nous aurons donné les moyens de développer des solutions d’adaptation, plutôt que de donner du temps d’antenne à des personnes prônant la non-adaptation ou justifiant leur inaction. Cela suppose de s’en donner les moyens. Cela implique de protéger ce à quoi nous tenons, mais aussi de délaisser ce à quoi nous renonçons.
[1] Voir la carte de Climate Central : Infodurable, Montée des eaux quelles villes françaises pourraient disparaître en 2050 ?, Septembre 2024 / Vérifier les risques à son adresse : Georisques.gouv.fr.
[2] United Nations Environment Programme, Emissions Gap Report, 2024.
[3] L’inde a augmenté de 40 % en 10 ans et l’Indonésie de 45 %. Source : India | Climate Action Tracker ; Indonesia | Climate Action Tracker, Décembre 2023. L’Inde représente aujourd’hui un dixième des émissions mondiales et l’Indonésie 3 %.
[4] TRACC : +2 °C dès 2030 en France, +2,7 °C en 2050 et +4 °C en 2100 par rapport à l’ère pré-industrielle.
[5] Nous rappelons que 2030 est dans 6 ans, soit l’équivalent de la durée d’1 mandat électoral local, territorial ou national.
[6] Centre de ressources pour l’adaptation au changement climatique, S’adapter, ne rien faire… combien ça coûte ? / Global Commission on Adaptation, Adapt now: a global call for leadership on climate resilience, Septembre 2019.
[7] Commission Énergie-Climat des Écologistes, COP 29 à Bakou : pour un sommet à la hauteur du péril climatique, Octobre 2024.
[8] Selma Mahfouz et Jean Pisani-Ferry (France Stratégie), Les incidences économiques de l’action pour le climat, Mai 2023
[9] I4CE, Se donner les moyens de s’adapter aux conséquences du changement climatique en France : de combien parle-t-on ?, Juin 2022
[10] Reporterre, Les Stations de ski « fantômes » cherchent un nouveau souffle, Février 2023.
[11] Cour des comptes, L’action publique en faveur de l’adaptation au changement climatique, Mars 2024, p18. Voir également : France Info, Dans les Pyrénées-Orientales, la station de Font-Romeu à fond sur la neige artificielle, Février 2024
[12] France Info, Trois inondations dans l’année, « c’est difficilement vivable », témoigne une habitante de Seine-et-Marne,Octobre 2024.
[13] La Croix, Tempête Kirk : un décès au large de Sète, plus de 64 000 personnes privées d’électricité, Octobre 2024.
[14] Libération, Inondations à Cannes : le maire, David Lisnard, accuse la préfecture et Météo France de défaillances, Septembre 2024.
[15] Public Sénat, Budget 2024 : le Sénat vote une baisse de 10 000 postes chez les opérateurs de l’Etat, Décembre 2023.
[16] Le Monde, Sols pollués, centrales nucléaires… Les « communs négatifs », ces « déchets de l’anthropocène » dont il va bien falloir se soucier, Décembre 2022.
[17] Document “chapeau” du PNACC 3, mesure 51.
[18] Haut Conseil pour le Climat, Communiqué de presse : Rappel de l’importance cruciale d’atteindre la neutralité carbone de la France en 2050 et d’engager résolument l’adaptation, Septembre 2024
[19] Un document “chapeau” de 70 pages, 51 mesures de 10 pages chacune, une consultation se bornant à demander de classer les mesures par ordre de priorité.
[20] Un tableau de bord inclut : la liste des actions, l’objectif et les indicateurs de résultat attendus, le ministère et la direction portant la mesure, les moyens engagés et les dates intermédiaires et butoirs.
[21] I4CE, Se donner les moyens de s’adapter aux conséquences du changement climatique en France : de combien parle-t-on ?, Juin 2022.
[22] Assemblée Nationale, Écologie, Développement et mobilité durables, Octobre 2024.
[23] Personnes jeunes ou âgées, minorités, personnes en situation de pauvreté ou de handicap.
[24] Exemples lorsqu’on habite un pavillon : installer une climatisation, un store banne, construire une piscine, partir en vacances à la mer ou à la montagne.
[25] France Stratégie, Le travail à l’épreuve du changement climatique, Juin 2023. La prévention est un enjeu de santé publique pour les personnes travaillant en extérieur (agriculteurs, ouvriers du BTP), en espace clos (métallurgie, cuisine de restaurant) ou exerçant des tâches physiquement intenses (fondeurs, soudeurs, boulangers).
[26] Et pas uniquement “prendre en charge […] des arrêts de travail liés aux vagues de canicule” (mesure 11).
[27] Conseil économique, social et environnemental (CESE), Changement climatique et adaptation : Un enjeu pour tous les territoires et tous les acteurs, 2023.
[28] Exemple de chiffrage : I4CE, Anticiper les effets d’un changement climatique à +4 °C : Quels coûts de l’adaptation ?, 2024.
[29] En particulier Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC) et Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE).
[30] I4CE, Au moins 50 Mds€/an d’investissements à adapter, Septembre 2022.
[31] Fondation Abbé Pierre, Précarité énergétique d’été, une nouvelle forme de mal-logement, Juin 2023.
[32] Liste des infrastructures de transport concernées : Annexe à l’article R122-2 – Code de l’environnement.
[33] Nous saluons par ailleurs le tournant pris par la direction de la SNCF pour l’adaptation, qui a par exemple permis de développer des systèmes innovants pour prédire les zones du réseau à risque et y rouler plus lentement (Mitigate).
[34] Les Écologistes, Canal Seine-Nord : en finir avec ce projet destructeur et inadapté, Mars 2024.
[35] Conseil économique, social et environnemental (CESE), Changement climatique et adaptation : Un enjeu pour tous les territoires et tous les acteurs, 2023.
[36] Nous appelons tous les lecteurs et lectrices qui souhaitent faire de l’adaptation au changement climatique une priorité et une réalité en France à rejoindre les Écologistes. Nous invitons également les personnes qui souhaiteraient aller plus loin à contacter la Commission Énergie-Climat des Écologistes pour tout complément d’information (energie@eelv.fr) et/ou à consulter les 20 mesures pour passer l’été déjà demandées par les Écologistes en juillet 2023.
Retour sur les motions adoptées par le Conseil fédéral des Écologistes – EÉLV
des 30 novembre et 1er décembre 2024 octobre 2024