Un double enjeu d’humanité
et de différenciation stratégique
Contribution
Texte non soumis au vote
Exposé des motifs
Territoires en résistance contre une politique de dissuasion massive de l’Etat
Jungle de Calais, traversée des Alpes par la vallée de la Roya, campements de rue en Île-de-France, Paris, Nantes, Strasbourg, Briançon, Lyon ou Grenoble… Quel point commun à ces territoires et les municipalités qui jalonnent des parcours migratoires souvent traumatiques ? Ce sont des témoins de ce qu’il convient de qualifier, non pas de « crise migratoire » mais bien – comme le fait Damien Carême – de « crise de l’accueil. »
Pour autant, de nombreuses solutions à cette crise existent ainsi que l’ont largement démontré les acteurs de terrain : mise aux normes des Nations-Unies des campements pour répondre à l’urgence, hébergement citoyen, distributions alimentaires, fermes solidaires pour faciliter l’inclusion professionnelle, accompagnements associatifs et sociaux… comme peut le mettre en place Corinne Torre, de Médecins Sans Frontières (MSF), à Pantin.
Qu’ils ou elles soient simples citoyen·ne·s, associatif·ve·s ou bien encore élu·e·s loc·aux·ales, tou·te·s œuvrent à faire l’accueil inconditionnel de proximité. Elles et ils le font souvent en résistance à une politique étatique de dissuasion, sinon de répression voire de persécution à l’encontre des personnes migrantes et qui malheureusement transcende par électoralisme les clivages politiques traditionnels.
Victimes d’autres crises, les sans-abris de nos villes méritent aussi d’avoir accès à des cadres protecteurs. Il ne peut être question de les laisser à la rue, à l’image des solutions trouvées à Grande-Synthe, ou encore à Grenoble (arrêté municipal interdisant la mise à la rue de toute personne). Nous sommes en capacité d’abriter les un·e·s et les autres. Un toit, c’est un droit !
Municipales 2020 : le municipalisme, une des réponses à la crise de l’accueil
Toutefois, les 15 et 22 mars 2020 prochains, les élections municipales se tiendront. Elles doivent être l’occasion de rappeler l’attachement d’Europe Écologie-Les Verts (EÉLV) à un accueil inconditionnel des personnes migrantes européennes ou extracommunautaires et de sans-abris, quelle que soit la régularité de leur situation au regard du séjour sur le territoire national.
Il s’agit d’éviter une logique de tri indigne, appliquée à l’absurde en notre nom, coûteuse pour les finances publiques et qui condamne celles et ceux qui en sont l’objet à une précarité discriminatoire. Ce rappel est au demeurant cohérent avec ce qui a été défendu pendant la campagne des Européennes 2019 : « qu’est-ce qu’on attend pour accueillir dignement les migrant·e·s ? »
La présente motion vise à mettre à disposition des rédact·eur·rice·s des programmes municipaux et, plus largement, des adhérent·e·s et sympathisant·e·s du mouvement de l’écologie politique un référentiel programmatique en matière d’accueil inconditionnel municipaliste.
Elle s’efforce – par respect pour un principe de subsidiarité évident – non pas d’imposer mais de proposer une liste non exhaustive de mesures d’accueil des populations migrant·e·s. Elles et ils pourront utilement les intégrer à leurs programmes, quelles que soit la taille de leur commune et son budget.
De fait, elle constitue un cadre de référence sur un sujet technique car au carrefour de nombreuses politiques sociales. Il met aussi en présence une palette d’acteurs et d’actrices (collectifs citoyens, associations, institutions municipales) aux statuts et compétences variés.
Enfin, elle rappelle que ce pan de l’écologie sociale constitue l’un des piliers fondamentaux d’EELV et de son projet de société et doit donc trouver toute sa place dans les prochaines élections municipales.
Contribution
Ainsi, le conseil fédéral d’Europe Écologie-Les Verts (EÉLV), réuni à Paris les 21 & 22 septembre 2019 :
- adopte le référentiel programmatique en matière d’accueil inconditionnel municipaliste en matière de personnes en situation de vulnérabilité dont les migrant·e·s et sans-abris (annexe 1) ;
- demande au bureau exécutif et aux secrétaires régionaux d’assurer sa diffusion, en particulier auprès des rédact·eur·rice·s des programmes municipaux et notamment via la plate-forme programmatique dédiée.
- propose plus largement à tou·te·s les candida·te·s impliqué·e·s dans les élections municipales 2020 de se différencier par des engagements publics sur les mesures d’accueil inconditionnel municipaliste suggérées pour l’exercice de leur mandat à venir (en y ajoutant des mesures concrètes, adaptées à la situation locale : soutien aux associations, renforcement de services municipaux spécialisés sur cette question, création de lieux d’accueil temporaires dans des immeubles municipaux sans usage ou des friches, etc.) ;
- invite tou·te·s les candida·te·s – dont les têtes de liste – à s’engager sur une adhésion de leur commune à l’Association nationale des villes et territoires accueillant (ANVITA) en cas de victoire, sinon à titre individuel si elles et ils sont élu·e·s.
- réaffirme son attachement à l’accueil inconditionnel des personnes migrantes, au Logement d’Abord pour les sans-abris et exhorte le gouvernement à engager une réorientation de sa politique de répression à l’encontre de celles-ci, budgétairement coûteuse et indigne dans son caractère discriminatoire vers une politique rationnelle de l’accueil.
Contribution non soumise au vote
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ANNEXE
Référentiel programmatique en matière d’accueil inconditionnel
municipaliste des personnes migrantes
Dans la perspective des élections municipales 2020, ce Référentiel programmatique vise à mettre à disposition des rédacteur·rice·s des projets municipaux écologistes et plus largement des adhérent·e·s et sympathisant·e·s du mouvement de l’écologie politique, des propositions de mesures sur lesquelles elles et ils peuvent utilement s’engager. Il n’a pas vocation à se substituer aux projets municipaux locaux – subsidiarité oblige – ces projets répondant de fait à des problématiques et équilibres politiques locaux, qu’il convient de prendre en compte dans leur rédaction.
Toutefois, force est de constater que les positions d’Europe Écologie-Les Verts (EÉLV) aux élections européennes 2019, notamment sur ce volet de l’écologie sociale que constitue l’accueil des migrant·e·s, ont grandement participé à la dynamique de renforcement du parti et à ses résultats. De fait et par souci de cohérence, il s’efforce de proposer une série non exhaustive de mesures propres à assurer l’accueil inconditionnel à l’échelle d’une municipalité. Ce sujet est en effet technique et clivant, donc différenciant pour les écologistes. Certaines de ces propositions constituent des recommandations générales et ne peuvent être incluses telles quelles dans les projets. D’autres propositions en revanche peuvent être directement introduites dans les programmes, sous réserve d’adaptations à la situation locale.
Mesures générales d’accueil inconditionnel municipaliste des migrant·e·s
Proposition 1. Inscrire la politique municipale d’accueil inconditionnel dans une politique d’écologie sociale plus large mettant en avant l’inclusion de tout·e·s (par mesure de pédagogie et de légitimation politique de l’accueil inconditionnel)
Proposition 2. Mettre en avant des cercles vertueux budgétaires entre sobriété écologique et financement des mesures sociales d’accueil
Proposition 3. S’engager pour une occupation citoyenne des bâtiments vacants qui comprenne un volet accueil inconditionnel des personnes migrantes
Proposition 4. Faire adhérer sa commune à l’Associations nationale des villes et territoires accueillants (ANVITA) et adhérer à titre individuel
Accès aux premières nécessités dans l’urgence de la situation de rue
Proposition 5. Mettre à disposition sans délais, dans les situations de campement de rue, les infrastructures qui garantissent un accès aux premières nécessités (eau potable, sanitaires, distributions alimentaires, bennes à ordures, douches)
Proposition 6. Faciliter l’action des collectifs et associations y participant, notamment par la mise à disposition de locaux pour stocker le matériel et les denrées alimentaires proches des lieux de distribution afin de respecter en particulier la chaîne du froid et autres contraintes logistiques
Proposition 7. Créer des campements humanitaires aux normes de l’Organisation des Nations-Unies (ONU) sur des terrains appartenant à la commune (ou à défaut sur des terrains privés mis à disposition par des citoyen·ne·s solidaires) pour répondre dans un premier temps à l’urgence de la situation indigne des campements de rue
Accès à l’hébergement
Proposition 8. Mettre à disposition les mètres carrés vides appartenant à la commune aux structures d’hébergement
Proposition 9. Augmenter le budget nécessaire à un exercice effectif du droit de préemption sur les locaux restés vides, soutenir les squats
Proposition 10. Mettre en place des casiers pour que les SDF puissent déposer leurs effets, par exemple devant les mairies
Proposition 11. Prévoir un budget permettant un logement social diffus, notamment par le développement du viager solidaire et Louer Solidaire ou autre dispositif similaire à mettre en place
Proposition 12. Créer des places d’hébergement inconditionnel et accompagné, quel que soit le statut administratif dans des centres d’accueil dédiés
Accès à la santé
Proposition 1 Mettre en place des dépistages sur les campements pour les principales pathologies (gale, tuberculose…)
Proposition 2 Mettre à disposition des personnes des kits de contraception et santé sexuelle
Proposition 3 Soutenir les associations et les réseaux de prévention et de soins des personnes à la rue présentes sur le territoire local, y compris par le financement de traducteurs pour la prise en charge des migrant·e·s.
Proposition 4 Faciliter l’accès au droit en accompagnement les démarches d’obtention de l’aide médicale d’état ou de la Couverture médicale Universelle
Proposition 5 A travers les Conseil locaux de Santé Mentale ou les Projets de Territoires en Santé Mentale, Soutenir les programme « Un logement d’abord », soutenir les équipes de psychiatrie mobile, notamment à destination des migrant·e·s, afin de prendre en charge les traumatismes (violences, menaces, viols, décès de proches, …) vécus avant ou pendant la migration, ou le stress lié à la précarité de l’accueil en France.
Proposition 6 Développer des programmes spécifiques de prévention et de dépistages du VIH et des IST, notamment auprès des travailleurs et travailleuses du sexe. Soutenir les associations qui suivent les démarches des demandeur·se·s de droit à séjour pour soin.
Proposition 7 Favoriser le travail en réseau des CARRUDS (réduction des risques), des addictologues et des psychiatres pour la prise en charge des personnes consommatrices de drogues.
Proposition 8 Développer des programmes de soins vétérinaires pour les animaux des personnes à la rue, jumelé à un accueil médical pour les maîtres, particulièrement efficaces pour les jeunes en errance.
Accès aux droits et à la démocratie
Proposition 9 Faciliter l’action des associations œuvrant en matière d’accès aux droits, notamment par l’attribution de subventions ou a minima un soutien matériel, par exemple par la mise à disposition de locaux communaux
Proposition 10 Créer de véritables « conseils des cultures » sur le modèle de ce qui peut se faire dans d’autres municipalités à l’étranger
Proposition 11 Représenter les minorités en place éligible pour des listes inclusives
Accès à l’emploi et à la formation
Proposition 12 Mettre en place une aide à l’insertion professionnelle des demandeurs d’asile
Proposition 13 Faire de la formation un vecteur de l’accueil inconditionnel
- réserver des créneaux de cours municipaux et augmenter l’offre en ce qui concerne l’apprentissage de la langue française
- refuser l’augmentation des frais d’inscription pour les étudiant·e·s étranger·e·s
Mesures spécifiques aux personnes migrantes particulièrement vulnérables
Proposition 14 Prioriser les femmes et les mineur·e·s dans l’accès à l’hébergement d’urgence
• aux femmes migrantes
Proposition 15 Garantir le droit des femmes enceintes d’être hospitalisées pour leur accouchement et soutenir toutes les solutions permettant leur hébergement dans des centres d’accueil adéquats s
Proposition 16 Protéger les femmes en situation de campement en aménageant des sanitaires non-mixtes, en facilitant leur accès aux associations spécialisées, et en soutenant la formation spécifique à la prévention des violences sexuelles des associations intervenant dans les campements, afin de faciliter le repérage des situations de violences et l’orientation des femmes victimes.
• aux mineur·e·s
Proposition 17 S’assurer du suivi social des mineur·e·s par l’aide sociale à l’enfance (ASE) en concertation en concertation avec celle-ci et les associations concernées
Proposition 18 Veiller à la scolarisation de tou·te·s les mineur·e·s par tous les moyens
• aux victimes de traite des êtres humains (TEH)
Proposition 19 Consulter les associations spécialisées pour mettre en place un dispositif de signalement et d’accompagnement pour les victimes de traite des êtres humains
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du Conseil fédéral des 21 et 22 septembre 2019