Résumé
La situation en Ukraine, les ruptures géopolitiques, nos parlementaires membres de commissions Défense et les perspectives de gouvernance, rendent indispensable de renforcer nos définitions des politiques régaliennes.
La commission Défense souhaite d’y contribuer autour de 5 axes :
- Stratégie, Principes et Conditions d’utilisation des forces armées
- Format, organisation et formation des armées
- Base industrielle et technologique et contrôle des exportations
- Contrôle international des armements
- Adaptation de la défense à la crise bioclimatique
Exposé des motifs
La multiplication des agressions militaires et le retour de la guerre sur le continent européen, illustrent l’effondrement du cadre international de sécurité tel qu’il existe depuis 1945. La guerre d’agression que mène la Russie en Ukraine s’accompagne de stratégies de déstabilisation tandis que le continent européen fait face à la montée des extrêmes.
De nombreuses zones sont sous fortes tensions, la zone Indopacifique, le Moyen-Orient ou le Sahel. Nous assistons à la multiplication des recours à la force armée, aux menaces hybrides (désinformation, instrumentalisation électorale…) et à la remise en cause des fondements du droit international.
L’invasion russe et la résistance ukrainienne, ont entrainé des décisions encore inenvisageables il y a quelques années : augmentation des budgets militaires nationaux, envois coordonnés par l’Union européenne (UE) d’armes et d’équipements militaires à un pays en guerre, adhésion à l’OTAN de pays historiquement neutres. L’incertain résultat de l’élection américaine 2024, indique que l’Union européenne doit accélérer la construction d’une défense commune capable de répondre seule à des guerres d’agressions se déroulant sur son territoire. C’est à cette condition que l’Union Européenne sera capable de redéfinir les termes du partenariat transatlantique et de proposer une stratégie ambitieuse de désescalade à l’échelle globale.
Elle ne pourra atteindre cet objectif que si elle dispose d’une force militaire et civile de défense commune suffisamment dissuasive pour mettre un terme aux agressions russes, comme pour garantir son autonomie industrielle. L’Union Européenne pourrait seulement à cette condition favoriser la création d’une nouvelle architecture de sécurité collective qui repose sur la coopération multilatérale, la résolution pacifique des conflits et la défense civile.
Le rôle de la France et de son armée dans la construction d’une défense commune. L’UE ne possédant pas d’armée européenne, elle est strictement dépendante des capacités civiles et militaires des États membres. Or, le niveau d’ambition des missions de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC) a diminué au cours de la dernière décennie, alors même qu’elle offre un cadre pour identifier ces capacités, les coordonner et les utiliser de façon autonome. La guerre en Ukraine remet à l’agenda politique la question de l’investissement des États-Membres de l’UE et de ses citoyen·e·s dans leur défense et la sécurité collective à long terme.
Dans ce contexte, la France a une responsabilité historique. Elle dispose de la capacité nucléaire et d’une force militaire qui lui permet d’intervenir directement dans des conflits armés, ou indirectement par le transfert d’armes. Son industrie de défense la place régulièrement parmi les premiers exportateurs d’armes. Elle est aujourd’hui la première armée de l’Union européenne, par sa capacité à utiliser conjointement toutes les armées (air, mer, terre, espace, cyber).
Nous avons souvent critiqué le fondement des interventions militaires françaises, leurs dangereuses démultiplications, souvent au service de politiques mercantiles bafouant les valeurs de démocratie et les droits humains. C’est pourquoi, si le développement de ces capacités militaires est lié à leur commercialisation, Il est nécessaire de contrôler les exportations et de réfléchir à une réorientation de la production et des ventes vers nos alliés européens pour arrêter de s’appuyer sur la fourniture d’équipements à des pays qui violent le droit international.
Nous contribuerons à la définition des conditions permettant l’utilisation de ces forces pour servir les objectifs diplomatiques Européens et l’avènement d’une Paix comprise comme un équilibre durable entre l’humanité et la nature et empreinte d’une justice universelle.
La responsabilité des écologistes français
Nous, écologistes français, avons la responsabilité de définir les conditions politiques nécessaires pour éviter que les forces armées françaises ne servent un projet autoritaire ou nationaliste, aux antipodes des valeurs que nous défendons. Nous avons rappelé notre attachement à la construction d’une défense européenne commune (cf. motion adoptée en octobre 2023).
Nous, écologistes, avons aujourd’hui la responsabilité de démontrer que les forces armées françaises peuvent être employées en accord avec les principes de l’écologie politique, où le recours à la force armée n’est légitime qu’à la condition de répondre à plusieurs critères qui doivent être décidés démocratiquement, avec les parlementaires et les citoyen·ne·s, comme la légitime défense, la proportionnalité et aux termes de tous les recours diplomatiques de recherche de la paix.
Nous, écologistes, avons la responsabilité de faire de la défense française un modèle de Transition vers les énergies renouvelable, d’adoption de pratiques durables et de protection des écosystèmes sensibles, tant dans son action que dans sa réflexion post-conflit.
Motion
Le Conseil Fédéral des Écologistes, décide la création d’une commission « Défense »
Son objectif sera de définir une politique de défense et de sécurité humaine fondée sur les principes de l’écologie politique à l’heure de la crise bioclimatique.
La Commission Défense travaillera avec les commissions Europe, Transnationale, Mer et Littoral, P&D et Sécurité pour aborder les questions qui n’y sont pas traitées actuellement, en commençant par ces premiers axes :
- Stratégique : La stratégie, les principes et les conditions d’emploi des forces armées. En charge, quels seraient les critères de décision pour engager les forces françaises dans un conflit ? Quel rôle pour l’Union européenne et pour nos partenaires européens ? Quelles relations avec l’OTAN ? Quels rôles dans les opérations onusiennes ?
- Démocratique. Comment associer et former la société civile aux réflexions, aux décisions ? Comment renforcer le parlement dans la conduite de la guerre ? Quelle défense dans une VIème République ? Comment créer un contre-pouvoir à l’institution militaire et renforcer les droits des personnels et porter nos fondamentaux au sein des armées (féminisation/lutte VSS/LGBTQI+/liberté syndicale…) ?
- Militaire. La composition, le format et l’organisation des forces. Au gouvernement, quelles seraient les grandes orientations d’une loi de programmation militaire présentée par un·e ministre de la Défense écologiste ? Comment adapter l’outil militaire aux nouvelles menaces et aux nouvelles conflictualités (désinformation, guerre économique, cyberattaque, IA, géo-ingénierie et bio-ingénierie militaire…) ?
- Industriel. Quelle serait notre politique industrielle de défense, quelle base industrielle et technologique et avec quel contrôle pour la production de l’armement, des profits des entreprises, des exportations ? Quels accords de défense ? Comment penser une politique européenne crédible et finançable pour maintenir les savoir-faire et les capacités industrielles requises pour garantir la protection des peuples ?
- Non-prolifération. Quelles sont les stratégies de désescalade et les critères pour demander un cessez-le-feu et obtenir une paix juste ? Comment refonder un cadre de négociation pour faire progresser le désarmement ? Quels armements doivent faire l’objet d’une interdiction internationale ? Comment intégrer l’objectif de désarmement nucléaire dans une stratégie globale de désescalade ?
- Écologie. Comment développer une expertise sur des thématiques émergentes comme la sécurité environnementale, la lutte contre l’extinction de masse des espèces, les risques stratégiques (hausse de la conflictualité, approvisionnement stratégique, déminage…) liée à la transgression des limites planétaires ? Comment ces forces armées peuvent-elles intégrer la lutte contre le réchauffement climatique ?
Pour, beaucoup ; contre : 6 ; blancs : 3
Retour sur les motions adoptées par le Conseil fédéral d’Europe Écologie Les Verts
des 13 et 14 avril 2024
Synthèse des positions antérieures du parti
– Intervention de la présidente du groupe parlementaire Les écologistes à l’Assemblée nationale, membre de la Commission Défense, Cyrielle Chatelain : mars 2024, Déclaration du Gouvernement relative au débat sur l’accord de sécurité franco-ukrainien et la situation en Ukraine.
-« La paix est le vœu le plus précieux pour 2024 », discours de Marine Tondelier au Mont-Valèrien : https://lesecologistes.fr/posts/7GRXrvmdzLRMWA1kEEXyOz/la-paix-est-le-voeux-le-plus-precieux-pour-2024
– Intervention de la présidente du groupe parlementaire Les écologistes à l’Assemblée nationale, membre de la Commission Défense, Cyrielle Chatelain : Mai 2023 Examen de la Loi de Programmation Militaire (LPM) 2025_2030.
– En séance : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/videos/CRVANR5L16S2023IDV13438884?timeCode=10422.79&depute=PA794008
– En commission : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/deputes/PA794008
– En séance, 2h48’50 » : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/videos/CRVANR5L16S2023IDV13310170?timeCode=0&depute=PA794008
– Pour une politique européenne de sécurité et de défense à la hauteur des enjeux contemporains, 3 octobre 2022, motion du CF : https://cf.eelv.fr/motion-g-europe-surete-defense-cf2022100102/
– Livre vert de la défense, coordonné par Leila Aïchi en 2013 :
– Au Sahel, l’impasse de la stratégie militaire française, le retrait des forces militaires françaises s’impose, Juillet 2020, motion du CF
– Pour une politique européenne de contrôle strict du commerce des armes, pour que la France cesse de vendre des armes aux pires régimes de la planète, 11 janvier 2016, motion du CF
– Pour un engagement des candidat·e·s au désarmement nucléaire de la France, 11 mars 2017, motion du CF