Adoptée par le Conseil fédéral d’Europe Écologie Les Verts des 21 et 22 novembre 2020
Exposé des motifs
Pour une Sécurité sociale de l’alimentation : garantir le droit à une alimentation de qualité et soutenir un modèle d’agriculture paysanne plus juste
Des politiques alimentaires incapables de répondre à un besoin pourtant vital, celui de se nourrir : 8,8 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté et près de 5 millions de personnes ont aujourd’hui, en France, recours à l’aide alimentaire. Un·e Français·e sur quatre restreint son alimentation pour des raisons économiques et un·e sur sept n’a pas les moyens de manger trois repas par jour (Baromètre IPSOS, 2020). Par ailleurs, Le gaspillage peut atteindre 30 % de la production alimentaire mondiale : le problème ne tient pas tant dans la capacité de production que dans la demande et l’accès à une alimentation de qualité. Avec la crise sanitaire du Covid-19, nous avons vu des chaînes de la faim apparaître et un million de Françaises et de Français supplémentaires ont basculé dans la pauvreté.
À cette insécurité alimentaire s’ajoutent des niveaux de prix de production toujours plus bas, qui ne permettent pas aux agriculteur·trices de vivre dignement. Aujourd’hui, 22 % des agriculteur·rice·s vivent sous le seuil de pauvreté et la majorité des foyers agricoles (sur)vit grâce aux aides économiques de l’Etat et de l’Union Européenne (INSEE, 2017). Notre système alimentaire, qui n’a jamais été aussi productif, ne permet donc pas de nourrir dignement les populations – et notamment les personnes défavorisées – ni de rémunérer le travail des agriculteurs·trices de façon juste.
Un modèle agro-industriel destructeur
Le modèle de société productiviste a conduit à industrialiser la production alimentaire, à appliquer les seules règles du libre-échange à l’agriculture et à notre modèle alimentaire. Les politiques de modernisation agricole ont rendu les agriculteurs·trices dépendant·e·s des aides d’une politique agricole commune (PAC) qui n’a jamais répondu aux urgences climatiques, environnementales et sociales, encourage la surexploitation des sols et l’utilisation de pesticides à haute toxicité.
L’utilisation des pesticides est aussi un levier de compression des coûts de production et c’est pourquoi il est aussi difficile de les faire interdire. Le retrait d’un produit à l’échelle nationale crée une distorsion de concurrence à l’échelle UE : cette distorsion de concurrence devenant aussi une distorsion de concurrence sociale. Interdire un pesticide sans mesure de protection sociale, revient alors à entraîner la délocalisation de certaines filières.
Le modèle agricole dominant n’assure plus ses missions : nourrir convenablement les populations (augmentation des maladies cardiovasculaires, obésité, diabètes et cancers liés à une alimentation de mauvaise qualité), maintenir des écosystèmes vivants qui protègent la biodiversité et garantir une rémunération juste.
Les problèmes d’accessibilité à une alimentation de qualité sont à la fois logistiques, géographiques, budgétaires et culturels. La demande en produits de qualité est structurée sociologiquement mais développer l’offre ne suffit pas à garantir un accès universel à une alimentation saine à un prix juste et abordable.
Le droit à l’alimentation est un droit humain universel, reconnu pour la première fois au niveau international dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948. Pour permettre l’accès à la nourriture pour les populations les plus démunies, les politiques publiques répondent par l’aide alimentaire et non par de vraies politiques agricoles et alimentaires. Il est urgent de redéfinir les bases d’une véritable démocratie alimentaire, qui permette le droit à l’alimentation saine pour les populations, d’une part, et une protection pour les paysan.nes sur les territoires, d’autre part.
L’aide alimentaire est devenue une variable d’ajustement d’un modèle agricole où les systèmes de production ne sont pas remis en question. Les dérives de l’aide alimentaire, devenue un marché économique en soi – notamment au travers de la loi Garot de 2016, relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire – s’accompagnent d’une défiscalisation qui encourage à produire toujours plus, sans avoir à se soucier de réduire le gaspillage alimentaire.
Pour un modèle agro-écologique plus juste : démocratie et sécurité sociale alimentaire
Il est urgent de créer les moyens d’une démocratie alimentaire qui permette une alimentation choisie, de qualité, en quantité suffisante et accessible à toute la population quelle que soit ses revenus. Pour ce faire, la sécurité sociale en matière de santé, qui garantit a minima un droit universel à la santé, peut servir de source d’inspiration. Ainsi, notre pays pourrait utilement se doter d’institutions à même de garantir un droit effectif à l’alimentation, sur le modèle de celles qui ont favorisé l’application du droit à la santé depuis 1945.
À l’heure actuelle, un collectif composé de plusieurs organisations syndicales et issues de la société civile (notamment la Confédération paysanne, Les Amis de la confédération paysanne, Ingénieurs Sans Frontières, AgriSTA) oriente ses réflexions autour de trois piliers pour une Sécurité sociale de l’alimentation. Le premier, c’est le caractère universel : donner à tout le monde le droit et les moyens d’accéder à une alimentation choisie. Le deuxième pilier, c’est le financement par une cotisation, qui alimente le budget des caisses de sécurité sociale de l’alimentation, de façon indépendante de l’État. Ce budget permet une allocation de 150 euros versée par mois et par personne. Le troisième pilier, c’est le conventionnement. Des caisses gérées démocratiquement et localement (à l’échelle d’un territoire), décident des produits accessibles avec l’allocation versée.
Selon ce collectif, il serait nécessaire de transformer les conditions de travail des paysan·ne·s avec deux statuts envisagés : celui de producteur·rice indépendant·e qui respecte les principes du commerce équitable (prix rémunérateur, contrats prix/volumes garantis pluriannuels) ou salarié·e·s des caisses investissant dans des sites de production en collectif. Ces nouveaux statuts pourraient permettre l’installation de nouveaux·elle·s paysan·ne·s, suivant des carrières mixtes et ne souhaitant pas perdre leurs droits de salarié·e·s. Définir des nouveaux statuts permettrait de traiter la problématique du surendettement paysan pour acheter les terres, les machines, les bâtiments, etc.
Enfin, il convient bien évidemment de s’interroger sur les conditionnalités environnementales du conventionnement, en le fléchant vers des produits issus d’une agriculture paysanne, bio et locale. À l’instar du Territoire zéro chômeur, cette sécurité sociale de l’alimentation pourrait dans un premier temps être expérimentée à l’échelle d’un territoire comme la région.
Création d’un groupe de travail “sécurité sociale de l’alimentation”
Dans cette optique, nous devons pouvoir disposer d’un outil de réflexion, d’échange et de co-construction au sein de notre mouvement qui doit se traduire concrètement par la mise en place d’un groupe de travail « Sécurité sociale de l’alimentation. »
Ses objectifs :
– renforcer les échanges entre EÉLV et les différentes organisations actrices de la société civile dans ce domaine ;
– travailler en transversalité et améliorer la communication interne et externe en direction
– des agriculteur·trices et des mangeur·se·s, notamment via les nouveaux outils de communication ;
– fournir ensemble des éléments d’analyse et des propositions d’orientation ou d’action sur les politiques menées en faveur de l’agroécologie et du droit à l’alimentation saine ;
– soutenir et relayer les mobilisations en la matière ;
– développer la formation en interne pour accompagner l’appropriation des enjeux ;
– organiser des événements pour confronter nos analyses et alimenter le débat.
Motion
Aussi, le conseil fédéral d’EÉLV décide :
· qu’un groupe de travail commun intitulé « Sécurité sociale de l’alimentation » soit créé au sein du parti EÉLV ;
· que les commissions thématiques concernées soient chargées des modalités de
· mise en place de ce groupe de travail notamment concernant sa composition et sa temporalité avec un rapport d’étape au Conseil fédéral d’ici 6 mois ;
· que ce groupe de travail ait pour tâche d’auditionner les différent·e·s acteur·rice·s sur ces questions ;
· que ce groupe de travail ait pour objet de mutualiser les retours d’expériences, de
· formuler des propositions, de les diffuser au sein du parti (EÉLV) ;
· que ce dernier travaille de manière transversale avec tous les organes du parti EÉLV, fasse appel à l’expertise aussi bien interne qu’externe au parti et ce, dans un esprit de co-élaboration.
Pour : 109 ; blancs : 3 ; nppv : 1
Unanimité moins 2 contre
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