Exposé des motifs

La très attendue révision du règlement Reach ( Registration, Evaluation, Authorization and Restriction of Chemicals ), présentée en avril dernier, pilier de la stratégie zéro pollution du Green Deal européen, a été reportée au 4ème trimestre 2023, compromettant son adoption sous la législature d « Ursula von der Leyen. Ce, sous l’influence déterminante de Bayer et BASF (groupe chimique allemand et plus grand groupe chimique au monde), dont le lobbying a été relayé par le commissaire au marché intérieur et à l’industrie, Thierry Breton.

Si Reach s’applique avant tout à l’industrie chimique, il concerne toutes les entreprises (manufacturières, artisanales…) qui fabriquent, utilisent ou importent ces substances dans une quantité supérieure à une tonne par an. Cependant, seuls 5 % des dossiers sont contrôlés par l’ECHA, l’Agence européenne des produits chimiques créés en 2007 et supportent la règle « pas de donnée, pas de marché » – dont nous ne pouvons que constater l’inefficacité liée à la procédure d’enregistrement automatique.

L’objectif de la révision Reach était de « remplacer les substances chimiques les plus nocives par des alternatives plus sûres et plus durables et [de] renforcer la protection de la santé humaine et de l’environnement par une approche plus large de l’évaluation des risques et la prise en compte de l’exposition multiples aux substances chimiques ».Cet objectif révolutionnaire a depuis été effacé du projet de texte, sous prétexte de guerre en Ukraine. Au report s’est ajoutée la dégradation de l’ambition : plutôt qu’une pleine révision politique ambitieuse, la Commission préfère désormais le « REFIT » (programme pour une réglementation affûtée et performante) dont l’objectif est moins la santé publique que la « simplification » du droit de l’Union Européenne. Avec ce rapport, c’est le lobby de l’industrie chimique qui a gagné, en parvenant à remplacer l’ambition politique et des objectifs de prévention en faveur de la santé publique par des objectifs de simplification des procédures et de renforcement de la compétitivité des entreprises. Autre recul : c’est également l’interdiction de l’exportation de produits phytosanitaires dangereux (dont l’utilisation est interdite dans l’Union Européenne mais pas la fabrication), qui a disparu de ce nouveau texte.

Les facteurs environnementaux tels que l’alimentation, le mode de vie, l’environnement physique, biologique, chimique, psychique, social et médical jouent un rôle majeur dans l’apparition, le développement et l’aggravation des maladies chroniques. En à peine un siècle, les causes dominantes de mortalité en France ont radicalement changé, passant des maladies infectieuses aux maladies chroniques : les chercheurs compétents désignent ce changement majeur par le terme de « transition épidémiologique » et mettent principalement en cause l’environnement. L’Union européenne dénombre près de 800 perturbateurs endocriniens qui ont des effets aussi bien sur la santé d’un individu que sur celle de sa descendance.

Destiné à encadrer la fabrication et l’utilisation des substances chimiques dans l’industrie européenne afin de mieux protéger la santé humaine, si Reach présente un bilan positif, il reste fortement insuffisant. En août 2018, une enquête de l’Institut fédéral allemand de l’évaluation des risques (Bfr) et de l’Agence allemande de l’environnement (UBA) avait révélé que seulement 31% des produits chimiques fabriqués ou importés en Europe étaient conformes au règlement Reach. Selon l’étude de l’Institut, les données sont jugées particulièrement défaillantes concernant les risques écotoxicologiques (61 % de non-conformité), mutagènes (40 %) et reprotoxiques (34 %).

Ces résultats ont démontré que certains industriels violent les lois européennes en commercialisant des centaines de substances chimiques potentiellement dangereuses et largement diffusées dans les produits de grande consommation.

Phtalate, bisphénol A, Chrome VI, HAP (hydrocarbure aromatique polycyclique), ou encore le DEHP, un phtalate toxique pour la reproduction identifié comme substance « extrêmement préoccupante » en 2009… : ces substances peuvent être cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques et avoir des effets perturbateurs endocriniens. Elles sont pourtant omniprésentes dans le quotidien des habitant·e·s, dans l’eau, l’air, la terre, notre environnement et les biens de consommation : vêtements, meubles, jouets, peintures, cosmétiques, emballages alimentaires…

Notre responsabilité d’écologiste est de défendre leur santé et de faire valoir le droit à un environnement sain, désormais reconnue comme une liberté fondamentale par le Conseil d’État.

Motion

Le Conseil fédéral dénonce l’opacité de cette décision unilatérale portée par le Commissaire européen au Marché Intérieur, qui contrevient au droit de nos concitoyens à un environnement sain.

Nous nous adressons à la Commission Européenne pour affirmer la santé environnementale et le droit à la santé comme des invariants de toute réglementation et demander :

  • L’examen, dès avril 2023, de la révision du règlement Reach,
  • La fin immédiate de la procédure d’enregistrement automatique et le renforcement des moyens de l’ECHA, afin de contrôler l’ensemble des substances fabriquées et utilisées par les industriels sur le territoire européen, et de s’assurer de la bonne application de la directive Reach par chacun des Etats membres,
  • La fin des dérogations accordées aux substances identifiées comme préoccupantes, ainsi que les PFAS (substances per- et polyfluoroalkylées).
  • La prise en compte des nanomatériaux et des perturbateurs endocriniens dans l’ensemble des règlements européens, dont Reach et les traités commerciaux en application sur le territoire européen.
  • La promotion réelle dans la révision du règlement REACH des tests alternatifs (non-animaux) réglementaires tant pour des questions scientifiques (validité, rapidité des tests) que pour des raisons éthiques en conformité avec la résolution du Parlement européen du 16 septembre 2021 sur les plans et mesures visant à accélérer le passage à une innovation sans recours aux animaux dans la recherche, les essais réglementaires et l’enseignement (2021 / 2784(RSP)

Nous soutenons les préconisations du Conseil Économique, Social et Environnemental de 2020 sur l’application de REACH sur le territoire français quant :

· à l’actualisation et au développement des règles de contrôle en s’inspirant des meilleures pratiques européennes,

· au soutien à la recherche et au développement pour lever les incertitudes quant à l’efficacité des molécules et pour développer des alternatives notamment non animales,

· au suivi de l’exécution du plan d’action de l’ECHA en veillant à ce que les moyens nécessaires soient mobilisés sur le territoire français,

· à l’affichage environnemental des produits qui intègre l’information sur les substances dangereuses,

Unanimité pour


Retour sur les motions adoptées par le Conseil fédéral d’Europe Écologie Les Verts des 4 et 5 février 2023