Adoptée par le Conseil fédéral d’Europe Écologie Les Verts des 19 et 20 septembre 2020
Exposé des motifs
En septembre 2017, le conseil fédéral adoptait une motion pour lancer les assises de l’écologie et des solidarités. Un comité d’initiative composée de 18 personnes d’EELV, représentant toutes les sensibilités, se mettait au travail et lançait en mars 2018 l’invitation à une soirée de lancement des assises. Cette invitation commençait ainsi : Le paysage politique se recompose, partout dans le monde, entre les forces qui souhaitent maintenir un système prédateur et destructeur et celles qui souhaitent construire sur l’ensemble des territoires une alternative de transition écologique et solidaire. En France, ces forces sont dispersées et protéiformes. Notre volonté est de les faire dialoguer et de les rassembler pour porter, ensemble, un projet politique dans une société de post-croissance. La conclusion de ces débats, appelés « Demain, l’écologie ! » doit permettre de construire une force politique à la mesure de notre ambition. D’avril 2018 à décembre 2018, de nombreuses réunions d’échanges, au niveau national et dans différentes régions se sont tenues, permettant aux militant.e.s engagé.e.s dans ces différentes organisations de mieux se connaitre et de réfléchir ensemble sur de nombreux sujets programmatiques ayant tous pour toile de fond la post-croissance. En juin 2019, après la séquence des européennes pendant laquelle nous étions convenu.e.s de mettre le processus en sommeil, un séminaire réunissant les partenaires des assises concluait sur la pertinence de faire évoluer ce collectif des assises en « archipel de l’écologie et des solidarités ».
Le 30 novembre, le congrès d’EELV adoptait une motion d’orientation qui stipule notamment : Une véritable transition écologique et sociale ne se fera pas contre la société ou à partir des seules institutions. Il est fondamental d’agir avec l’ensemble des acteurs du mouvement social qui, hors des postures partisanes, défendent les valeurs de l’écologie et de la justice sociale. Pour cela, prolongeant les Assises de l’écologie politique et des solidarités, nous soutiendrons la construction d’un archipel de l’écologie, pour rassembler dans un réseau collaboratif l’ensemble des organisations et mouvements qui agissent pour la justice sociale et environnementale et la post croissance. La coopérative EELV devra y trouver pleinement sa place. Le comité d’animation des assises s’est alors attelé à la tâche et envisageait la création de l’archipel fin mars. Le confinement en a décidé autrement. Non seulement il nous a amené à décaler la création, mais aussi, il a enrichi et bousculé notre démarche du fait de la prise de conscience qu’à entrainer la crise du coronavirus, et des différents rassemblements qui en ont émergé. Tant et si bien que nous avons organisé le 22 avril, une réunion réunissant des representant.e.s de 11 de ces rassemblements ainsi qu’une quinzaine representant.e.s d’organisations associatives et politiques. A l’issu de cette rencontre, il a été acté de créer cet archipel ; l’ensemble des rassemblements et organisations (ainsi que d’autres non présentes), étant invité à y adhérer et participer à sa fondation.
L’adhésion à l’archipel passe par la signature de la « charte » ; elle se fait en connaissance de cause des « règles de gouvernance » proposées ; ces règles pouvant bien sûr être enrichies et modifiées par l’assemblée du lagon.
Vous trouverez ci-après mis bout à bout ces deux textes. C’est un peu long mais leur lecture est nécessaire avant de passer à la proposition de décision du conseil fédéral
Projet de charte pour l’Archipel
de l’écologie et des solidarités
1) Préambule
Les défis : en ce début du XXIème siècle, un effondrement de notre civilisation thermo-industrielle est dans le domaine du possible : inaction face à la menace climatique, autodestruction par épuisement des ressources et de la biodiversité, menaces sur les grands biens communs de l’humanité (l’eau, l’air, les terres, les mers…), conflits guerriers incontrôlés, catastrophe nucléaire, …etc. La montée des inégalités (territoriales, sociales et économiques), stigmatisations et discriminations, crise du vivre ensemble… nous assistons un peu partout dans le monde à une accélération inquiétante de replis identitaires et de logiques autoritaires, au développement d’idéologies mortifères, allant de l’idolâtrie financière à la xénophobie et à l’intégrisme religieux. Une nouvelle crise financière, encore plus dévastatrice que celle de 2008, menace. Nous devons dès à présent faire face à cinq crises majeures : crise économique, crise sociale, crise politique, crise environnementale, mais aussi crise du sens et de la reconnaissance, auxquelles la compétition et le productivisme marchand ne peuvent répondre.
Les réponses actuelles : les gouvernements se montrent trop souvent impuissants ou complices face à ces dysfonctionnements inacceptables, entraînant un tout petit nombre vers l’accumulation des biens matériels et des pouvoirs, alors qu’il faudrait valoriser la sobriété des comportements et le partage équitable des ressources. Ces enjeux vitaux auxquels l’humanité est désormais confrontée rendent dérisoire l’approche dominante du Politique qui se réduit pour l’essentiel a une compétition électorale. Il n’est plus acceptable, tant les enjeux sont lourds, de réduire la démocratie à des compétitions électorales intermittentes et emprisonnées dans une logique de court terme et d’affrontement simplificateur. Dans les cas les plus graves cette forme peut même, comme on le voit au Brésil, aux États Unis, en Inde et dans plusieurs pays européens, faciliter l’élection de personnes surfant sur les peurs et proposant des politiques tournant le dos à la responsabilité écologique, la justice sociale et l’approfondissement des droits humains.
La nécessité démocratique : les autres fonctions du Politique, (la construction des conditions du vivre ensemble en Paix et la préparation de l’avenir) doivent être revalorisées et la nature du «Temps électoral» modifié en conséquence. Il faut un imaginaire démocratique capable de construire un Récit en acte autour de politiques de résilience des territoires face aux crises, bouleversements, voire effondrements majeurs susceptibles de se produire (et qui ont déjà commencé) au cours de la prochaine décennie. Les périodes électorales doivent être des périodes à haut niveau de participation, permettant la délibération et la construction de stratégies collectives en réponse aux défis actuels sans se réduire à la forme actuelle, purement délégative et très peu représentative, réduite à la compétition narcissique de leaders sans pouvoir de création au service d’un bien commun. C’est pourquoi nous avons besoin d’une mutation profonde de nos démocraties car la forme actuelle principalement compétitive, électorale et quantitative ne permet pas d’affronter les défis écologiques et sociaux considérables auxquels sont confrontés nos sociétés. En cette période d’urgences et de défis majeurs, il est impératif que les organisations et les personnalités se reconnaissant dans l’écologie et les solidarités, au-delà des appels au rassemblement, adoptent une méthode leur permettant d’œuvrer ensemble. En proposer une est l’objectif de l’Archipel de l’écologie et des solidarités.
2) Valeurs et principes communs
Pour fonder l’Archipel de l ‘écologie et des solidarités, il est essentiel que les organisations qui sont déjà impliquées dans ce processus, ou qui souhaitent le rejoindre, se rassemblent autour d’un socle de principes et de valeurs communes. Ce socle est une référence collective à promouvoir ensemble. Il sera complété par les grandes lignes de la gouvernance envisagée pour cet Archipel. La vision politique se doit d’être précise quant aux objectifs et orientations générales, mais suffisamment large sur les chemins pour y parvenir, afin de rassembler les acteurs des principales organisations de transformation sociale, écologique et démocratique.
Nos valeurs communes : toutes organisations politiques (partis, mouvements, coopératives), et non politiques (associations, ONG, syndicats,…), qui, jour après jour, résistent à la destruction de notre écosystème, à la montée des inégalités, à l’affaiblissement de notre démocratie et qui œuvrent à la constitution d’une société fondée sur la coopération, la solidarité et la perspective du bien vivre, sont animées par des valeurs communes : Sobriété, Justice, Solidarité, Émancipation, Créativité.
Elles peuvent se décliner en partage et équité, responsabilité et coopération, solidarité et dignité, respect et diversité, résistance et expérimentations, lucidité et sobriété, justice et paix, créativité et volonté. Ces valeurs sont portées par des projets qui permettent de rappeler ce qui nous rassemble et qui est déterminant pour notre avenir. Elles permettent de redonner du sens et du contenu à la devise de la République française : Liberté, Égalité, Fraternité. Elles exigent de résister aux dérives d’un système insoutenable et inégalitaire, d’imaginer des sociétés justes et solidaires et d’expérimenter de nouvelles activités et des pratiques innovantes qui préfigurent le vivre ensemble, le bien vivre de demain.
Nos cinq grands principes :
Le principe de commune naturalité : nous, humains, ne sommes pas extérieurs à la nature, nous en faisons partie. Humains, espèces vivantes et environnement, nous sommes tous en interdépendance. Nous avons donc la responsabilité de prendre soin de la nature dans son ensemble. C’est un principe d’écologie.
Le principe de commune humanité : interdit toutes les formes d’exclusion et de stigmatisation fondées sur les différences de couleur de peau, de nationalité, de religion ou de richesse, de sexe ou d’orientation sexuelle. C’est un principe d’égalité. ·
Le principe de commune socialité : considère tous les êtres humains comme des êtres sociaux pour qui la plus grande richesse est celle des rapports qu’ils établissent entre eux. C’est un principe de fraternité. ·
Le principe de légitime individuation, ou encore d’accomplissement personnel : permet à chacun d’affirmer au mieux son individualité singulière, en développant sa puissance d’être et d’agir sans nuire à celle des autres. C’est un principe de liberté.
Le principe d’opposition maîtrisée et constructive affirme que l’objectif politique premier est de permettre aux êtres humains de vivre ensemble, de coopérer mais aussi d’être en désaccord et de se donner sans se sacrifier. C’est un principe républicain.
Tous les totalitarismes, les dictatures et les oligarchies, y compris celles de la finance, se sont opposés et s’opposent encore à ces cinq grands principes. Nous voulons contribuer à la construction d’une société qui ne soit pas aliénée à la croissance matérielle. L’émancipation individuelle et collective ne peut et ne doit plus reposer sur la démesure du PIB, de la richesse et du pouvoir, mais sur d’autres sources d’inspiration : engagement au service du bien commun, respect de la dignité de la personne, émancipation des femmes et de tous les êtres humains discriminés, volonté de coopération, sobriété volontaire, respect de la nature. Nous voulons passer du pouvoir de domination au pouvoir de création.
Ces principes, s’inspirant de ceux du Mouvement Convivialiste, se déclinent dans cette charte en huit résolutions pour construire ensemble une société alternative qui soit fondée sur :
• · La rupture avec le modèle productiviste, et extractiviste et , par une régulation de la finance et une redistribution sociale
• · La décroissance sélective et une décarbonations de l’économie en rupture avec le consumérisme, en faveur de la convivialité et du bien vivre
• · L’appropriation collective des biens communs
• · La promotion de l’économie du partage et de l’usage
• · La protection du Vivant et des équilibres naturels
• · La réduction du temps de travail et la valorisation du temps libre
• · La transition énergétique et un bouclier de services dans les territoires
La mutation vers une société du bien vivre est au cœur du projet de l’Archipel de l’écologie et des solidarités. Cette Grande Transition écologique, sociale et démocratique doit intégrer aussi des perspectives de résilience face à des risques réels d’effondrements. Sans avoir recours au militantisme sacrificiel, cette transformation sociale suppose également une transformation personnelle dans nos pratiques militantes.
Conclusion
Nous sommes aujourd’hui nombreux mais dispersés. Tisser des liens au sein des organisations politiques et des organisations de transformation écologique et sociale est aujourd’hui impératif. C’est dans les connexions entre ces organisations que résident notre principale source d’espoir. Même s’il le désirait sincèrement, aucun gouvernement élu dans le monde ne disposerait aujourd’hui du pouvoir d’appliquer scrupuleusement les valeurs que nous défendons. Il se heurterait à l’oligarchie des détenteurs actuels des pouvoirs politiques, administratifs et économiques. Le changement doit donc être porté par un très fort soulèvement citoyen, relayé et accompagné par les organisations politiques, aux échelles mondiales et nationales, comme au niveau des territoires.
Éléments de gouvernance
En général
Cette proposition d’Archipel correspond à un nouveau paradigme d’organisation et de gouvernance qui s’inspire des écrivains du métissage vivant la réalité des archipels, en particulier du poète antillais Édouard Glissant. Dans les Caraïbes, chaque île a sa culture propre, tout en s’insérant dans le périmètre plus large d’un Archipel. Elle entraîne un autre rapport au pouvoir, fondé sur la coopération et non sur la compétition. Cette méthode de fonctionnement « archipélique » permet aux iles (partis, mouvements, associations, syndicats…) qui feront parties de l’Archipel de l’écologie et des solidarités de conserver leur identité, leur structure et leur autonomie, de respecter leur histoire et leur mode d’organisation, mais dans une optique d’élaboration de réflexions et d’actions communes. C’est, dans le langage de l’Archipel, ce que l’on appelle les identités-racine et les identités-relation. L’objectif de cet Archipel n’est pas de construire ni d’imposer une méta-structure, mais de favoriser des rencontres et des synergies entre des organisations et des personnes ayant défini un même commun dont personne n’est propriétaire, avec une vision et des valeurs partagées et formalisées dans une Charte.
Cet Archipel n’est pas une fédération ou un simple collectif d’organisations, aucune ne pouvant prétendre fédérer les autres ou avoir le leadership. C’est un centre vide de pouvoir de domination sur les organisations qui la composent, mais un lieu vivant de transformation sociale, collective et personnelle impliquant un changement du rapport au pouvoir et l’application de l’intelligence collective pour un bien vivre en acte. Certains projets ou actions peuvent être portés par l’ensemble des organisations partenaires de l ‘Archipel, mais celles qui souhaitent coopérer entre elles pour mener certaines réflexions ou actions avec des objectifs clairs et planifiés, construisent une pirogue, c’est à dire un groupe projet. Ce groupe, dont l’existence doit être validée par les membres de l’Archipel, décide de son mode de gouvernance et de ses participants en fonction de son objectif, mais celui-ci doit inclure a minima la bienveillance et la non-compétition entre les membres, ainsi que le principe de décision par consentement.
En particulier :
Propositions de l’équipe d’animation provisoire, à débattre lors de la première assemblée générale de l’Archipel
La future structure opérationnelle de l’Archipel sera composée :
– d’une assemblée générale dite Assemblée du lagon, où se retrouveront toutes les organisations partenaires de l’archipel représentées par deux personnes titulaires et deux suppléant.e.s, à parité de genre et à égalité de pouvoir quel que soit leur nombre d’adhérents.
Les décisions se prendront par consentement ou par défaut par vote à la majorité des deux tiers. –
– de Compagnons de l’Archipel, soit de personnes présentes à titre individuel, pouvant appartenir à des organisations sans les représenter ou les engager officiellement.
– d’une équipe d’animation opérationnelle, dite Le voilier atelier pour faire vivre l’Archipel. Ces personnes, bénévoles, sont choisies par l’Assemblée du lagon, après un appel à candidature à toutes les organisations partenaires de l’Archipel, (le mode de désignation sera défini : tirage au sort, élection sans candidat, équipe provisoire…)
– Règles d’appartenance :
-Pour intégrer l’Archipel, la signature de la Charte par l’instance décisionnaire d’une organisation est nécessaire, celle d’un représentant n’est pas suffisante, sauf s’il s’agit d’un compagnon.
– Les règles de gouvernance de l’Archipel sont fournies à l’organisation, et peuvent être modifiées une fois par an par l’assemblée du Lagon.
– Le versement d’une cotisation annuelle est demandée pour faire partie de l’Archipel. Le montant de cette cotisation sera décidé par l’Assemblée du lagon.
Élargissement de l’archipel
-Toute organisation ou compagnon membre de l’archipel a la possibilité de proposer l’adhésion à l’Archipel à d’autres organisations ou compagnons.
– L’assemblée du Lagon est décisionnaire pour décider d’accepter ou non une demande d’adhésion.
Le financement de l’archipel
L’Assemblée du Lagon décide des modalités de ce financement une fois par an à l’automne pour l’année suivante.
Pour le démarrage, une cagnotte électronique et une cotisation 2020 à prix libre sera mise en place.
N’importe quel membre de l’Assemblée du Lagon peut proposer une dépense à cette assemblée
– la gestion financière de l’archipel doit être de la responsabilité d’une personne ayant la confiance totale de l’Assemblée du Lagon. Elle peut être sous traitée à un organisme tiers reconnu, ou bien traitée par une association créée au nom de l’Archipel, avec a minima un président , un secrétaire et un trésorier.
Représentation des organisations partenaires à l’Assemblée du Lagon
– Quatre représentants maximum par organisation, deux titulaires et deux suppléants, avec seulement deux droits de vote au cas où le consensus ne serait pas obtenu.
– Prises de décision : recherche d’un consentement (personne ne s’oppose) sur une durée limitée dépendant de l’urgence à prendre la décision. Si une personne s’oppose à une décision, elle doit obligatoirement faire une contre-proposition argumentée, qui peut être acceptée par tous, ou pas. Lorsque la durée limite est atteinte, l’Assemblée du Lagon vote par Internet, sur une ou plusieurs propositions. Pour être acceptée, la majorité des 2/3 est requise avec un quorum de la moitié des organisations partenaires ayant votées.
MOTION
– Après avoir pris connaissance du projet de charte et des éléments de gouvernance de l’archipel de l’écologie et des solidarités,
-En continuité des assises et en fonction du contexte présidant à la création de cet archipel ,
– En confirmant que l’archipel est un espace politique de débat entre partis, mouvement, associations, syndicats, personnalités… qui se différencie quant à son statut et ses objectifs du pôle écolo qui a vocation à construire la maison commune de l’écologie.
Le conseil fédéral décide :
– D’adhérer à l’archipel de l’écologie et des solidarités
– Que sa représentation au sein de l’assemblée du lagon sera composée de
– deux personnes représentantes du Conseil fédéral (une titulaire, une suppléante)
– deux personnes représentantes du bureau exécutif (une titulaire, une suppléante)
La parité homme / femme devant être respectée comme il se doit
– Qu’un point d’étape régulier sur notre implication à l’assemblée du lagon et sur les actions entreprises aura lieu régulièrement en conseil fédéral pour évaluer notre maintien dans cette organisation.
Pour : 105 ; blancs : 6 ; contre : 5
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