Adoptée par le Conseil fédéral d’Europe Écologie Les Verts des 4 et 5 décembre 2021
Exposé des motifs
Depuis la réforme des retraites du régime général de 1993, les carrières courtes et les carrières hachées sont pénalisées dans le système de calcul des pensions. Cela concerne principalement les femmes (1), également les personnes en situation de handicap, certains parcours témoignant “d’accidents de carrière” et cela a également un impact négatif sur celles et ceux ayant travaillé à l’étranger pour une partie de leur carrière.
– L’injustice du calcul de la retraite est reconnue par le Conseil d’orientation des retraites (COR) dans le douzième rapport janvier 2013 (2) :
Page 104 : « Selon cette dernière approche, une étude récente de l’INSEE montre que les redistributions implicites opérées par le cœur du système de retraite français jouent, prises dans leur ensemble, dans le sens d’un accroissement des inégalités en défaveur des assurés à carrière courte, donc des assurés à plus bas salaires et des femmes tout particulièrement. L’effet globalement anti redistributif du cœur du système de retraite français provient principalement du fait que les règles de calcul des pensions et d’acquisition des droits sont plus favorables en cas de carrière complète qu’en cas de carrière courte. »
Page 106 : « On pourrait alternativement imaginer de reformuler la règle à l’envers, par la définition d’un nombre d’années à exclure du calcul du salaire de référence, en nombre d’années ou en pourcentage ; cette règle permettrait de conserver en partie la propriété de « filtre » des années retenues pour le salaire de référence, tout en réduisant les inégalités au regard de cette propriété, dans le système actuel, entre personnes à carrière longue et personnes à carrière courte. »
– L’injustice du calcul de la retraite est reconnue par le gouvernement, qui prétexte l’injustice faite aux carrières hachées pour justifier sa réforme d’une retraite à points.
Alexandre Château Ducos, conseiller des Français·e·s de l’étranger EÉLV, a déposé le 28/4/2021 à l’Assemblée des Français de l’étranger une question au gouvernement : Le calcul du salaire annuel moyen (SAM) à partir des 25 meilleures années n’est pas équitable. (3)
Réponse du gouvernement : L’analyse proposée par M. Chateau-Ducos sur le mécanisme dit des « 25 meilleures années », en vigueur dans le régime général, est pertinente. En effet, ce mécanisme supposé protecteur s’avère en réalité parfois inéquitable et désavantageux pour les carrières dites incomplètes ou témoignant « d’accidents de carrières ».
– L’injustice du calcul de la retraite a été abordée dans la motion du conseil fédéral d’EÉLV de septembre 2013 :
« Trimestrialiser le calcul du salaire moyen : fonder le calcul du salaire moyen non plus sur les 25 meilleures années mais sur les 100 meilleurs trimestres afin de réduire les impacts des « carrières à trou » (chômage, période d’inactivité…) lors de la retraite. »
Cette mesure éviterait la prise en compte de trimestres sans salaire dans le calcul du salaire de référence.
Plusieurs facteurs pénalisent les retraites des carrières courtes et hachées, dont les retraites des Français·e·s qui ont travaillé à l’étranger.
Les droits à la retraite de base générés par des années de travail et de cotisation en France peuvent être diminués de plus de 60%, si le reste de la carrière est effectué hors de France et non en France.
1 Pour une carrière de moins de 25 ans en France, les parties de carrières hachées (jobs étudiants, éducation des enfants, service militaire, recherche d’emploi, départ et retour de l’étranger, accidents…) sont prises en compte dans le calcul du salaire annuel moyen (SAM) et provoquent une baisse du SAM qui peut dépasser 40% alors que ces parties hachées sont exclues du calcul du SAM pour une carrière d’une quarantaine d’années en France. Actuellement des années de faibles cotisations peuvent faire baisser la retraite de celles et ceux qui ont moins de 25 ans de carrière en France.
2 Pour des carrières de moins de 25 ans en France, la retraite n’est pas calculée à partir des meilleures années.
3 De nombreux/ses Français·e·s n’ont aucune chance de faire valider leurs trimestres à l’étranger (pour l’âge de la retraite ou la décote) soit parce que la France n’a pas d’accord avec ces pays étrangers, soit parce que le pays étranger ne valide pas toutes les périodes (comme l’aurait fait la France). La retraite subira alors une décote de 25 %. La retraite étant déjà proportionnelle au nombre de trimestres validés en France, la décote est une double peine pour les carrières courtes.
4 Dans le cas d’une carrière courte en France, la retraite peut être calculée à partir d’années plus anciennes. Plus les années sont anciennes, plus elles seront mal revalorisées.Elles ne sont pas revalorisées sur la base de l’évolution du salaire moyen mais sur la base de l’indice des prix. Par exemple, le SMIC de 1977 revalorisé par la CNAV est de 783 € alors que le SMIC en 2020 est de 1219 €. Le Smic de 1977 sera sous-évalué en 2020 de 35%. La retraite peut subir une diminution de l’ordre de 20% si elle est calculée à partir des premières années de la carrière.
Les accords bilatéraux et les réglementations européennes peuvent éventuellement réduire une partie des injustices. Ces accords, quand ils existent, sont souvent insuffisants et parfois inefficaces, le système français n’étant pas compatible avec de nombreux systèmes étrangers.
Le cumul de toutes ces injustices peut avoir un impact négatif très important sur le montant final de certaines retraites, ce qui doit être intégré dans nos réflexions et pris en compte dans le projet des écologistes pour un système de retraite plus juste et moins inégalitaire.
Motion
En conséquence, le Conseil fédéral d’Europe Ecologie – Les Verts réuni les 4 et 5 décembre 2021, considère qu’une réforme des retraites juste et ambitieuse doit comporter, en complément des propositions incluses dans la base programmatique des écologistes pour 2022 et des textes déjà adoptés précédemment en Conseil fédéral, les éléments suivants :
1° Pour les carrières courtes ou hachées, calculer aussi le salaire de référence (SAM) à partir des meilleures années et en éliminant aussi les parties de carrières hachées qui font baisser la retraite
Calculer le salaire de référence (SAM) à partir d’un même pourcentage des meilleures années de salaires et non plus à partir des 25 meilleures années (4)
2° Ne plus pénaliser les retraites calculées à partir des premières années de la carrière, plus mal revalorisées
Revaloriser les salaires sur la base de l’évolution du salaire moyen. Ou instaurer des mesures correctrices pour ne pas pénaliser les retraites calculées à partir d’années plus anciennes.
3° Prendre en compte aussi la totalité de la carrière pour l’âge de la retraite ou la décote pour celles et ceux qui ont travaillé à l’étranger
Valider tous les trimestres effectués à l’étranger (travail, recherche d’emplois, etc.) comme ils l’auraient été s’ils avaient été effectués en France (pour l’âge de la retraite ou la décote), tant que la décote n’est pas supprimée (EÉLV a déjà pris position pour la suppression de la décote) quels que soient les accords entre les pays ou le système de validation des périodes de travail et de recherche d’emploi dans le pays de résidence.
Ces modifications ne changeraient pas le calcul de la retraite de ceux qui ont une carrière classique en France (une quarantaine d’années) mais rendraient plus équitable le calcul de la retraite de toutes les carrières courtes ou hachées.
- Christiane Marty https://www.monde-diplomatique.fr/2013/09/MARTY/49631
- https://www.cor-retraites.fr/sites/default/files/2019-06/doc-1993.pdf
- https://www.assemblee-afe.fr/retraite-des-francais-qui-ont-effectue-une-partie-de-leur-carriere-hors-de-france.html
- 55%, si le SAM est calculé sur la base des 25 meilleures années pour une carrière de 45 ans
Unanimité
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