Exposé des motifs

La réforme du code du travail voulue par Emmanuel Macron sera appliquée dès septembre 2017 sous forme d’ordonnances, sans débat démocratique et alors que le projet de loi El Khomri avait suscité une forte opposition en 2016. Cette série d’ordonnances constitue en réalité une « loi travail » XXL dont l’objectif assumé est d’aller plus loin que la loi El Khomri, en réduisant les droits et les protections des salarié-e-s. Purement idéologique, cette réforme voudrait faire croire qu’en dérégulant le marché du travail, en offrant moins de protection aux salariés, on pourrait créer de l’emploi. Aucun élément, aucune étude, ni même aucun argument ne permet d’étayer cette affirmation. Macron cède au « Toujours plus », aux revendications de la partie la plus rétrograde des employeurs, soucieux d’avoir plus de liberté​s pour licencier ou réduire les avantages sociaux.

A l’heure de mutations profondes du travail, et d’une réflexion nécessaire sur le modèle que nous souhaitons pour notre économie, le gouvernement fait le choix d’une libéralisation qui mise sur la flexibilité sans aucune sécurité et sans se tourner vers les emplois d’avenir. Ainsi, plutôt que d’inventer le droit et la protection du travail pour les nouveaux statuts précaires (auto-entrepreneur.se.s, faux indépendant.e.s et travailleur.se.s des plateformes Uber et autres…), plutôt que de prévoir les formes de contrat qui nous permettront d’engager la transition, plutôt que d’œuvrer à la lutte contre les inégalités au sein des entreprises ou à une responsabilité sociale et environnementale accrue, le gouvernement accélère la dynamique de ses prédécesseurs visant à aligner le droit du travail à la baisse tout en ayant recours aux ordonnances pour bâillonner le débat.

Ainsi les ordonnances comprennent en particulier :

  • un plafonnement des indemnités prud’homales à 3 mois de salaire jusqu’à deux ans d’ancienneté, à 20 mois à 30 ans d’ancienneté
  • la possibilité dans les entreprises de moins de 20 salarié.e.s d’engager des négociations avec un.e employé.e non élu.e et non mandaté.e par un syndicat,
  • une fusion des instances représentatives du personnel. Le CHSCT qui travaille sur les conditions de travail des salariés, leur sécurité, les maladies professionnelles, le stress au travail est une instance efficace, qui permet l’amélioration de la qualité de vie au travail et la préservation de la santé des salariés. La disparition d’une instance dédiée est d’autant plus dommageable que les ordonnances ne précisent pas les moyens alloués à la nouvelle instance fusionnée (appelée Comité social et économique), et que le recours à l’expertise est limité.
  • la possibilité pour une entreprise d’adopter un accord par référendum, et de contourner les syndicats pour signer des accords dans les entreprises de moins de 50 salarié.e.s. C’est la négation du principe constitutionnel de dialogue social avec les syndicats, une volonté d’effacer les acquis du CNR et de mai 1968 !
  • L’appréciation des difficultés financières de l’entreprise justifiant le motif économique des plans de sauvegarde de l’emploi au niveau national et non plus international.
  • le compte pénibilité est transformé en compte professionnel de prévention et certains critères de pénibilité et d’exposition aux produits dangereux sont retirés. Ainsi ne comptent plus dans la pénibilité la manutention de charges lourdes, les postures pénibles ou encore les risques chimiques et les vibrations mécaniques.
  • L’introduction d’une « rupture conventionnelle collective » qui permet à l’employeur d’organiser des plans de départs volontaires moins encadrés.

Y figurent également de nouvelles attaques de la hiérarchie des normes (loi/ branche/entreprise) comme la négociation des primes d’ancienneté au niveau de l’entreprise et non plus de la branche, des éléments sur le chèque syndical, la présence limitée des syndicats dans les CA d’entreprise…

Ces méthodes sont anti-démocratiques
Après le 49-3, les ordonnances ? Nous refusons une loi travail XXL par ordonnances. Un tel changement dans les règles fondant le travail en France, qui concerne 18 millions de salariés, ne saurait être débattu de façon autre que démocratique. Les conditions du dialogue social n’ont pas été remplies (« secret-défense » abusif sur les textes, les représentants syndicaux ont été reçus très tard et se disent pour le moins “déçus”), la représentation nationale a été court-circuitée. 

Ce n’est pas la fragilisation des travailleur.se.s qui créera de l’emploi.
Dans un pays en crise de qualité des productions et de leur adaptation aux nouveaux besoins , diminuer le revenu moyen espéré des habitant.e.s n’apparaît n’est pas la meilleure façon de relancer la demande, et donc l’emploi.

La diminution du chômage est principalement déterminée par :

  • le niveau de l’investissement qui doit répondre aux besoins sociaux de la population et aux nécessités de la transition écologique,
  • le partage du travail, et la diminution de sa durée légale,
  • la capacité du tissu industriel et tertiaire à s’insérer dans des marchés porteurs d’emplois (énergies renouvelables, agro écologie, services décentralisées, production locale, emplois de solidarité pour répondre aux enjeux de l’autonomie des seniors),
  • la formation initiale et continue. Dans un contexte de très forte évolution technologique, la formation des salarié.e.s en terme d’adaptation est essentielle.

Or, les mesures présentées dans cette loi travail XXL n’agissent sur aucun de ces facteurs. Nous observons a contrario, la capacité nouvelle qu’auront les entreprises à alléger rapidement la masse salariale en volume comme en coût global (via des accords d’entreprise qui laisseront peu de marge aux employé.e.s) et à privilégier ainsi des stratégies de production à court terme. De plus, alors même que les études du FMI confirment que les organisations syndicales contribuent à réduire les inégalités de salaires, la réforme cherche à les affaiblir en les excluant, de fait, du champ des entreprises de moins de 50 salarié.e.s.

D’évidence, cette loi ne favorise ni les jeunes, ni les seniors, ni les demandeur.se.s d’emploi. La marge de manœuvre supplémentaire accordée aux entrepreneur.e.s n’est en aucun cas une garantie d’augmentation des embauches ou de l’investissement. Pour preuve le fiasco de certaines mesures passées, comme celle qui visait à réduire la TVA dans la restauration pour pouvoir permettre aux restaurateur.trice.s d’embaucher plus. On connaît maintenant le manque à gagner pour l’Etat et le manque d’effets positifs de cette mesure ! Idem pour le mauvais bilan du très coûteux CICE. Dans le cas de la réforme du code du travail, la réduction des revenus du travail contribuera un peu plus au déséquilibre de la répartition des richesses en France. Pire encore, la confiance entre les salarié.e.s et les employeur.euse.s risque d’être brisée par la réduction effective ou la peur d’une diminution des revenus du travail. Cette flexibilisation encouragera un peu plus la concurrence entre salarié.e.s, en les incitant à travailler plus pour gagner moins.

On aurait pourtant pu attendre d’une réforme portée par un pouvoir qui se veut moderne et progressiste qu’elle soit équilibrée entre les avancées pour l’employeur et celles pour les salarié.e.s. On aurait ainsi pu espérer une régulation de l’économie collaborative, un encadrement de l’emploi des vrais-faux salarié.e.s « uberisé.e.s » payé.e.s à la tâche et précarisé.e.s. Hélas, les salariés précaires n’ont semble-t-il rien à attendre de ce gouvernement qui ouvre la voie à une régression sociale d’une ampleur inégalée en détruisant les bases mêmes du dialogue social. Le masque est tombé, le gouvernement Macron-Philippe et sa ministre du travail sous influence ne servent que les intérêts court-termistes de la partie la plus rétrograde du patronat.

Face aux évolutions du monde, nous portons des propositions alternatives : pour renforcer le droit du travail, protéger davantage les travailleur.se.s et soutenir la création d’emplois. Pour cela, nous préconisons :

Protection des travailleur.ses :
– de rétablir la hiérarchie des normes et le principe de faveur en abrogeant les mesures mises en place par la loi El-Khomri
– de renforcer les moyens de la médecine du travail et de l’inspection du travail qui ont été très affaiblies ces dernières années, d’accentuer la lutte contre le burnout et pour le droit à la déconnexion
– de reconnaître le pénibilité et l’exposition aux risques et de permettre aux salarié.es qui y sont soumi.es de partir plus tôt en retraite.
– de mettre en place une sécurité sociale professionnelle qui protège l’ensemble des travailleur.se.s et un revenu d’existence, outil des transitions professionnelles

Pour la démocratie en entreprise :
– de réduire les inégalités de salaire au sein des entreprises et d’accroitre la place des salarié.e.s dans la gouvernance de l’entreprise

Pour la création d’emplois, l’adaptation aux évolutions du monde du travail et pour la transition écologique :
– de relancer la réduction du temps de travail
– de mener une véritable politique de formation continue, seul moyen pour que les travailleur.se.s puissent s’adapter à l’évolution des modes de travail et de production induit par les évolutions technologiques et l’émergence de nouveaux marchés
– de mettre en place de contrats de transition, pour accompagner les salarié.e.s dans les secteurs amenés à disparaître (exemple du secteur automobile et du récent exemple de GM&S, ou du nucléaire) vers des secteurs en développement. Nous rappelons à ce titre que pour l’emploi, tout a été essayé, sauf l’écologie. Or, la transition écologique devrait nous permettre de créer un million d’emplois.

Les contre-réformes Macron profitent de la faiblesse des syndicats dans les TPE/PME, et de celle d’organisations patronales non représentatives de la diversité des entrepreneurs : TPE, Entrepreneurs de l’ESS, entreprises d’insertion, … Forts de ces constats, nos écosyndicalistes pourront contribuer avec d’autres, à jeter des passerelles et créer une nouvelle ère écosyndicale, unitaire, et représentant mieux la diversité des travailleurs et des privé.e.s d’emploi. »

Motion

Contre une loi de régression sociale à côté de la plaque, le Conseil fédéral d’Europe Ecologie Les Verts réaffirme l’engagement du parti contre le démantèlement du code du travail et la fragilisation des droits des travailleur.se.s.

Le Conseil fédéral acte la participation d’Europe Écologie Les Verts à la mobilisation organisée par les syndicats CGT, UNEF, Sud et Solidaires, le 12 septembre, et plus largement sa participation aux mobilisations locales et nationales aux côtés des organisations syndicales, des organisations de jeunesse et des associations de chômeurs, ainsi qu’au travail pédagogique d’information et de déconstruction de la communication habilement manipulatoire menée au sujet du code du travail.

Unanimité pour

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