Adoptée par le Conseil fédéral d’Europe Écologie Les Verts des 27 et 28 mars 2021

Exposé des motifs

Face aux défis auxquels nous devons faire face, qu’ils soient écologiques, économiques sociaux et sociétaux, Europe Ecologie Les Verts porte de longue date une refondation de nos institutions à tous les niveaux pour les affronter démocratiquement et bâtir ensemble une nouvelle société. Cette réforme doit restaurer la confiance et redonner du pouvoir aux institutions pour agir. Elle doit permettre une démocratie mieux partagée et plus vivante qui s’appuie pleinement sur nos représentant.e.s comme sur l’ensemble des citoyen.ne.s. Elle doit rénover le rôle des élu.e.s pour instaurer une confiance durable, condition sine qua non d’une démocratie saine au service des habitant.e.s. Elle doit clarifier les compétences et rendre plus lisibles les institutions comme les décisions publiques.

La réforme de notre système démocratique vise également à mieux intégrer les enjeux de long terme pour répondre à la crise globale de notre système de développement.


Le projet de société que nous portons, les changements de paradigmes, les évolutions des politiques publiques vont de pair avec un renouvellement institutionnel et démocratique, sans lequel des solutions autoritaires pourraient prendre place pour répondre aux défis posés. Ce n’est pas notre choix. Nous inscrivons pleinement notre projet politique au service, et avec, les habitant.e.s. Nous sommes convaincu.e.s de la capacité de la société de s’emparer des enjeux et de les résoudre collectivement. Nous souhaitons donc bâtir une République qui se donne les moyens de le faire dans un système pleinement inclusif et démocratique.

Cela fait plus de 20 ans que la réforme du quinquennat a été adoptée, avec le choix contestable et contesté de maintenir les législatives après la présidentielle. La conséquence de ce choix de notre Constitution est de renforcer la présidentialisation de la Cinquième République et de déboucher sur des majorités souvent fortes à l’Assemblée, assises essentiellement sur le seul socle de premier tour du président élu. Il en résulte cependant à chaque fois un affaissement durable de ces majorités, finalement très relatives dans l’opinion, puis, à deux reprises, à une non réélection du président sortant[1]. Cette image d’un omni-président ou d’une monarchie présidentielle est solidement installée dans notre pays. L’élection présidentielle suscite tous les cinq ans de grands débats, ainsi que des attentes très fortes qui se révèlent souvent déçues.

L’abstention croît quasi inexorablement. Le rapport de confiance des Français.e.s vis-à-vis de leurs représentant.e.s élu.e.s s’est très largement détérioré ces dix dernières années comme le montre la dernière enquête du CEVIPOF (janvier 2021). Si 80 % des Français.e.s continuent à considérer que la démocratie est une bonne façon de gouverner le pays, si 49 % s’intéressent à la politique, ils sont aussi 62 % à exprimer de la méfiance ou du dégoût pour celle-ci et surtout, 84 % des Français.e.s veulent avoir un système politique plus démocratique. Il nous appartient donc de tirer les leçons de ce que nous disent les citoyen.ne.s et de redonner confiance en notre démocratie et l’ensemble des institutions qui l’incarnent..

La crise des Gilets jaunes en 2018-2019 a été l’expression forte d’une colère d’une partie de l’opinion. Les préoccupations mises en avant étaient le pouvoir d’achat et le souhait de justice sociale, progressivement articulés de façon très marquée avec la question environnementale et des propositions démocratiques (RIC notamment) ! Cependant, puissant changement : les manifestations émanaient de personnes qui ne l’avaient jamais fait jusqu’à présent, principalement issues des classes populaires vivant dans des territoires périurbains et ruraux. L’expression puissante d’un sentiment de délaissement a été clairement analysé comme la marque supplémentaire d’une défaillance de notre schéma institutionnel actuel : vertical, excluant et inégalitaire.

72 % des Français·e·s estiment que l’Assemblée nationale reflète mal la diversité des opinions (étude BVA, septembre 2018) et 93 % sont favorables à une réforme institutionnelle. Cette exigence de renouveau démocratique s’impose à notre pays pour retrouver plus de cohésion et de lisibilité. Elle est portée de longue date par les écologistes; elle est désormais très largement partagée dans l’opinion. L’exemple du débat qui a eu lieu à l’occasion du referendum de 2005 sur le projet de traité constitutionnel européen prouve que les Français.e.s peuvent être intéressé.e.s et mobilisé.e.s par ces enjeux. L’histoire, y compris contemporaine (Islande, Irlande…) instruit qu’ils doivent également être associés à leur élaboration pour déboucher sur un nouveau pacte ambitieux et solide dans le temps.

L’ensemble de ces éléments doit nous amener à renforcer à la fois l’ossature et la précision des propositions que nous avons déjà pu faire dans ce domaine (cf. Bien Vivre, 2017); mais également à affiner le chemin qu’il conviendra de prendre une fois élu.e.s pour mettre en œuvre ces réformes névralgiques. Elles ont trait évidemment à la séparation des pouvoirs et la désignation de la représentation nationale. Elles touchent également à la qualité de la citoyenneté et l’implication de toutes les forces vives de la Nation. Elles impliquent les territoires, la décentralisation. La manière même dont nous entendons transformer nos institutions est fondamentale : la forme de ce big-bang démocratique doit refléter la direction que nous voulons prendre.

Plus que jamais, nous postulons qu’une réforme institutionnelle est aujourd’hui nécessaire à notre pays. Nous ne réussirons pas la transition écologique et solidaire sans, voire contre, les citoyen.ne.s.

Motion

Le Conseil fédéral d’EELV

  • considère qu’une réforme de nos institutions est une priorité et qu’il convient donc de mener un débat.
  • affirme que toutes nos institutions, nationales et locales, doivent être plus inclusives, plus représentatives, notamment par leur diversité (G. Roustan – intégré), et donc plus légitimes et plus efficaces démocratiquement :
    • un nouvel équilibre doit être trouvé entre le Parlement et le Président de la République, mais aussi au sein du Parlement. Les écologistes plaident pour un régime parlementaire stable.
    • cette réforme  doit comprendre un nouvel acte de décentralisation pour permettre une action plus efficace au plus près des citoyen.ne.s. La subsidiarité et la différenciation constituent des éléments clés d’une confiance renforcée associée aux collectivités locales. Une répartition des compétences plus lisible entre les différents échelons démocratiques doit être poursuivie.
    • des modes de désignation plus homogènes, plus lisibles et plus démocratiques doivent être proposés.
  • revendique, à tous les niveaux de notre démocratie, une séparation des pouvoirs clairement établie entre :
    • un pouvoir exécutif qui doit être le garant de la bonne mise en œuvre des politiques publiques mais également des orientations prises par notre pays et nos collectivités sur un temps long,
    • un pouvoir législatif des assemblées délibérantes qui doit retrouver toute sa place, garant de l’intérêt général et de la qualité démocratique des décisions
    • un pouvoir judiciaire définitivement indépendant du pouvoir politique avec ses propres instances de régulation
  • affirme que les citoyen.ne.s doivent être beaucoup plus inclus dans la détermination des choix qui guident notre République et ses territoires. Des nouvelles formes de vitalité démocratique sont à inventer alliant participation directe, comités consultatifs, droit d’initiative et de proposition, etc.
  • s’engage à ce que cette réflexion et ce travail soit menés conjointement avec la détermination de nouveaux droits, notamment pour la prise en compte des générations futures et de l’ensemble du vivant.
  • rappelle son attachement à la construction d’une Europe politique forte et démocratique, plaide pour que les enjeux européens soient plus intégrés aux débats démocratiques français et articule totalement dans ses orientations les réformes nécessaires à l’échelon national comme à l’échelon européen 
  • décide de la création d’un groupe de travail pour :
    • préciser les intentions et les propositions concrètes des écologistes en termes de réformes institutionnelles pour aller vers un renouveau démocratique de notre pays
    • définir la mise en œuvre pratique et concrète de ce chantier prioritaire sur la mandature 2022-2027,
    • préparer une note à destination du conseil programmatique qui aura vocation à s’insérer dans le programme écologiste pour les échéances présidentielle et législatives de 2022.

Pour : 91 ; contre : 2 ; Blancs : 7 ; nppv :1


[1]               Nicolas Sarkozy, candidat à sa réélection en 2012, puis François Hollande qui a renoncé à se représenter en 2017. En 2002, Jacques Chirac avait été réélu dans un contexte de cohabitation, donc contre la majorité parlementaire en place. NB : le nouveau système empêche de fait les situations de cohabitation.



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