Exposé des motifs

EELV demande une réforme radicale du système éducatif, créant les conditions d’un véritable « droit à l’égalité des chances  » pour chacune et chacun des enfants de notre pays : au même titre que la lutte pour réduire les inégalités socio économiques et culturelles, celle menée contre les inégalités liées au sexe, revêt une importance majeure. [1]. C’est l’objet de cette motion qui va suivre : de définir ses attendus et les conditions de sa mise en œuvre.

Les stéréotypes contribuent à maintenir le système de genre. Le genre est ici entendu au sens sociopolitique, c’est à dire la construction et la hiérarchisation des rôles féminin et masculin.

Les inégalités femmes-hommes sont présentes à tous les niveaux de la société, et pour toutes les classes sociales. Ces inégalités entraînent également une dévalorisation du féminin et une valorisation du masculin, à propos des rôles, caractères, ou autres. Aussi, éduquer de façon inégalitaire les filles et les garçons a non seulement des conséquences en termes d’estime de soi des filles, mais restreint l’épanouissement de tou-te-s, et entraîne des conséquences en termes de violences (plus souvent exprimée chez les garçons et intériorisée chez les filles).

Si certaines mesures coercitives telles que la parité imposée ou les quotas ont pu montrer leur efficacité, il est cependant nécessaire de prendre le problème à la base : par l’éducation dès le plus jeune âge. En effet, le lien de cause à effet entre les inégalités entre les femmes et les hommes et l’éducation que reçoivent les filles et les garçons ne semble pas évident. Il semble qu’il y a une réelle difficulté à désigner l’éducation comme LE moment de construction des inégalités futures

Cette question a déjà été abondamment traitée, notamment dans plusieurs conventions depuis 1981, dont la plus aboutie est celle de 2000, la « Convention pour l’égalité entre les filles et les garçons, les femmes et les  hommes dans le système éducatif ».

Dans tout le système éducatif, de la crèche à l’université, les comportements des professionnels sont conformes aux stéréotypes et reproduisent les inégalités, plutôt que d’assurer sa mission d’égalité sociale.

Tous les exemples qui suivent sont issus de la recherche universitaire sur le genre et servent de base aux politiques européennes et françaises.

Dès la grossesse, les attentes sont différentes pour les garçons et les filles. Un fœtus garçon remuant est perçu dynamique et de façon positive, alors qu’un fœtus fille remuant est perçu comme problématique et de façon négative.

Leurs pleurs sont interprétés différemment, et les personnes ne s’en occupent pas de la même manière. Les observations montrent que c’est la peur et la tristesse qui sont majoritairement cités pour interpréter les pleurs des filles. Elles sont davantage cajolées, rassurées, elles ont plus de contacts physiques et d’affection. En revanche, c’est de la vigueur et du caractère qui sont attribués aux bébés garçons. Quand ils ont un contact physique, c’est avec des stimulations motrices plus énergiques.

Les univers ludiques des filles et des garçons sont différents. Notamment, la vie familiale et domestique est centrale chez les filles alors qu’elle est totalement inexistante chez les garçons. A l’inverse, ce qui se rapporte à l’espace public et à l’exercice du pouvoir est central dans l’univers des garçons alors qu’il est inexistant dans celui des filles.

Dans les cours des écoles, les garçons occupent la majorité de l’espace avec les jeux de ballons et de bagarre, alors que les filles se retrouvent plus souvent sur les côtés, en périphérie.

Dans les salles de classe aussi, à tous les niveaux scolaires, les garçons occupent de façon générale les deux tiers de l’espace sonore, c’est-à-dire qu’ils bénéficient de deux fois plus d’interactions avec leurs enseignants et enseignantes que les filles.

En mathématiques, les enseignant-e-s interrogent plus souvent les garçons que les filles, les envoient plus souvent au tableau, et plus longtemps.

La nature des interactions est aussi différente : les enseignant-e-s encouragent davantage les garçons que les filles, les incitent plus souvent à approfondir leur réflexion, alors que les filles sont plus souvent sollicitées pour des rappels de connaissances.

Les enseignant-e-s n’expliquent pas de la même façon les performances des élèves : l’échec est attribué au manque de travail pour les garçons, et à un manque de capacités pour les filles. En cas de réussite c’est l’inverse : elle est attribuée aux capacités pour les garçons, au travail pour les filles.

Ainsi, parmi les élèves qui sont au dessus de la moyenne, seulement 53% des filles s’estiment capables de suivre un cursus scientifique alors que c’est le cas de 82 % des garçons. Les recherches sur l’orientation montrent que si les filles sont sous représentées dans les filières scientifiques, ça n’est pas en raison de moins bons résultats. C’est plutôt parce qu’elles ont intériorisé que les maths et les sciences, ça ne fait pas partie de leur rôle social. Les garçons eux désertent les filières dites ‘féminines’ de l’enseignement général et supérieur. En filière professionnelle ce phénomène est encore plus marqué, les classes sont très peu mixtes, les filles représentent presque la totalité des élèves dans les professions dites de ‘service’, et les garçons dans celles dites de ‘production’

Enfin, parce que l’accès des filles et des femmes aux droits essentiels, notamment à l’éducation, sont notre responsabilité collective planétaire et la condition et le moteur d’un développement durable mondial, les engagements des Objectifs du Millénaire du Développement qui le visent doivent être tenus par la France et l’UE, malgré la crise, comme le font la Grande-Bretagne et les pays nordiques. Après tant de retard, l’approche genrée, transversale à toute politique publique, doit devenir une réalité concrète en France, comme dans sa coopération et son Aide publique au développement.

 

Motion :

Europe Écologie Les Verts demande une réforme radicale du système éducatif pour prendre en compte les inégalités femmes-hommes, grâce à :

• Une information[2] destinée aux futurs parents qui intégrerait la thématique de l’égalité filles / garçons avec notamment les informations suivantes :

• La construction de genre est du domaine de l’acquis

• Les inégalités de genre restreignent les libertés de chacune et chacun

• Le partage des tâches est nécessaire pour l’équilibre du couple et contribue à une éducation égalitaire des enfants

• Une formation à l’égalité entre les sexes à tous les professionnels de l’éducation, y compris non enseignants, de la crèche à l’université et dans l’éducation populaire, à tous les échelons concernés (communes, département, régions, éducation nationale), pour une application dans les pratiques professionnelles et pédagogiques. Cette formation[3] devra aborder la réalité des inégalités femmes-hommes, leur construction dans les différentes sphères éducatives, leurs liens avec les violences sexuelles, et les attitudes et outils pour y remédier.

• L’intégration dans les programmes éducatifs de la déconstruction des stéréotypes, de l’histoire de l’égalité femmes-hommes, une meilleure visibilité des femmes et plus globalement une éducation à l’égalité entre les sexes et contre la LGBT-phobie[4]

• La présence d’une personne référente pour les questions de discrimination (qui pourra être par exemple le ou la conseiller-ère d’éducation[5]), lorsqu’il n’y a pas de Comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté, ou que celui-ci ne s’est pas saisi de la question…

• L’élargissement des compétences des conseillers principaux d’éducation (CPE) et des conseillers d’orientation psychologues (COP) sur le sujet de l’égalité filles-garçons et des violences sexistes[6]

• La Mise en place systématique de groupe d’analyse des pratiques, y compris dans la formation permanente des personnels de l’éducation.

• La mise en place d’un label « livre non-sexiste » pour les manuels scolaires, qui permettra la prise en compte de l’égalité femmes-hommes lors des commandes publiques des collectivités territoriales. Ce label permettra par exemple de vérifier si les énoncés des exercices ne véhiculent pas des stéréotypes de genre.

• Une éducation positive à la sexualité dès le plus jeune âge, incluant le respect de soi et de l’autre

• Favoriser la pratique mixte de tous les sports.

• Assurer une orientation scolaire et professionnelle égalitaire entre les filles et les garçons afin de favoriser l’élargissement des choix professionnels. Pour cela , il faut supprimer le poids des décisions d’orientations stéréotypées , subies par les élèves , en instaurant un système où ils puissent réellement décider du choix de leur formation . La liberté de choix est une des conditions indispensables à des orientation plus diversifiées et moins dépendantes du genre , à condition que l’information en amont ait été conduite objectivement et sans le biais de représentations caricaturales liées au sexe.

• Favoriser la mixité dans toutes les filières d’enseignement (par exemple, plus d’hommes en primaire et plus de femmes à l’université)

• Évaluer l’impact des politiques publiques, notamment d’éducation, sur les parents (par exemple : rythme scolaire, horaires d’ouverture des services municipaux)

• Favoriser la recherche sur le genre dans les pratiques éducatives

• Favoriser les projets avec les parents d’élèves et les syndicats pour relayer l’éducation non sexiste

• Mettre des budgets genrés sur tous les domaines de l’éducation, y compris l’éducation populaire (sport, loisirs, culture, art, science, …)

• Sexuer les analyses des politiques publiques destinées à l’éducation afin de vérifier à quelle proportion de femmes et d’hommes elles profitent et sur quelles utilisations

• De plus, les termes « école maternelle » et « assistant-e maternel-le » devraient disparaître au profit, respectivement, de « école pré-élémentaire » et « assistant-e parental-e ». En outre, ces mesures devront également concerner l’éducation populaire[7]

Pour : 39 ;  : contre : 4 ; abstentions : 18

Motion adoptée


[2] Mesure peu efficace. Les informations obligatoires sont nombreuses. Il y a enfin une forme d’irréalisme des propositions pour certaines mères qui élèvent seules leurs enfants (et dans certains quartiers elles sont nombreuses). Mais des objets de travail peuvent être l’occasion d’en parler. Par exemple, les séjours collectifs (classes de découvertes) avec des tâches équivalentes pour les garçons et les filles dans la vie quotidienne.

[3] Ce programme de formation est très descendant ou déductif. On sait par expérience qu’il peut être plus utile de partir d’analyses de pratiques et que le fait de faire intervenir des références professionnelles différentes complique la tâche.

[4] Ce sujet ajouté pose problème. Pour déconstruire les représentations sur l’homophobie, c’est un autre objectif.

[5] Ils croulent déjà sous les missions.

[6] Pour des situations conflictuelles importantes, des intervenants extérieurs – en lien avec le projet d’établissement, celui du CESC – sont utiles. Par exemple, la pratique du théâtre de l’opprimé.

[7] L’éducation populaire ne se plie pas par définition à des injonctions venues d’en-haut fussent-elles écologistes…

 

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