Exposé des motifs

Depuis le développement exponentiel du transport routier dans la seconde moitié du 20ème siècle, les grandes agglomérations ont répondu au problème récurrent de congestion du trafic avec une solution : la création de rocades et de contournement. Et cela, sans jamais réussir pour autant à diminuer les bouchons ni les temps des transports entre la ville et sa banlieue. Cette solution utilisée à tire larigot est pourtant décriée depuis longtemps par les écologistes du fait de sa très faible utilité et de ses coûts financiers élevés pour l’installation et son fonctionnement. Enfin, les impacts environnementaux sont multiples et désastreux : pollutions atmosphérique, pollution sonore et visuelle, destructions de terres agricoles et d’espaces naturels, dégradation du cadre de vie, expropriation, …

Cette fausse solution à de réels problèmes de congestion et d’éloignement des banlieues ne répond absolument pas aux enjeux du 21ème siècle.

Il y a tout juste 6 mois, 195 états ont signé l’accord de Paris mettant la lutte contre le dérèglement climatique comme l’un des enjeux majeurs du 21ème siècle. La France et ses collectivités locales à travers leur PCET se sont alors engagées à diminuer les émissions de gaz à effet de serre de 40 % à l’horizon 2050, tout en sachant que le secteur des transports routiers représente selon l’INSEE près de 32 % des émissions de gaz à effet de serre de la France en 2007.

De plus, nous sommes dans un contexte socio-économique difficile avec un chômage croissant qui entraîne une précarisation des citoyens et en particulier des plus jeunes. L’état diminue depuis plusieurs années les dotations aux collectivités tout en leur ajoutant de nouvelles compétences, nombre d’entre elles sont déjà dans le rouge ; il est donc d’autant plus primordial aujourd’hui d’utiliser sciemment l’argent public.

Nous ne pouvons, dans ce contexte difficile et afin de répondre aux enjeux du 21ème siècle, faire l’économie d’une réflexion politique globale sur le développement de nos territoires et en particulier sur les besoins réels en matière de transport. 

Le contournement Est de Rouen, Liaison A28-A13

A Rouen, un projet des années 70 : le contournement Est ou liaison A28-A13 représente bien cette politique du tout-routier et l’incapacité du gouvernement à réfléchir à de réelles politiques alternatives. Il s’agit d’un projet autoroutier à péage de 41 kms, qui détruirait 500 hectares de terres naturelles et agricoles et 126 hectares de forêts, impactant plus de 100 000 riverains répartis sur 35 communes, avec un coût global de 886 millions d’euros TTC dont 55% à la charge des collectivités : état, département et métropole.

Ce contournement éloigné du centre-ville aura un impact très négatif sur une véritable île de verdure, précieuse dans la lutte contre le réchauffement climatique et dans le développement de l’agriculture de proximité.

De plus, ce projet autoroutier favorisera la périurbanisation à l’Est de Rouen et amplifiera l’injustice sociale et sanitaire. L’Avis de l’Autorité Environnementale a alerté en février 2016 sur la pollution supplémentaire que le projet induirait au global en rechargeant les axes de circulation : ce seraient 50 000 tonnes de CO2, des particules fines et du NO2 supplémentaires majoritairement concentrés autour de l’infrastructure. Comme dans tous contournements réalisés, les ménages les moins aisés s’éloignent des centres-villes et de leurs aménités pour des raisons de coût de l’immobilier et se retrouvent donc au niveau des échangeurs au plus proche des nuisances sonores et de la pollution atmosphérique. Ce projet, en éloignant et en diminuant la qualité de vie des populations défavorisées aggrave les inégalités sociales.

La pertinence et l’utilité de ce projet sont basées sur deux arguments :

  • Une diminution du trafic à Rouen
  • Un gain de temps entre les communautés d’agglomérations proches et la métropole.

Ces deux arguments sont fondamentalement faux.

Le trafic à Rouen ne diminuera pas. L’étude réalisée en 2005 annonçait 27 000 véhicule par jour dans le cas d’un contournement gratuit, or le projet actuel garde environ la même estimation (entre 20 000 et 30 000) mais en ajoutant un péage dont le montant n’est pas communiqué. Nous pouvons être certain, les transporteurs eux même l’admettent, que ce péage sera très dissuasif et conduira les potentiels utilisateurs à éviter cette autoroute au profit d’itinéraire gratuit. L’A150 construite il y a peu de temps enregistre un trafic moitié inférieur aux estimations ! Ce projet ne résoudra donc pas les problèmes de congestion de la métropole.

Les gains de temps entre les communautés d’agglomérations proches et la métropole sont très contestables. Le Commissariat Général à l’Investissement a soulevé un effet « boîte noire » de l’étude car les données sur lesquels sont basés les calculs de gain de temps ne sont pas partagés. Et de plus, une étude menée par une collectivité locale démontre, en se basant sur des outils de navigation moderne classiques (Google itinéraire) l’illusion de ces gains de temps. La rentabilité économique du projet repose pourtant quasi exclusivement sur ce calcul de gains de temps, ceux-ci étant chiffrés à 1,5 milliard d’euros de rentabilité par l’étude socio-économique du dossier d’enquête publique.

Des alternatives existent pourtant et ont été partiellement mises en place depuis les premières versions de ce projet il y a 40 ans. En effet, le contournement ouest de Rouen est une réalité et demande – depuis la création du pont Flaubert – seulement à être complété en aménageant l’accès au pont. Ce contournement est d’autant plus pertinent que l’activité économique principale de la métropole qui génère un important trafic routier est concentrée au niveau du port de Rouen qui se situe à l’Ouest de la ville. Ces aménagements seront bien moins onéreux et permettront d’investir l’argent public dans les moyens de respecter nos engagements pour le Climat, l’Environnement, la Santé et l’Emploi.

Une ligne de transport collectif en site propre, représente dix fois moins d’argent qu’une autoroute, pour presque autant de déplacements quotidiens. C’est, de loin, le 1er vecteur de réduction de la pollution et de la congestion urbaine.   

Osons la douceur. Un vélo va plus vite en ville qu’une auto, ne pollue pas, se joue des problèmes de parking, et réinvente la ville du 21ème siècle.

Pour ce qui est du trafic d’échange avec le port de Rouen, 1er port céréalier d’Europe, il faut écouter les coopératives céréalières qui réclament la rénovation des lignes ferroviaires, tant l’état de l’infrastructure est dégradé, rappelant au passage qu’un seul convoi ferroviaire, représente 45 camions de moins sur la route. Il faut noter que ce même fret céréalier emprunte la RN 154 entre Chartres et Dreux et fait partie de la justification de la concession autoroutière de l’A 154 en Eure et Loir, à laquelle EELV s’est opposé et continue à s’opposer. Relancer le fret fluvial et ferroviaire faisait partie des engagements de la loi Grenelle et l’objectif pour le fret ferroviaire était de 25 % de fret par rail en 2022. Nous sommes tombés, et c’est déplorable, à moins de 10%. Le fret fluvial et ferroviaire représente pourtant moins de CO2 et aucune emprise supplémentaire.

Motion

Le Conseil Fédéral demande l’abandon définitif du projet de contournement Est de Rouen, entre autres projets autoroutiers, l’aménagement du contournement Ouest de Rouen et une accélération de la politique de développement des transports en commun.

Unanimité pour

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