Exposé des motifs :
La recherche incessante de boucs émissaires pousse le gouvernement à renforcer toujours plus une politique migratoire inhumaine et rétrograde. Après la chasse aux immigrés clandestins, dans laquelle est investie une bonne part de nos deniers publics, le gouvernement s’attaque aux immigrés légaux et notamment aux étudiants étrangers. Le Ministre de l’Intérieur Claude Guéant s’est en effet fixé comme objectif la diminution de 10% de l’immigration légale, reprenant la rhétorique traditionnelle du Front national : « 3 millions d’étrangers = 3 millions de chômeurs ». Ce sont jusque 10 000 personnes en moins qu’il souhaite voir arriver en France en 2012. Et pourtant, la multiplication des crises, notamment environnementales qui produira des millions de « migrants climatiques » dans les années à venir, et l’émergence d’un monde nouveau composé d’un nombre plus grand de démocraties avec les révolutions arabes notamment nous imposent de ne pas céder aux faux remèdes que constituent le repli sur soi et l’intolérance.
Le 31 mai 2011, les Ministres Claude Guéant et Xavier Bertrand signaient une circulaire sur la maîtrise de l’immigration professionnelle, ayant pour objectif de durcir les conditions d’obtentions d’autorisation de travail, y compris pour les étudiants étrangers. Les ministres y rappellent aux préfets que les étudiants étrangers ont vocation à « regagner leur pays pour y mettre en œuvre les connaissances acquises ». Ils leur demandent donc d’être vigilants lors du renouvellement du titre de séjour, de porter une attention particulière à l’adéquation entre le diplôme et l’emploi obtenu et enfin d’éviter de donner une suite favorable au maintien d’un emploi exercé lors des années d’études. Des quotas officieux, concernant l’octroi du statut de salarié aux étudiants étrangers, auraient également été communiqués aux préfets. Ces étudiants, souvent élèves des grandes écoles françaises comme HEC, Sciences Po ou Polytechnique, créent alors le Collectif du 31 mai, très vite soutenu par la Conférence des Présidents d’Université et la Conférence des Grandes écoles. Les chefs d’entreprise, eux aussi, se mobilisent pour dénoncer une grave atteinte à la crédibilité de la France au niveau international et, plus loin, une atteinte au rayonnement et au développement de l’économie de notre pays…
Mais il ne s’agit pas d’un acte isolé : en 2008, le gouvernement avait instauré une taxe comprise entre 55 et 70 euros pour tout étudiant souhaitant obtenir un titre de séjour lui permettant de travailler à la fin de ses études. Par le décret du 6 septembre 2011, il a augmenté de 30% les ressources exigées aux étudiants afin d’obtenir un titre de séjour. Et lors du vote du budget 2012, le gouvernement a fait adopter l’augmentation de plus de 600% de la taxe de 2008.
Ces nouvelles dispositions vont à l’encontre même des objectifs premiers de la politique d’immigration de Nicolas Sarkozy qui indiquait, le 9 juillet 2007, dans une lettre de mission au ministre de l’Immigration Brice Hortefeux « Nous voulons que la France devienne l’un des pays qui attire les meilleurs étudiants du monde entier. » Et si la France attire en effet 10% des flux mondiaux, avec l’accueil de 260 000 étudiants étrangers chaque année, l’objectif devient illusoire avec le durcissement de la politique migratoire.
Depuis le 31 mai, les refus de demandes de changement de statut pour les étudiants étrangers se multiplient. Le Collectif du 31 mai n’est parvenu à améliorer le sort que de la moitié des requérants. Un nombre grandissant de jeunes diplômés se trouve donc en situation irrégulière, contraints de renoncer à des propositions d’emploi et de quitter la France. Pourquoi n’iraient-ils pas vers l’Allemagne qui, à l’inverse, a déposé un projet de loi le 7 décembre 2011 afin de simplifier l’immigration pour les étudiants qualifiés ? Par ailleurs, le rejet de ces jeunes diplômes remet en cause le fondement même de la société française : si nous ne parvenons pas à accepter les étudiants étrangers, fortement diplômés et déjà intégrés, comment serons-nous capables de construire la société de demain ?
Nous ne pouvons que condamner la logique d’exclusion qui motive la politique migratoire de Nicolas Sarkozy : après les arrêtés anti mendicité, la chasse des enfants de chômeurs des cantines, l’interdiction de l’habitat léger… le gouvernement fait désormais porter aux plus formés et plus fortunés le poids de son échec. L’assouplissement de la circulaire annoncé mercredi 4 janvier par Claude Guéant ne change rien : elle conforte l’arbitraire des décisions et continue de différencier les « bons étrangers », hautement diplômés, des « mauvais étrangers », tous les autres. Cette révision est largement insuffisante. Elle est également inacceptable de par l’idéologie qu’elle colporte.
La mobilisation des étudiants, des professeurs et des entreprises sur cette question, montre que la France est prête à accueillir ces jeunes. Nous devons à notre tour affirmer notre soutien aux étudiants étrangers et rappeler notre volonté de construire une France solidaire, ouverte et diverse.
Le conseil fédéral du 28 et 29 janvier 2012 décide de :
– soutenir le Collectif du 31 mai et le réseau des universités sans frontières (RUSF) ;
– réclamer le retrait de ladite circulaire ;
– réclamer la gratuité du renouvellement du titre de séjour étudiant et diminuer le montant de ressources exigés pour l’obtention de ce titre (a minima au niveau d’avant le décret du 6 septembre dernier) ;
– demander la simplification de toutes les démarches administratives et le renforcement du personnel gérant les autorisations de séjour ;
– faciliter l’accès au marché du travail des étudiants étrangers en créant une autorisation provisoire de séjour de deux ans automatique lors de la validation d’un diplôme (BTS, licence, Master…) afin de consolider l’obtention de compétences lors des études par une véritable expérience professionnelle ;
– d’affirmer leur soutien aux étudiants étrangers comme un premier pas vers une politique migratoire constructive et solidaire.
Enfin, Europe Ecologie Les Verts rappelle que la crise économique, financière, sociale et écologique actuelle ne doit nous faire oublier ni les idéaux de solidarité de 1945, ni l’apport économique réel des migrants à la société française.
Unanimité pour
Conseil Fédéral des 28 et 29 janvier 2012 – Décision CF-12-016
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