Exposé des motifs

  • veloppement du numérique et lutte contre le réchauffement climatique : un paradoxe grandissant ?

L’impact environnemental des TIC[1] est bien documenté à un double titre : par l’utilisation importante de métaux utilisés pour l’électronique, dont l’extraction et la transformation sont coûteuses en énergie sans être toujours recyclables mais également par l’usage d’Internet[2] et de l’augmentation exponentielle du trafic de données (+ 20% par an). 

La croissance de ces flux nécessite une puissance de calcul et d’énergie des centres de traitement de données équivalent à 1,5% de la consommation mondiale d’électricité et à 2% des émissions mondiales de CO2, soit presque autant que le trafic aérien mondial ! Avec le développement de l’Internet et les besoins accrus de traitement et stockage qui en découlent pour les entreprises et les collectivités territoriales, la demande énergétique continuera à croître fortement dans les années à venir. 

Les plus gros opérateurs du numérique, les fameux GAFA[3] dont l’empreinte environnementale est inversement proportionnelle à leur consentement à l’impôt, ont d’ailleurs longtemps été épinglés par Greenpeace pour leurs énergies « sales » avant d’engager un début de mue énergétique en s’appuyant sur la réutilisation de la chaleur et le recours aux énergies renouvelables. En France, la question s’est principalement déplacée sur le terrain de la consommation énergivore en électricité notamment en Ile de France ou la concentration de la majeure partie des plus gros data centers entraine des problèmes de disponibilité électrique. Actuellement, alors que 70% des projets en cours sont hors Ile-de- France,les acteurs territoriaux sont de plus en plus demandeurs d’informations et de solutions pour sécuriser efficacement le fonctionnement de leurs propres centres de données tout en répondant aux objectifs d’efficacité et de mix énergétique définis dans leur plan Climat territorial. 

Alors que Jérémy Rifkin prône le passage à une 3eme révolution industrielle s’appuyant sur une convergence de l’Internet et des énergies renouvelables, Naomi Klein évoque dans son dernier ouvrage la nécessité d’un mode de vie basé sur celui des années 70 pour amorcer un réel recul du réchauffement climatique. 

Mais sommes-nous prêts à nous passer de toutes les commodités que le développement du numériquea permis ces 15 dernières années ? Et si la réponse est négative, quelles alternatives sommes-nous en mesure de proposer pour des engagements crédibles dans un domaine qui imprègne désormais chaque pan de la société ?

  • Le recours au numérique pour accompagner la transition énergétique ?

Services et usages se développent dans le secteur de l’environnement et de l’énergie pour lutter contre le réchauffement climatique : rénovation thermique des bâtiments, réseaux d’énergies renouvelables, mobilité durable, optimisation des déchets,…nous assistons actuellement à la multiplication de solutions et techniques présentées comme des avancées pour la réduction des émissions de CO2, l’amélioration de la qualité de l’air ou la limitation des consommations d’énergie et d’eau.

  • Internet pour se déplacer moins et différemment ?

 Internet permet de s’affranchir des distances physiques en généralisant la dématérialisation des actes administratifs de la vie courante, en favorisant le commerce électronique ou en développant le télétravail et les réunions en visioconférence. Sans minimiser les dérives existantes et les risques de désocialisation, on assiste notamment à une multiplication de projets privés et publics de télécentres en tout point du territoire. Les collectivités territoriales s’emparent également de plus en plus de la question des services de mobilité durable avec des politiques incitatives intégrant des portails et outils de mise à disposition d’informations et de mutualisation en temps réel pour favoriser l’intermodalité et l’usage des transports collectifs. De nombreux progrès restent néanmoins à faire pour généraliser la mise à disposition des données de mobilité pour encourager le report modal et une gestion plus rationnelle et écologique du transport des personnes et des marchandises. 

  • Numérisation des données de l’énergie : un progrès au service des usagers, de l’efficacité énergétique et de la production d’énergie décentralisée ? 

 Le rôle de la donnée numérique au cœur des stratégies de déploiement des compteurs et réseaux intelligents bouleverse la chaine de valeur entre le monde des TIC et celui dela production / distribution de l’énergie. L’année 2015 est notamment marquée par deux faits significatifs : le déploiement généralisé de compteurs dits « communicants » appelés à remplacer les compteurs traditionnels d’électricité et l’accélération du processus d’industrialisation des « smart grids » définis communément comme des réseaux intelligents pouvant s’appliquer principalement au secteur de l’électricité, du gaz ou de l’eau. 

Après plusieurs années de controverses, le gouvernement a donné le feu vert à ERDF pour déployer plus de 35 millions de compteurs Linky. Le secteur du gaz est amené à suivre ce mouvement avec des premières expérimentations initiées cette année. 

Alors que Linky est présenté comme un moyen de favoriser la réduction des consommations d’électricité par une meilleure information des usagers, de nombreuses questions demeurent sur les limites de ses fonctionnalités, son coût, sa finalité, son impact sanitaire et le cadre juridique qui entourera l’utilisation des données personnelles dans un secteur de plus en plus concurrentiel. 

En parallèle, des travaux sont lancés par les gestionnaires et distributeurs de réseaux pour préparer la phase d’industrialisation des « smart grids » qui ont vocation à jouer un rôle clé pour l’insertion des énergies de sources renouvelables dans le système électrique. Avec l’appui des dispositifs d’encouragement et de soutiens financiers publics à l’expérimentation (Investissements d’Avenir, Plans France Nouvelle Industrie, Pôles de compétitivité, ..) lancés ces dernières années, on dénombre actuellement, une centaine de projets en France dont l’échelle et la nature des services proposés sont très variables. Dans le secteur de l’électricité, suite aux recommandations de la CRE pour faciliter le déploiement des Réseaux Electriques Intelligents à grande échelle, les gestionnaires de réseaux ont lancé des plans d’actions pour 2015/2017 portant notamment sur l’amélioration de la transparence des données du réseau, l’intégration de l’autoproduction et l’analyse des modèles d’affaires. La place des collectivités territoriales dans cette nouvelle approche de la gestion des réseaux est primordiale pour transformer les promesses en réalité entrainant des questions autour des capacités de financement et d’investissement public et privé mais également d’aménagement numérique et d’égalité des territoires. Par ailleurs, si les « smart grids » se présentent comme l’outil de demain pour gérer la demande en énergie, sont-ils pour autant la solution verte idéale ? Les gains d’énergie attendus compenseront-ils les investissements liés à la mise en place d’un tel système ? Représentent-ils une réponse pertinente aux villes durables de demain en améliorant la résilience de notre territoire ?

  • Les TIC : nouveaux moyens d’association et de mobilisation des citoyens aux enjeux environnementaux ? 

Nouveaux vecteurs de communication, de sensibilisation, et de formation des citoyens par les facilités d’échanges, de partage et co-construction facilités, de nombreux acteurs de l’environnement et collectivités ont saisi les possibilités de partenariat en développant des systèmes de suivi participatif sur des sites internet et des applications Smartphones. Néanmoins ces nouveaux usages permettront-ils de réels changements de comportements et de prise de conscience ?

  • Au-delà des promesses technologiques, comment les usages du numérique et « le Big Data » s’intègreront-ils au paysage de la transition énergétique et dans quelle finalité ?

 D’autres avancées se multiplient dans tous les secteurs de l’environnement et de l’énergie à l’instar du carnet numérique du logement prévu par le projet de loi sur la Transition Energétique qui aura vocation à aider les propriétaires et occupants de logements à réaliser de futurs travaux d’amélioration de la performance énergétique. En parallèle, le mouvement d’ouverture des données publiques se poursuit notamment dans le domaine des transports et des collectivités avec le projet de loi Macron et le projet de loi NOTRE (réforme territoriale). 

Ces évolutions technologiques et sociétales représentent de nouveaux marchés ou chaque acteur rivalise de promesses sur les services offerts et les améliorations au risque que ne se perde l’objectif final : répondre aux impératifs en matière de lutte contre le réchauffement climatique en proposant des solutions assurant la défense de l’’intérêt général, du progrès social, de l’inclusion numérique et de l’égalité des territoires. Alors que les plus grosses collectivités (Métropoles et Régions) initient réflexions et études sur « les territoires intelligents et durables », encore trop peu intègrent résolument et systématiquement la dimension transversale du numérique dans leur mode de gouvernance en interaction des schémas territoriaux Environnement Climat Air Energie. 

2015, une année cruciale pour engager le débat au sein d’EELV

Loin de l’optimisme béat ou de l’opposition stérile, nous pouvons mettre en perspective ces évolutions pour porter notre propre vision et répondre aux préoccupations des citoyens et des territoires.  

EELV doit pouvoir être en capacité de porter des propositions innovantes à la hauteur des enjeux :

Pendant la campagne des régionales en perspective de régions aux compétences élargies en matière d’égalité des territoires, transports, climat, air, énergie, déchets et numérique ;

Après le vote du projet de loi sur la Transition énergétique et la loi NOTRE, alors que Paris accueille en décembre prochain la COP 21, l’heure sera aux engagements concrets en matière de lutte contre le réchauffement climatique et à ses déclinaisons territoriales ;

Avant la présentation probable fin 2015 du projet de loi Numérique dont les premiers contours traduisent une absence de prise en considération de la dimension environnementale et des opportunités de convergence avisée. Un agenda en lien avec les perspectives européennes sur le marché unique du numérique et projet d’Union de l’énergie. 

Motion :

Le Conseil Fédéral des 4 et 5 juillet 2015,

– Considérant que le numérique est un facteur discutable du processus de transition énergétique et écologique,

– Considérant la dimension transversale des débats posés par les transitions numérique et énergétique,

– Considérant que ses enjeux techniques et politiques nécessitent une conjugaison des compétences et expertises de notre mouvement pour débusquer le « greenwashing » et mettre en avant les initiatives et projets en lien avec les citoyens, les mouvements alternatifs comme le parti Pirate et les territoires,

– Considérant la nécessité dengager une réflexion dédiée dans le cadre de nos axes programmatiques,

Décide de la constitution d’un groupe de travail dédié qui associera des représentant-es des commissions Energie, Partage 2.0 , Europe, Transports, Nature et Environnement, Territoires, Economie et Logement en lien avec élus locaux, la FEVE et les parlementaires.

Le groupe de travail devra dresser un état des lieux des thèmes abordés dans le cadre des travaux précédemment menés, définir les priorités, mobiliser les expertises nécessaires, recenser les acteurs extérieurs à rencontrer,

Il aura notamment pour mission de faire des propositions programmatiques en vue de la campagne des régionales, du « Printemps des idées » et de recenser et valoriser les initiatives pertinentes.

Il travaillera avec les parlementaires et les commissions ad hoc sur le projet de loi Numérique en lien avec les projets de règlements et directives européens en cours.

Il constituera un relais de veille, d’alerte et de suivi en lien avec l’ensemble des commissions sur toute thématique associant services et outils numériques dans la déclinaison des politiques publiques du secteur de la transition énergétique et environnementale.

Unanimité Pour

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