Exposé des motifs
La Région Guyane a une superficie de près de 85 000 km² ; ce qui en fait la région la plus vaste de France, couverte à 95 % par la forêt amazonienne. Elle fait partie d’un vaste ensemble géologique très ancien (2,2 milliards d’années). 85 % de sa superficie est représentée par les roches du bouclier des Guyanes, dans lesquelles de nombreux gisements aurifères font l’objet de convoitises de la part de multinationales canadiennes ou russes.
La Guyane vitrine de l’Europe en Amérique Latine possède une forêt tropicale primaire riche d’une biodiversité incomparable et qui reste, encore, en grande partie à découvrir. Ce qui explique l’existence de zones protégées ou à protéger.
Autoriser un complexe minier de l’envergure envisagée dans une vallée séparant deux réserves biologiques intégrales, est une aberration écologique. Les réserves de Lucifer et Dékou-Dékou sont des réserves biologiques intégrales (RBI). Elles ont pour objectifs l’étude et la conservation des écosystèmes naturels forestiers. Elles sont mises en place par l’Office National des Forêts. Leur statut veut que les activités humaines y soient réduites uniquement aux activités scientifiques et l’accès y est donc restreint. La RBI de Lucifer / Dékou-Dékou est la première réserve biologique intégrale de Guyane, mais également la plus grande réserve biologique de France.
http://www.onf.fr/guyane/sommaire/foret/conserver/reserve/20131028-174611-339573/@@index.html
ET POURTANT…
Nord Gold prévoit de creuser une fosse de 2,3 km de longueur sur 500 m de largeur et de 400 m de profondeur. Cette fosse énorme va générer un terril entraînant des risques d’écoulements d’acides miniers à la saison des pluies. Des digues ne seront pas une protection absolue.
Le titre minier de la Montagne d’or situé à 120 km de St-Laurent-du-Maroni est détenu par cette multinationale canadienne junior, Colombus Gold, qui assure la prospection. La production sera gérée par une autre multinationale, dite major NordGold d’origine à capitaux russes. Son siège est à Moscou, mais elle est opportunément enregistrée et immatriculée aux Pays-Bas. Elle exploite des mines d’or au Canada, en Russie, au Kazakhstan, en Guinée, au Burkina Faso où elle possède la mine de Bissa et une autre à Taparko. Nordgold est cotée à la Bourse de Londres depuis 2012.
L’impact mortifère sur la faune et la flore et les dégâts irréversibles sur l’environnement causés par l’extractivisme minier à travers le monde ne sont plus à démontrer.
Lors de la COP21, la France a invité les dirigeants du monde entier à engager la transition énergétique face au réchauffement climatique. Elle ne saurait accepter un projet de mine industrielle à ciel ouvert sur son territoire. Qu’on en juge :
- Durée de vie de la mine 13 à 15 ans.
- Rendement attendu 1,5 g d’or pour une tonne de roche broyée. Soit 93 tonnes d’or en fin d’exploitation.
- Une saignée de 120 km à travers la forêt primaire pour la création d’une ligne haute tension raccordée au réseau pour les besoins de l’usine (20 MW). Seule la base vie sera alimentée par du solaire.
- Une voie d’accès élargie et bitumée de plus de 100 km sera ouverte (dont la moitié sera financée par le contribuable français).
- Plus de 100 camions de très gros gabarit feront la noria pour remonter les roches jusqu’à l’usine. Des milliers de litres de gas-oil vont transiter à travers la forêt vers des lieux de stockage.
- Une importante quantité de gaz à effet de serre (GES) sera générée.
- D’immenses quantités d’eau seront gaspillées, entraînant des risques de pollution pour les populations vivant sur le fleuve Maroni.
- Les séquelles de « l’après-mine » sont parfaitement connues, recensées et prévisibles (D.A.M, ruptures de digues…). Elles doivent être prises en considération par le ministère de Ségolène Royal pour refuser de délivrer des permis de prospection et de recherches minières aux multinationales prédatrices.
UN PASSIF SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL DÉNONCÉ AU BURKINAFASO
Les méthodes de cette société russe ont fait l’objet d’une enquête, puis d’un rapport à l’initiative de Action de Carême, une ONG catholique (*) basée en Suisse. Il stipule : « Les sociétés minières présentes au Burkina Faso, en l’occurrence Iamgold, Nord Gold et Amara Mining, ont une grande responsabilité dans les violations des droits humains que nous avons exposées ».
Pour rappel, Iamgold est connue pour son projet avorté de mine d’or à ciel ouvert sur la montagne de Kaw (Guyane). Elle possède des centaines d’hectares de concessions minières en Guyane, qu’elle espère bien exploiter.
DES MÉTHODES D’EXPLOITATION ABERRANTES
À force de dynamitage et de raclage par des engins de chantier gigantesques, on va extraire puis broyer la roche dans des concasseurs très énergivores. Le contenu fera ensuite l’objet d’un complexe processus de cyanuration (cyanure et bien d’autres produits chimiques) afin de récupérer 1,5 g, au mieux, de métal jaune par tonne de roches.
Chaque tonne de roches broyées, déduction faite de son infime teneur en or, devient « stérile » pour l’industriel mais reste surtout des déchets miniers pour les citoyens guyanais. Ces masses seront alors stockées, ad vitam æternam, aux abords de la mine, sur des centaines d’hectares. De cette fosse qui, à terme, s’étendra sur 2,5 km de long, 500 m de large et plus de 400 m de profondeur, ce sont plus de 450 millions de tonnes de roches qui seront extraites et/ou réduites en poudre ! Ce broyat monumental de roches, contient des éléments chimiques qui sont naturellement associés aux filons d’or, à savoir des teneurs en métaux lourds, potentiellement du cadmium, plomb, antimoine, arsenic et mercure naturel.
Ces composants chimiques sont inoffensifs tant qu’ils sont dans les entrailles du sol, mais une fois rendus solubles par le processus industriel, ils deviennent de puissants toxiques pour les écosystèmes et l’homme.
Imaginez le devenir de ces terrils de déchets miniers de plus de 10 m de hauteur, essaimés sur des centaines d’hectares, lessivés par les pluies tropicales. Il se produira ce qu’on appelle le « drainage minier acide » (DMA) qui contaminera le chevelu hydrographique du secteur (criques et fleuves) et qui parviendra, à terme, sur nos côtes, dans nos terres agricoles, avant de finir dans nos assiettes, de nuire à notre santé à l’instar des dégâts causés par l’exploitation des sites miniers de métropole ou de leur abandon sans dépollution.
ENDIGUEMENTS : DE LA POUDRE AUX YEUX À COURT TERME
« Les déchets miniers seront retenus par des digues » nous dit-on. L’actualité nous informe régulièrement de la destruction accidentelle de ces digues sous la violence des précipitations tropicales (rupture de barrages miniers au Guyana et au Brésil, en novembre dernier, qui ont provoqué une coulée de boues toxiques de 800 km).
LES DANGERS DE L’EXTRACTION
« On ne peut pas faire de grosses mines en Guyane, avec les précipitations, on ne va pas arriver à gérer les déchets. Devant les difficultés techniques, l’opérateur va faire des choix et le seul arbitrage qui existe, c’est l’argent », commente de son côté un membre de l’association « Ingénieurs sans frontières ». Un rapport du BRGM de 2012 (que nous avons joint à notre mail d’information), note que « les parcs à résidus sont souvent sous-dimensionnés pour retenir les matériaux boueux issus du processus et on note l’absence de planification dans la conception et l’élaboration de ces ouvrages tout au long du cycle de vie de la mine ».
L’EMPLOI ET LES RETOMBÉES ÉCONOMIQUES
Il suffit de connaître le processus d’implantation d’une mine pour mieux comprendre la désillusion rapide des pays qui accueillent ces multinationales. Actuellement, dans le secteur minier international privé, il est important de distinguer deux grands types de sociétés qui sont complémentaires : les sociétés d’exploration (juniors) ; les sociétés d’exploitation (majors).
UN BON EXEMPLE, LA BOLIVIE
Ce pays voisin demeure l’un des plus pauvres d’Amérique du Sud malgré les permis octroyés depuis des années à grand nombre de transnationales (or, pétrole, diamant…).
L’ILLUSION DES RETOMBÉES FINANCIÈRES POUR NOTRE PAYS
Que représenterait notre « ridicule » taxe minière (2 %), face aux 100 M€ sur fonds publics exigés par la construction d’infrastructures à l’usage exclusif du minier ? Une gabegie !
POUR FINIR…
La multinationale Nord Gold aura un besoin énergétique représentant 20 % de la consommation annuelle du département ; soit la consommation annuelle de la ville capitale Cayenne (20 MW). Une absurdité à mettre en relation avec les émissions de gaz à effet de serre, favorisant le réchauffement climatique pour extraire 1,5 g d’or par tonne de roches broyées,
Il faut retenir que le « business de la compensation », souvent mis en avant pour permettre aux industriels de s’installer, a été inventé par ceux qui en abusent, pollueurs et bétonneurs, pour légaliser un « droit à polluer » afin de «monnayer la nature» avec l’assentiment tacite – voire complice de certains environnementalistes.
Quant aux bureaux d’études privés, ils mettent souvent en œuvre des méthodes comptables qui détournent totalement l’esprit de la loi, faisant croire à la reconstitution rapide des écosystèmes détruits.
Le protocole de compensation est d’autant plus inique, qu’une fois les accords d’échanges adoptés, ils ne comportent aucune obligation de résultats ni de suivi des programmes. Il n’est qu’à en juger par le contrôle, sur le demi-siècle passé, des re-végétalisations des parcs à résidus miniers en sites isolés, ne serait-ce qu’au regard sur le turn-over des fonctionnaires DEAL ou ONF.
Si ces projets se concrétisaient, ils détruiraient chaque jour des espèces animales ou végétales, avant même de les avoir découvertes.
Motion
Le Conseil fédéral d’Europe Écologie Les Verts réuni les 10 et 11 décembre 2016 :
1 . Mandate le Bureau exécutif d’EELV pour qu’il prenne en charge la médiatisation au plan national de l’opposition à ces projets extractifs et la défense de la préservation des équilibres écologiques du ressort de la France ainsi que la prise en compte des intérêts humains, environnementaux et économiques des Guyanaises et des Guyanais.
- Demande aux parlementaires d’EELV de constituer une délégation pour rencontrer dans les délais les plus courts la ministre de l’Environnement en vue d’obtenir de sa part l’engagement de la non-délivrance des permis d’exploitation pour le site « MONTAGNE D’OR ».
- Demande par question écrite à Mmes les ministres de l’Environnement et des DOM qu’elles signifient aux multinationales extractives ou à leurs compagnies affiliées ou mandatées l’interdiction d’exploiter ou de prospecter à un échelon industriel sur le sol ou le sous-sol guyanais.
- Demande que la problématique extractive guyanaise soit portée par les eurodéputés EELV ou associés pour défendre l’intégrité de l’Amazonie guyanaise et qu’ils portent ce combat au plus haut sommet de la Commission européenne.
- Demande à ce que le Bureau exécutif d’EELV rende compte aux membres du Conseil fédéral et par des points presse de l’état d’avancement de ces démarches et rencontres.
Unanimité pour
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au Conseil fédéral des 10 et 11 décembre 2016