L’actualité économique est dominée par la crise des dettes étatiques. La réalité est plus complexe et marque une hétérogénéité des situations entre pays. Au delà des montants, il faut apprécier également les raisons de ceux-ci, leurs répartitions.
Le taux d’endettement de la zone euro est 85,1 %du PIB et celui de l’UE de 80 % en 2010 contre respectivement 66,2 % et 59 % en 2007. Les déficits publics se sont plus dégradés sur la période : -6 % du PIB pour la zone euro et -6,4 % pour l’UE en 2010 contre respectivement -0,7 % et -0,9 % en 2007.[1] Eurostat déclare par ailleurs qu’un certain nombre d’États (Danemark, en Allemagne, Irlande, Lettonie, Autriche, Portugal et Royaume-Uni), confrontés aux conséquences de la crise bancaire, ont mis en place des structures de défaisance financière, qui peuvent conduire à une sous-estimation de l’endettement de ces pays.
Aux États-Unis, le déficit public a atteint désormais près de 9 % du PIB et l’encours de dette ne cesse de progresser pour dépasser 100 % du PIB d’ici à 2012. Le Japon dépasse les 200 % de dette publique et les 7 % de déficit budgétaire.
Mais à la dette publique, il faut aussi tenir compte des dettes des ménages, des entreprises, des sociétés financières. L’insolvabilité d’un acteur peut avoir des effets catastrophiques comme par exemple celle des ménages américains avec le crise des crédits subprimes, la faillite de Lehman Brothers, de General Motors…
La France, comme de nombreux pays, se situe dans un contexte particulier qui allie une baisse des recettes fiscales, elle même due à une baisse des impôts depuis 2000, une détérioration du rapport salaire/capital dans la répartition des revenus une accentuation des inégalités sans précédent au sein même des salariés. Selon le rapport du député UMP G. Garrez, entre 1999 et 2009, les baisses d’impôts non compensées ont entraîné une hausse de la dette équivalent à 20 % de PIB. Selon la Cour des comptes, la conjoncture (et donc la crise) n’explique que 27 % du déficit français. Depuis 2004, la forte croissance des dépenses fiscales (néologisme pour cadeau fiscal) a coïncidé avec la norme de croissance « zéro volume » des dépenses budgétaires (Cour des comptes). En d’autres termes, depuis 2004, on a favorisé les hauts revenus à travers des niches fiscales au détriment des classes moyennes et populaires (destruction de postes de fonctionnaire, réduction des indemnités chômages, allocations chômage…). Entre 2000 et 2009, les dividendes ont doublé au détriment des salaires et surtout des investissements productifs des entreprises. Les aides publiques au logement ont fortement augmenté et ont contribué à la hausse du prix de l’immobilier supérieure à celle des revenus. Le poids de l’endettement immobilier des ménages a par ricochet augmenté.
Un autre mécanisme a contribué à la hausse de l’endettement privé : la baisse du pouvoirs d’achat et la modération salariale ont contribué à augmenter la hausse des crédits.
Au cours des années 2000, la politique gouvernementale a contribué à transférer une partie des richesses produites vers les classes les plus riches et a appauvri les classes les plus défavorisées.
Aujourd’hui, la dette est donc fondamentalement injuste car elle représente un transfert financier au profit des plus riches de la plus grande partie des contribuables qui, à travers la fiscalité, paie la charge de la dette et en subit les conséquences avec la réduction des dépenses publiques.
Par ailleurs, les besoins d’investissement pour résoudre les crises écologiques sont très importants et urgents. Rien que pour réaliser les objectifs du Grenelle de l’environnement, il faudrait 440 mds d’euros sur une décennie. Par ailleurs, compte tenu de la structure sociale française, les dépenses publiques en France en 2009 ont eu un effet contra-cyclique bien plus important qu’en Allemagne qui a connu une récession de plus de 5 %. Une politique d’austérité en France pourrait avoir le même contre effet qu’en Grèce. Depuis le début de la récession dans le pays, le PIB en volume a reculé de 12,3 %. La croissance du premier trimestre était à la précédente publication de +0,2 % et est désormais à -1,6 %. La charge de la dette n’a pas été réduite, bien au contraire avec la hausse des taux d’intérêt.
Cela étant dit, la France n’est pas à l’abri d’une attaque spéculative sur sa dette qui est au deux tiers détenue par des investisseurs étrangers.
Par conséquent, Europe Écologie Les Verts :
1 • Considère que ce n’est pas par la réduction des dépenses publiques, mais par leur réorientation et par l’augmentation des recettes fiscales que la France sortira de la spirale d’endettement dans laquelle elle est prise ;
2 • Considère qu’il faut supprimer les niches fiscales non écologiquement soutenables et socialement injustes, fusionner la CSG et l’IRPP et rétablir les tranches d’imposition sur les hauts revenus, instaurant un Revenu Maximum, afin d’améliorer les capacités fiscales de l’État français pour relancer l’investissement soutenable plutôt qu’accroître les inégalités ;
3 • Considère qu’il faut réduire les dépenses budgétaires improductives et insoutenables, comme le nucléaire militaire, l’exonération de la taxe kérosène, le soutien aux agrocarburants, à la construction de nouvelles routes… ; …. Les crédits affectés a la politique d’immigration sécuritaire
4 • Considère qu’il faut consacrer la dette à des dépenses d’investissement qui permettent de réduire les effets des crises écologiques, une relocalisation de la production, le soutien aux énergies renouvelables et à la réduction des dépenses énergétiques pour permettre une sortie du nucléaire… ;
5 • Considère que la constitutionnalisation de toute règle budgétaire est contraire à l’esprit d’une constitution de définir les droits des citoyennes et des citoyens ; La règle d’or d’initiative libérale n’est pas une réponse adaptée à la crise mais est un acte politique orienté négativement vis à vis des peuples
6 • Considère que la dette de crise (20 %) doit être rachetée par la BCE, mutualisée et financée par une une taxe sur les opérateurs financiers ;
7 • Considère qu’un audit de la dette française doit être réalisée à la lumière de ce qui a été fait en Équateur ;
8 • Considère qu’afin de réduire le risque vis-à-vis des créanciers étrangers d’attaque spéculative, qu’il y a nécessité de développer en France un pôle bancaire public et coopératif adossé a minima à la Banque postale et un pôle financier d’investissement public à la Caisse des dépôts et à OSEO, dont le périmètre et les modalités de constitution seront précisées dans le projet 2012.
9 • Considère que la dette s’apprécie à l’aune du patrimoine créé pour les générations futures, sans obérer les investissements nécessaires à la transformation écologique tant des acteurs privés que publics. Ils seront financés soit sur l’autofinancement des entreprises, soit par la mobilisation d’une épargne fléchée dans le cadre d’un livret Vert, géré par un pôle financier public. Cela permettra de mieux orienter l’épargne longue et les crédits vers des investissements écologiquement soutenables et socialement justes ;
10 • Considère qu’un objectif de réduction du déficit budgétaire à 3 % du PIB en 2013 est impossible à tenir ; et que toute politique budgétaire ne peut s’envisager qu’au regard des conséquences écologiques économiques et sociales qu’elle engendre ;
11 • Demande un renforcement des outils de contrôle de l’autorité de contrôle prudentielle qui permettaient aux États de contrôler la création de crédits par les banques privées. La France doit pousser pour que cette réforme se mette en place au niveau européen ;
12 • Considère qu’il faut s’attaquer à la spéculation immobilière (encadrement des loyers à la relocation, politique volontariste de gel des loyers durant 3 ans et de plafonnement des prix au m2 par le biais d’une politique fiscale sur les transactions ;
13 • Rappelle qu’une politique européenne est indispensable, et les recommandations de la décision du CF de Nantes :
14 • « L’Union européenne doit négocier le rééchelonnement de la dette grecque ; prêter à la Grèce des crédits nouveaux aux taux de la BCE et contrôler la mise en œuvre d’une réforme fiscale permettant de faire contribuer les contribuables aisés pour financer des services publics et la reconversion écologiste.
15 • Demande la création d’une agence de notation européenne publique pour évaluer les dettes souveraines.
16 • Revendique un contrôle accru des marchés dans les actes et pas seulement dans les discours. Cela passe notamment par l’interdiction de toute forme de spéculation contre les dettes souveraines et par la suppression des paradis fiscaux. Les pertes des banques en faillite doit être assuré par leurs actionnaires et non par les finances publiques, comme dans le cas de la faillite de Lehman Brothers.
17 • Demande une nouvelle politique économique européenne pour réduire les déséquilibres macroéconomiques européens. Car le déficit des pays dits périphériques est très largement le pendant des excédents réalisés par d’autres pays comme l’Allemagne ou l’Autriche.
18 • Demande un changement de la politique monétaire européenne et donc la modification des traités européens, en inscrivant dans le droit ce que les institutions européennes ont fait de manière exceptionnelle. La Banque centrale européenne doit pouvoir, en cas de tension ou pour financer uniquement des investissements nécessaires à la conversion écologique de l’économie, prêter directement aux États et racheter des bons du trésor nationaux. Les pays de la zone euro doivent être solidaires et garants de la dette de chacun des États, comme c’est le cas dans tout fédération politique.
Pour ce faire ils doivent mettre sur pied dans des délais rapprochés le fonds de solidarité financière.
19 • Demande le renforcement du budget européen jusqu’à 5 % du PIB, au lieu de 1 % actuellement, et une meilleure coordination des politiques budgétaires nationales. Nous condamnons le renforcement du Pacte de Stabilité qui sera probablement définitivement adopté en septembre 2011. Il faut des politiques structurelles européennes qui permette de répondre à la crise écologique, notamment par le financement d’investissements via la Banque européenne d’investissement. Cela permettra également comme dans les années 1970-80, des transferts financiers vers les pays les plus faibles de l’Union européenne pour réduire les inégalités entre pays. » Une taxe sur toutes les transactions financières est aujourd’hui une priorité.
20 • « Demande le remplacement des politiques de concurrence fiscale qui empêche les États de lever suffisamment d’impôts par une harmonisation européenne fiscale commençant par lfimpôt sur les bénéfices des sociétés multinationales et une taxation européenne des revenus financiers et des transactions financières.
21 • Demande que la France prenne l’initiative d’une réforme des Institutions de Bretton Woods (FMI et banque mondiale), qui privilégient actuellement le dollar comme monnaie internationale, et encouragent la guerre des monnaie. Le projet défendu de Keynes à Bretton Woods d’une monnaie internationale garantie par un panier de ressources naturelles pourrait être réactualisé. »
Pour : 80 ; Contre: 2 ; Blancs : 0
Décision CF- 11-054
[1]Le déficit de la France avec -7 % est supérieur à la moyenne mais largement en deçà de certains pays (Irlande, -32,4 %, Grèce, -10,5 %, Royaume-Uni, -10,4 %, Espagne, -9,2 %, Portugal, -9,1 %, Pologne, -7,9 %). Il en est de même pour la dette avec 81,7 %, contre 142,8 % pour la Grèce, 119,0 % pour l’Italie, 96,8 % pour la Belgique, 96,2 % pour l’Irlande, 93,0 % pour le Portugal, et même 83,2 % pour l’Allemagne.