Exposé des motifs

Le  débat national sur la transition énergétique a révélé la profonde volonté de mettre en place un système énergétique décarboné basé sur une consommation d’énergie réduite, grâce à l’application des principes de sobriété et d’efficacité et, pour couvrir cette consommation résiduelle, de mettre en place une production intégralement basée sur les énergies renouvelables dans le respect des équilibres écologiques et de la préservation des ressources naturelles

Alors que l’appel à cette mutation du système énergétique est plus fort que jamais, le recours au gaz de couche, gaz non conventionnel contenu dans des veines de charbon non exploitées apparait en complète contradiction avec la réorientation en profondeur de la politique française vers la sobriété énergétique et les énergies renouvelables.

Cependant, l’exploitation du gaz de couche n’annonce pas seulement un retour aux énergies fossiles. Il annonce également un retour du débat sur la fracturation hydraulique puisque, partout dans le monde, l’exploitation du gaz de couche requiert la fracturation hydraulique du charbon contenant le gaz[1]. Or, en France, si la Loi du 13 juillet 2011, récemment confirmée par le Conseil constitutionnel, interdit le recours à cette méthode, les dernières études visant à proposer des solutions alternatives pour l’extraction du gaz de couche conduisent à des conclusions alarmantes :

  • Le rapport publié en mai par le BRGM et INERIS[2] pointe les risques accidentels et les impacts environnementaux de l’exploitation du gaz de couche mais évoque le recours à des méthodes alternatives à la fracturation hydraulique dites de « stimulation de la roche ». Or il s’agit in fine d’une fracturation « light » vraisemblablement indispensable à la rentabilité de l’exploitation du gaz de couche.
  • Le rapport de l’Opecst[3], adopté le 26 novembre dernier, va plus loin encore. Alors qu’il portait sur la recherche en techniques alternatives à la fracturation hydraulique, « il renvoie à d’improbables études ultérieures pour mieux se consacrer à l’apologie d’une fracturation hydraulique, repeinte pour l’occasion en vert, présentée comme ayant finalement des impacts dorénavant maîtrisables… mais sans jamais préciser au regard de quels critères » selon Denis Baupin, Vice-Président de l’Assemblée Nationale, et Corinne Bouchoux, Sénatrice, membres Opecst qui se sont opposés à l’adoption du rapport.

Or, la Loi du 13 juillet 2011 interdit la fracturation hydraulique pour l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux mais ne définit pas précisément cette technique. Elle laisse ainsi un flou juridique propice à l’utilisation de techniques d’exploration et d’exploitation du gaz de couche qui sont aussi problématiques que la fracturation, sans en porter le nom. 

La phase d’exploration des gisements de gaz de couche pose en elle-même problème. Présentée comme le moyen de valider la possibilité d’une exploitation du gisement, elle implique également des forages, le pompage d’eaux souterraines charriant des éléments chimiques qu’il faudra retraiter, des risques de fuites et exige parfois de la stimulation pour identifier la capacité de production du gisement. Cette activité qui précède l’exploitation en elle-même a ainsi les mêmes impacts nuisibles sur les populations et activités alentours (élevage, agriculture et tourisme).

Un intérêt économique surévalué

Les promoteurs d’une exploitation du gaz de couche fondent leur argumentaire sur l’exemple du « choc de compétitivité » dont bénéficie l’économique américaine grâce à l’utilisation des gaz non conventionnels. Or, la baisse du coût de l’énergie permise aux Etats-Unis par l’exploitation des gaz de schiste n’est non seulement pas durable, notamment car elle ne permet par aux entreprises exploitantes d’atteindre un retour sur investissement, mais elle n’est pas reproductible en France dont la géographie du sous-sol est tout autre et les charbons moins perméables. Les estimations les plus optimistes des industriels ayant un intérêt à l’exploitation du gaz de couche dans les bassins de Loraine et du Nord-Pas de Calais annoncent une part de 2 à 6% de la consommation française annuelle, alors qu’il faut franchir a minima la barre des 20% de la consommation annuelle pour avoir un impact sur les prix[4]. Ce faible gain d’un « gaz made in France » est à mettre en regard de l’absence d’impact économique négatif de l’interdiction française de la fracturation hydraulique.

 

Un impact sur l’emploi négligeable 

La perspective d’une forte création d’emplois en France grâce à l’exploitation du gaz de couche repose elle aussi sur l’expérience américaine. Or, les 600 000 emplois directs et indirects générés aux Etats-Unis doivent être mis en perspective avec les 500 000 puits forés, soit un nouveau puits toutes les huit minutes ces derniers mois. Il faudrait ainsi forer 90 000 puits en France soit 30 puits par jour en continue d’ici à 2020 pour atteindre la création de 100 000 emplois… La Société EGL n’a créé pour le moment en Lorraine, le bassin le plus convoité par cette société souhaitant exploiter le gaz de couche, que 20 emplois en phase d’exploration et envisage un scenario de 150 emplois lors du pic de production. Les perspectives sont même inférieures sur d’autres bassins d’exploitation tels que le Nord-Pas de Calais.

 

Des risques environnementaux éludés

L’exploitation du gaz de couche par extraction d’eaux souterraines, si elle n’est pas qualifiée de fracturation, peut compromettre encore un peu plus la qualité des nappes d’eau potable. Les risques de migration de méthane dans les aquifères, l’extraction et le retraitement d’eaux souterraines non potables qui devront être ensuite rejetées, l’abaissement des nappes phréatiques sollicitées, les risques d’affaissements des sous sols lors de la création et la mise en dépression de nouveaux forages horizontaux… sont autant de risques environnementaux lourds pour les populations avoisinant les zones de captage. D’autant qu’à ces dangers immédiats de l’exploration et de l’exploitation s’ajoute l’héritage de cette extraction du gaz de couche : 60% des puits de gaz fuient dans un délai de 30 ans or cette exploitation requiert que beaucoup de puits soient forés, puits qui ne seront pas démontés ni réutilisés et se délabreront avec le temps.

 

Une orientation contraire aux engagements de la France

Le respect du paquet «énergie climat» impose des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 20% à l’horizon 2020 et François Hollande s’est fixé comme objectif de parvenir à un accord global sur le climat en 2015 avec une position plus ambitieuse de 40% en 2030, puis de 60% en 2040. Or, en cumulant les émissions de gaz à effet de serre lors de la combustion du méthane extrait des couches de charbon souterrain, toutes les étapes d’extraction ainsi que les fuites et les émissions fugitives de gaz imputables à l’exploration et aux forages, le bilan carbone de l’exploitation du gaz de couche pourrait être aussi néfaste pour le climat que l’extraction et la combustion du charbon. L’expérience américaine nous indique en effet que l’exploitation des gaz non conventionnels provoque de 3,5 à 8% de fuite de méthane. Or, il est acquis qu’à partir 3% de fuite, le bilan carbone de l’exploitation des gaz non conventionnels est plus lourd que le bilan carbone de l’exploitation du charbon.

La France doit être cohérente dans son action, dans les négociations climatiques internationales autant que dans les choix politiques nationaux. Les industries extractives détruisent les travaux soutenables à long terme alors que leurs gains à court terme sont inférieurs aux risques et pertes à long terme.

 

Motion :

Le Conseil fédéral d’EELV :

  • Ÿ  se positionne contre le recours à une « stimulation » de la roche, qui n’est qu’autre qu’une fracturation « light », en vue d’extraire du gaz de couche ;
  • Ÿ  exige le comblement des lacunes règlementaires permettant le recours à des techniques d’exploration et d’exploitation du gaz de couche dont la sécurité environnementale n’est pas avérée ;
  • Ÿ  apporte son soutien à toutes celles et ceux qui font barrage sur le terrain à l’exploitation d’une nouvelle énergie fossile qui compromet gravement la transition énergétique ainsi que le respect des engagements en matière de réduction d’émissions de gaz à effet de serre ;
  • Ÿ  appelle les membres et élu-e-s d’EELV, à tous niveaux, à interpeller  d’une part l’ensemble des têtes de listes aux prochaines municipales sur les territoires concernés, et d’autre part le Ministre de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie sur ses engagements et le cadre règlementaire et sur la nécessité d’interdire l’exploration et à l’exploitation des gaz de couche, quel que soit le nom de la méthode employée.

Unanimité pour


[1]          Les Etats-Unis, l’Australie et le Canada, les 3 principaux producteurs de gaz de couche, recourent de manière quasi systématique à la fracturation hydraulique.

[2]          La « synthèse sur les gaz de houille : exploitation, risques et impacts environnementaux » publiée par le BRGM et INERIS a été missionnée à la demande du ministère de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie

[3]          L’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques a adopté le Rapport « Les techniques alternatives à la fracturation hydraulique pour l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels »  présenté par le sénateur UMP Jean-Claude Lenoir et le député PS Christian Bataille.

[4]          Source Union Française des Industries Pétrolières.

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Motion adoptée au Conseil fédéral des 14 et 15 décembre 2013
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