Exposé des motifs

La COP21 nous a laissé un goût amer : d’une part, des engagements ambitieux de la part des Etats ; d’autre part, peu d’éléments contraignants ni sur le respect de ces engagements, ni sur les outils juridiques permettant de préserver la planète mère.

Or, la prise en main de la situation climatique planétaire requiert une responsabilité morale et légale qui dépasse la simple «déclaration d’intentions». La pollution et la destruction de notre environnement, ainsi que l’épuisement des ressources naturelles progressent rapidement et nous faisons face à un grand vide juridique international pour les enrayer. Il est temps de dresser un paysage juridique qui permettrait de renforcer et soutenir les engagements des Etats ainsi que de juger les auteurs de crimes environnementaux les plus graves pour permettre la sauvegarde de l’humanité et de la Nature.

De par le monde, les initiatives présentant des solutions systémiques à la dégradation du milieu naturel par une adaptation du droit international public et pénal se multiplient. Quelles que soient les approches (Droit de la Terre, Droits de la Nature, Droits des générations futures, Droit de l’Homme à un environnement sain, crime d’écocide), toutes s’inscrivent dans une perspective socio-écosystémique novatrice selon laquelle les êtres humains font partie intégrante de la nature et leurs actions ont des conséquences, non seulement sur leur environnement, mais aussi sur leur propre devenir. Cette émergence et convergence d’initiatives est l’expression d’un mouvement historique en faveur d’une adaptation des normes internationales face à des dégradations environnementales majeures.

Face à la destruction des conditions de vie sur Terre, une évolution du cadre juridique international  est nécessaire pour pouvoir encadrer les activités industrielles dangereuses, poser un cadre contraignant à l’action des multinationales, lever l’impunité de leurs dirigeants, assurer le jugement et la sanction des crimes environnementaux, prévenir et atténuer les conséquences du réchauffement climatique.

Le travail est déjà entamé, avec notamment la promotion de la responsabilité des multinationales, le devoir de vigilance, vis-à-vis de leurs filiales. Mais les initiatives pour promouvoir une Organisation mondiale de l’environnement aussi bien que des Cours attenantes à la santé et à l’environnement ne sont guère portées par les divers Etats du monde, laissant ainsi à la seule société civile le soin de juger sans autre effet que réputationnel les responsables majeurs de la destruction de la planète.

Il existe un lien intrinsèque entre le Droit de l’Homme et des générations futures à bénéficier des bienfaits d’un environnement sain et viable et la reconnaissance des Droits de la Nature. Nous devons construire un nouveau Pacte à adosser aux deux Pactes de la Charte universelle des droits de l’homme. Ce troisième pacte international des droits de l’homme serait relatif à l’Environnement, ses piliers seraient la sauvegarde de la biodiversité et le respect de la dynamique des écosystèmes – indispensables pour garantir la sureté de la planète. Il y serait érigé au rang de normes impératives le droit à un environnement sain pour les générations présentes mais aussi les générations futures.

Notre santé est intimement liée à celle de la biosphère, notre pérennité en tant qu’espèce est aussi liée aux capacités de la biosphère à se régénérer. Notre droit à un environnement sain présuppose de protéger l’environnement. Mais des centaines d’instruments juridiques ont été élaborés pour cela et pourtant nous échons dans notre tâche car le droit de l’environnement et le droit à l’environnement sont construits sur une vision morcelée de la nature sans mettre en exergue la réalité des cycles écologiques de la biosphère. Il est donc temps de reconsidérer la protection de la nature, ou plus exactement de la vie, selon une approche écosytémique, en protégeant par le droit ou mieux en donnant des droits intrinsèques aux grands écosystèmes vitaux et leurs sous-systèmes comme  les Océans, leurs fonds marins et leur équilibre chimique, les Pôles, l’atmosphère et sa chimie, l’extra-atmosphère, les dernières forêts primaires du monde telles que la forêt amazonienne, la forêt boréale, la forêt d’Afrique centrale, la forêt d’Indonésie, la forêt de Patagonie et celle de Tasmanie, les rivières, les fleuves et les espèces migratrices qui parcourent ces espaces, la biodiversité dans chacun de ces écosystèmes ainsi que les patrimoines génétiques de chacune des espèces animales ou végétales connues et à découvrir.. Il est impératif de protéger aussi les cycles biogéochimiques qui édifient le système d’échange de matière et d’énergie sur lequel tout repose. Il nous faut aussi dégager la protection de ces communs planétaires et des systèmes écologiques de la Terre de considérations utilitaristes pour l’humain. Nous devons regarder ces communs planétaires et les systèmes écologiques en général selon un axe objectif global, en écologue désintéressé, en acceptant de les maintenir au nom de leur valeur intrinsèque, c’est à dire une valeur non négociable qui surpasse la somme des intérêts particuliers de chacun des sous-systèmes ou espèces vivantes.

Neuf processus et systèmes régulant la stabilité et la résilience du système Terre  ont été identifiés par la science- c’est à dire les interactions entre les sols, l’océan, l’atmosphère et la vie – qui fournissent ensemble les conditions de vie dont nos sociétés dépendent.  Des niveaux-seuils ont pu être déterminés au-delà desquels l’équilibre du système Terre serait suffisamment déstabilisé pour ne plus offrir un espace sécurisé à l’activité humaine. Mais un certain nombre de ces seuils a déjà été atteint par l’action des sociétés modernes humaines, et ce suffisamment pour mener le système Terre vers un nouvel état pour lequel nous ne sommes pas préparés. Cette théorie sur les limites planétaires a été reconnue par les Nations Unies et peuvent donc faire consensus pour construire un socle scientifique sur lequel pourrait s’appuyer un droit universel garant de la sûreté de la planète pour tous.

Le droit international devrait s’étoffer de normes fixant les limites de nos impacts sur la biosphère à l’échelle globale. Des normes qui ne puissent pas se négocier par le corps politique, qui ne puissent pas faire l’objet d’une adhésion laissée à la discrétion des Etats et qui ne seraient pas assujetties à une justice aux prises avec le principe de souveraineté nationale. Ces normes sont à définir et à redéfinir dans le temps par la science selon ses avancées mais elles doivent pouvoir s’imposer à tous au nom de la préservation de la sûreté de la planète. Le cadre normatif basé sur les « limites planétaires » devrait servir à définir une politique globale visant à la satisfaction des besoins humains les plus immédiats, tels que la fourniture d’énergie propre, abordable et accessible et un approvisionnement alimentaire suffisant.Il est temps que science et conscience s’unissent pour nous offrir un futur désirable, il est temps que la justice s’appuie sur des faits scientifiques pour garantir équité et dignité au sein de l’humanité. C’est en érigeant l’écosystème Terre en valeur pivot de notre système juridique que nous pourrons édifier le corps d’une doctrine universaliste.

Le droit est l’un des vecteurs de changement les plus puissants qui soient. Nous exigeons un cadre juridique qui puisse assurer la sûreté de la planète et la sécurité humaine, garantir notre droit fondamental à un environnement sain et à un climat stable, et assurer des conditions de vie viables pour les générations futures.

Nous promouvons une réponse tangible et immédiate pour garantir une justice environnementale et climatique, remettre l’humain au dessus des profits et permettre la sauvegarde du vivant sur terre, tout en protégeant les générations présentes et futures de conditions d’existence indignes. Ceci passera par une mobilisation collective de nos moyens d’actions.

Agir pour la justice environnementale et climatique, c’est notre affaire à tous.

Motion

Réunis en Conseil fédéral les 8 et 9 juillet 2016, le Conseil Fédéral d’EELV :

  • Fait sienne la demande portée par divers mouvements de la société civile et de partis verts de par le monde de reconnaître le crime d’écocide par le droit pénal international comme 5ème crime pouvant être poursuivi devant la Cour Pénale Internationale au même titre que le crime contre l’humanité, le crime de génocide, le crime de guerre et le crime d’agression. Pour cela, les cas graves de destruction environnementale, les atteintes à la santé qu’ils provoquent, et la menace a la sûreté de la planète qu’ils représentent – doivent être reconnus comme des crimes. Reconnaître le crime d’écocide en temps de paix permettrait de juger les auteurs de crimes environnementaux les plus graves et d’engager ainsi la responsabilité des dirigeants de sociétés transnationales, de chefs d’Etats ou de directeurs d’organismes partenaires.
  • Définit ce crime comme une atteinte grave ou durable à des communs planétaires naturels et à leurs cycles biogéochimiques et/ou à un système écologique vital pour l’écosystème Terre car nécessaires au maintien des conditions actuelles de la vie.

Unanimité pour

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